Ruralité : les maisons de services au public, réelle utilité ou cache-misère ?

Ce lundi 22 mars a été inauguré un nouvel espace France Services à Buzançais (Indre) en présence d’une ministre et d’un secrétaire d’Etat. Si ces maisons de services au public ont prouvé leur utilité en zone rurale, elles servent parfois de cache-misère, dénoncent des syndicats.

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C’est en grande pompe que la maison de services au public (MSAP) de Buzançais a été labellisée France Services ce lundi matin. Etaient en effet présents non pas un, mais deux membres du gouvernement : Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques, et Joël Giraud, secrétaire d’Etat en charge de la ruralité.

Ce dernier s’en est d’ailleurs félicité sur Twitter :

Ce label France Services, c’est quoi ?

Depuis de nombreuses années existent les MSAP : elles regroupent divers organismes, comme Pôle Emploi, la caisse d’allocations familiales ou La Poste… Mais il n’existait pas de modèle uniforme.

C’est pour cette raison qu’en 2019, le gouvernement avait décidé de lancer le label France Services. Pour qu’une MSAP l'obtienne, elle doit proposer a minima neuf services :

  • Caisse d’allocations familiales
  • Caisse d’assurances maladie
  • Caisse d’assurances vieillesse
  • La Poste
  • Pôle Emploi
  • Mutualité sociale agricole
  • Service de l’Intérieur
  • Service de la Justice
  • Service des Finances publiques.

Chez nos confrères de La Nouvelle République, Joël Giraud recensait à ce jour "1.123 espaces France Services" et visait un objectif de plus de 2.000 en France d’ici à la fin du quinquennat pour "que tout le monde puisse avoir accès aux services publics du quotidien à moins de 30 minutes de son domicile".

400 passages par jour

En région Centre-Val de Loire, sur plus d’une centaine de MSAP, une soixantaine a été labellisée France Services et recensée sur une carte interactive. C’est le cas de celle de La Loupe (Eure-et-Loir). Créée en 2016, la MSAP a été labellisée en 2020.

Pour le maire de la commune, Éric Gérard, le bilan est très positif. "Cela fonctionne bien, avec entre 350 et 400 passages par mois, affirme-t-il. Il y a un bon équilibre entre le taux de fréquentation et les horaires d’ouverture (24 heures par semaine)."

Mais mettre une MSAP par canton ou par communauté de communes, comme le souhaite le gouvernement, est parfois insuffisant. "Entre Thiron-Gardais et La Loupe, il y a 25 km d’écart donc c’est plus intéressant d’en avoir deux", souligne celui qui est par ailleurs président de la communauté de communes Terres de Perche.

Cette collectivité a d'ailleurs fait le choix d’installer une seconde MSAP à Thiron-Gardais, elle-même en cours de labellisation France Services.

30.000 € d'aides

Ce label permet d’avoir "une aide de 30.000 € de l’Etat et des partenaires, qui pérennise les établissements", précise Éric Gérard.

Mais cette somme "ne suffit pas" pour faire fonctionner le lieu, qui nécessite deux salariés à temps plein. "Il faut une réelle volonté de la collectivité, insiste-t-il. Là, c’est la communauté de communes qui finance en partie ces postes et la maison a une réelle utilité, en tout cas nous, nous en sommes convaincus."

Reste à trouver des personnes compétentes pour assurer cette mission d’accueil et d’orientation. "Les populations qui viennent à la MSAP sont souvent en difficulté donc il y a un côté social en plus. Ce n’est pas si simple que cela de trouver du personnel", reconnaît le maire, même si des formations sont proposées.

"Le service rendu est meilleur"

Patrick Poguet, responsable du centre intercommunal d'action sociale à la communauté de communes des Terres du Haut Berry dans le Cher, partage dans les grandes lignes ce constat. Avec trois espaces Frances Services dans l'intercommunalité, ils ont dû embaucher quatre personnes à temps partiel pour avoir six agents en tout. Mais c'est moins l'embauche que l'organisation des plannings qui est compliqué à gérer.

Il explique pourquoi : "Les contraintes sont plus fortes en France Services, il y a deux agents par site, ouvert 24 heures par semaine, cinq jours par semaine, 52 semaines par an." Avant de tempérer : "ce sont des contraintes qu’on n’avait pas avant, mais le financement est meilleur, et le service rendu à l’usager est aussi meilleur, c’est certain."

Il en veut pour preuve la fréquentation sur les sites, séparés pourtant d'une quinzaine de kilomètres chacun :

  • Saint-Martin-d'Auxigny a accueilli 1.364 personnes en 2019 ;
  • Les Aix-d'Angillon 1.724 personnes ;
  • Henrichemont, qui était une antenne à l'époque, 201 personnes.

Ces plus de 3.000 visiteurs viennent souvent pour gérer plusieurs problèmes en même temps. Si les chiffres de 2020 sont biaisés à cause de la crise sanitaire, les premiers mois de 2021 montrent une montée en puissance avec :

  • 643 demandes traitées entre janvier et courant mars à Saint-Martin-d'Auxigny ;
  • 497 demandes aux Aix-d'Angillon ;
  • 332 demandes à Henrichemont, antenne fraîchement convertie en espace France Services.

Les demandes les plus fréquentes concernent notamment la préfecture, l'espace public numérique et les impôts.

"Régression" du service public

Les impôts...  Sur ce point, les syndicats des directions départementales des finances publiques dénoncent "la régression du service rendu au public". C’est en tout cas ce qu'affirme Solidaires Finances Publiques de l’Eure-et-Loir. Son secrétaire départemental David Boilet estime dans l’absolu que c’est "une bonne chose qu'il y ait des permanences dans des espaces France Services ou MSAP là où il n’y avait aucun service des finances au préalable".

"Or en Eure-et-Loir, la plupart du temps des espaces France Services ont été ouverts là où des trésoreries ont été fermées", pointe-t-il en donnant d’ailleurs l’exemple de La Loupe qui verra sa trésorerie fermer à la fin de l’année.

"Il n’y a pas de présence régulière", regrette le syndicaliste. Dans les faits, la MSAP fait soit de la mise en relation entre la personne en difficulté et le service des finances publiques de Chartres pouvant répondre à sa question, "soit de la prise de rendez-vous, et dans ce cas-là un agent se déplacera pour la rencontrer".

Cette vision est partagée dans la région, notamment par Sylvie Melgarès secrétaire départementale CGT finances publiques dans le Cher. Elle déclarait notamment à France Bleu Berry : "Une maison France Services, en fait, c'est un point d'entrée sur la fiscalité, [...] sur le fond des dossiers, il n'y aura pas le renseignement que nous on pourra donner", d’autant que "les agents de ces maisons n'ont pas accès à tous nos logiciels et ne peuvent pas faire les mêmes vérifications que nous".

Un seuil par département

Quand cette question est évoquée auprès de la préfecture du Cher, la directrice de l’action territoriale Marie-Christine Nicolich sort l’argument des décisions gouvernementales : "La direction des finances publiques fait partie des neuf opérateurs, elle est dans un partenariat national décliné au niveau local."

"France Services a vraiment prouvé son efficacité sur les territoires", assure-t-elle. D'après la préfecture du Cher, chaque structure a reçu en moyenne 1.500 à 2.000 personnes par an.

Avec 19 MSAP dont 10 avec le label France Services, la préfecture du Cher est satisfaite de ce maillage "dense". L’objectif est de labelliser les neuf restantes, et d’en créer trois autres pour atteindre le seuil de 22 structures dans le Cher d’ici fin 2022.

Pourquoi 22 ? "Il faudrait interroger l’agence nationale de cohésion des territoires, répond Marie-Christine Nicolich. Ce sont des seuils fixés au niveau national." Un seuil qui varie selon les départements.

Il devrait bientôt être atteint puisqu'il existe d’ores et déjà deux projets de structures itinérantes, initiées par la communauté de communes Vierzon-Sologne-Berry et par celle du Sancerrois.

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