Agriculture : déjà 4 ans de retard des aides de la PAC, comment l'expliquer ?

Cédric Chapelier, administrateur de la Confédération Paysanne du Loiret, revient sur le retard des aides censées être versées aux agriculteurs dans le cadre de la Politique Agricole Commune européenne. Déjà 4 ans que le paiement est repoussé. 

C'est une spécificité française dont on se passerait bien, et un thème récurrent du débat public : les aides de la PAC sont en retard. Quatre ans déjà que les milliers d'agriculteurs du pays attendent le versement de l'aide européenne. Et les ministres de l'Agriculture qui se sont succédés n'ont fait que renvoyer l'échéance.  

"Avant de partir, Mr Le Foll avait engagé l'Etat à régler les aides de 2016 et 2017 en fin d'année 2017. Ça n'a pas eu lieu. Quand Mr Travert a repris le ministère, il a dit que les aides seraient débloquées début 2018. En partant, il disait fin 2018. Ça n'a pas eu lieu. Puis Mr Didier Guillaume arrive, et promet que ce serait fait début d'année 2019, et là, on est en train de repousser à l'été", résume Cédric Chapelier. 

Éleveur ovin dans le Loiret, il est administrateur de la Confédération Paysanne du département. Avec lui, nous avons essayé de comprendre pourquoi cet argent n'arrive pas jusqu'à ses destinataires. 
 

Repères


La PAC, la Politique Agricole Commune, est une politique européenne visant à moderniser et développer l'agriculture. Elle prévoît deux types d'aides financières. 
 

Avec Cédric Chapelier, nous allons aborder plus précisément le problème des aides MAE-C, représentatif de la situation globale.

Le principal problème est que le versement des aides suit un cheminement long et complexe, à tel point que, dans l'attente, les agriculteurs doivent se tourner vers d'autres options pour faire tourner leur exploitation. 
 


La lourdeur administrative désignée coupable


"Les retards actuels viennent des changements de la PAC, en 2014-2015, retrace Cédric Chapelier. Il faut se rendre compte que les dossiers sont très complexes. On a déjà deux étapes de traitement, avec énormément de choses à prendre en compte, et une réglementation qui change tous les cinq environ. Or, les agents se forment en deux ou trois ans." 

A cela s'ajoutent des défaillances techniques : les outils informatiques ne sont pas mis à jour aussi vite que les réglementations. Résultat, les DDT attendent que les ASP leurs fournissent, comme elles y sont tenues, les logiciels adéquats. Ils devaient être livrés initialement en octobre 2018. Ils attendent toujours. 
 

Des solutions de secours bancales


Pour espérer maintenir des exploitations où les fonds manquent, l'Etat a mis en place quelques solutions de contournement, qui ne satisfont pas le représentant du syndicat paysan. 

Premier recours : les Apports de Trésorerie Remboursables, les ATR. "L'Etat les verse de temps à autres. Nous, sur notre exploitation, on a touché, à l'été 2018, le solde des aides 2016 et un ATR sur les aides 2017." Mais attention : ces ATR ne sont pas un paiement partiel de l'aide, il s'agit bien d'une avance, soumise donc à des intérêts. 

Autre biais, "l'Etat met les DDT sous pression en leur disant que, si elles ne sont pas capables de traiter les dossiers, qu'elles soutiennent les agriculteurs auprès de leurs banques pour ouvrir des crédits à court terme." Encore faudrait-il leur conférer ce pouvoir de contrainte sur les institutions bancaires, qu'aucun texte n'a acté. 

Dans les deux cas, les agriculteurs y perdent. "Nous, agriculteurs, on se retrouve à emprunter à un certain taux parce que l'état a des dettes envers nous. Il n'y a pas lieu que les agriculteurs paient les frais. On pourrait en parler, des indemnités"  suggère amèrement Cédric Chapelier. 
 

"C'est un échec complet"


Pour l'éleveur ovin, cette gestion calamiteuse coûte aussi à l'Union Européenne sa stratégie écologique.

"Les aides MAE-C sont censées favorisées les pratiques favorables à la biodiversité. Quelqu'un qui s'engage à ne faire que deux fauches sur une prairie au lieu de trois, il perd en rendement. Par contre, il a favorisé certains oiseaux, certains insectes. Ça, on ne peut pas le chiffrer. Ces aides sont censées inciter les paysans à adopter ces réglementations. C'est un échec complet."
 
Cédric Chapelier ne décolère pas face à la situation kafkaïenne. "A titre personnel, sans engager la parole de la Confédération, je pense que c'est un scandale d'Etat. L'état s'est engagé auprès de dizaines de milliers d'agriculteurs sur des contrats, précis, avec des réglementations, et quatre ans après ce n'est pas payé ? N'importe quelle entité morale qui agirait comme ça se retrouverait devant les tribunaux."
 
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