27 naissances seulement en 2020 sur le territoire national : l'âne Grand Noir du Berry est aujourd'hui la race asine la plus menacée, sur le point peut-être de s'éteindre, même sur le sol berrichon. Avec peu de moyens, des passionnés se battent pour éviter la disparition de cet animal emblématique.
Dans les campagnes jusqu’au début du XXème siècle, l’âne Grand Noir du Berry était très présent dans les petites exploitations où il servait d’animal de trait. Sélectionné de génération en génération par les paysans pour être très costaud, très puissant, on le trouvait surtout dans le sud des deux départements berrichons, Indre et Cher.
« Il fait partie des animaux de travail les plus robustes, indique Stéphanie Colin, Directrice du Pôle du Cheval et de l’Âne, basé à Lignières. Il ne faut pas oublier qu’il tirait les bateaux de halage sur le canal du Berry, et ailleurs. Mais il est aussi docile, affectueux, très proche de l’homme, plein d’empathie… »
L’âne était l’outil de travail et avec le plan Marshall, la traction a été mécanisée, il est tombé en désuétude
Cette association, l'AFAGNB, est à l’origine d’une reconnaissance officielle de la race en 1994. Mais cela n’a pas suffit pour enrayer son déclin : on comptait encore 77 naissances en 1999, mais 23 ânons seulement nés 20 ans plus tard, en 2019!
De multiples facteurs expliquent cette situation inquiétante, comme la disparition des haras et la diminution considérable des aides à l’élevage. La crise économique, aussi, est passée par là. Pour Gérard Perrot, l’âne Grand Noir du Berry n’est tout simplement plus assez rentable économiquement :
« Avec un mouton ou une chèvre, on trouve tout de suite un débouché économique, lait, fromage, viande, etc. Mais avec un âne, mis à part le lait d’ânesse, le savon et les dérivés cosmétiques…On peut encore l’utiliser pour la randonnée, mais dans le Berry c’est limité, ou pour l’asino-thérapie, qui, paraît-il fonctionne très bien. »
Logiquement, les éleveurs (et naisseurs) sont de moins en moins nombreux et de plus en plus âgés, ils peinent à trouver un repreneur.
« Nous sommes le berceau de cet âne, mais des éleveurs, dans le Cher, il n’y en a quasiment plus, déplore la Directrice du pôle du Cheval et de l’âne. Nous avons un rôle de préservation, de valorisation, il faut que la race continue à exister sur ce territoire ! Mais il ne reste que quelques éleveurs dans l’Indre, tous les autres sont hors du territoire berrichon… »
Lueurs d’espoir
Quelques signes, tout de même, sont encourageants : des écoles d’agriculture de la Région font part de leur volonté de disposer de Grands Noirs du Berry. Leurs élèves pourraient ainsi découvrir les capacités de travail de cet âne, plus respectueux des sols et moins coûteux qu’un tracteur…
« Pour le trait, on commence à avoir de la demande de jeunes qui s’installent en maraîchage bio, reprend Gérard Perrot. Mais encore faut-il pouvoir répondre à la demande… »
Les naissances, en effet, sont le nerf de cette guerre de survie. Ce que confirme Stéphanie Colin, pour le Pôle du Cheval et de l’âne :
« Avec nos ânes, nous organisons des balades, des rendez-vous pique-nique dans la campagne berrichonne. Mais nous souhaitons procéder à l’acquisition d’ânesses qui ont une bonne généalogie, pour avoir des naissances sur le site. Nous avons besoin de jeunes ânes pour travailler, car nous souhaitons développer ici l’utilisation de la traction animale, notamment dans une agriculture douce. Nous sommes quand même dans une ferme berrichonne, ici ! »
Une cagnotte pour sauver l’âne du Berry
Les équipes du Pôle, avec le soutien de l’Agence de développement touristique du Cher, ont eu l’idée, à l’automne 2020, de lancer une campagne de financement participatif pour la préservation de la race d’âne Grand Noir du Berry. Et cela a fonctionné, au-delà, même de leurs espérances :
« Notre objectif était fixé à 7500 euros, et nous avons atteint 9585 euros," se réjouit Auriane Tanqueray, Chargée de développement du Pôle. Grâce à cela, nous avons pu acheter trois ânesses à M. Mercier, éleveur à Chassignolles, dans l’Indre. Nous venons tout juste de les accueillir, et la prochaine étape sera de de les présenter à un baudet reproducteur. Mais nous sommes sur un projet à long terme, il ne faut pas oublier que la gestation est de 13 mois ! Alors si tout va bien, rendez-vous en 2022 pour les naissances… »