Sécheresse : entre restrictions et changement de modèle agricole, comment faire face au manque d'eau ?

Alors que les restrictions et les sécheresses se succèdent, une commission sénatoriale vient de présenter 53 propositions pour économiser l'eau, ce 12 juillet. Mais sans remettre en cause le modèle agricole, leur portée pourrait être limitée.

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Sécheresse, canicule, nappes phréatiques de plus en plus basses, les alertes sur l'eau ne cessent de s'accumuler. Cette année, par exemple, les habitants de l'Eure-et-Loir ne pourront pas faire trempette. La préfecture interdit de remplir les piscines et d’arroser les jardins. Le département est placé en alerte sécheresse depuis le début du mois de juin. Dans le Loiret voisin, c'est depuis le mois d'avril que des restrictions sont en place.

Pour tenter de faire face de façon durable à ces tensions nées du réchauffement climatique, une commission sénatoriale spécialement créée et présidée par le sénateur LR du Cher Rémy Pointereau a rendu sa copie ce 12 juillet.

Cette mission, démarrée en février, vise à identifier les failles de la politique publique de l'eau et à trouver des solutions sur sa gestion durable dans tous ses aspects. Après 66 auditions, quatre déplacements à la rencontre des acteurs du monde de l'eau, experts, universitaires, chercheurs, ou encore agriculteurs, l'urgence est de mise.

Les nappes phréatiques sous pression

"Le Plan eau est insuffisant aujourd’hui. Les 475 millions d’euros attendus ne seront pas satisfaisants", explique Rémy Pointereau à France 3. "Pour aller plus vite et plus fort, il faudrait doubler la mise et affecter plusieurs milliards d’euros sur le renouvellement des réseaux", renchérit son collègue EELV Hervé Gillé, rapporteur de la commission.

Pour les sénateurs, il est notamment nécessaire de donner davantage de moyens financiers aux agences de l'eau.

Il faut avoir conscience que la disponibilité de l'eau va être moins forte. Il faut s'y préparer.

Rémy Pointereau, sénateur LR du Cher

Selon le ministère de la Transition écologique, 68% des nappes phréatiques ne sont pas rechargées en France et restent sous les normales de saison. Après la très importante sécheresse de l’été 2022 et la disette hydrique de l’hiver 2023, les nappes n'ont pas pu se recharger à un niveau habituel.

Ces nappes contribuent à l’alimentation des cours d’eau et qui permettent le maintien de la vie aquatique, mais qui sont aussi la principale source d’approvisionnement en eau potable en France. Or, à la date du 1er juillet, leurs niveaux sont majoritairement en baisse (75%) par rapport au mois de juin selon le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), ce qui entraîne une diminution rapide du niveau des rivières en l'absence de pluie.

Des accords sur le constat, désaccords sur les solutions

"Nous sommes dans une situation extrêmement alarmante", renchérit Charles Fournier, député EELV d'Indre-et-Loire. Pour autant, de nouvelles restrictions sur l'eau risquent selon lui de mettre le feu aux poudres. "Vous allez dire aux gens qu’ils n’ont plus le droit d’arroser leur jardin au détriment des centrales nucléaires ou de l’agriculture, ça va finir par ne plus passer", alerte-t-il.

Et la sécheresse peut aussi s'accompagner de températures très élevées, qui peuvent réduire les rendements des cultures et affecter les élevages des agriculteurs. "J'ai constaté une grande souffrance dans le département du Cher et une grande détresse de la part des agriculteurs", indique Rémy Pointereau.

Pour Charles Fournier, "il manque une réflexion profonde sur l’agriculture" dans les propositions du Sénat. En particulier, c'est "ce modèle agricole" intensif lui-même qui doit "se transformer". "Il nous faut des pratiques sobres et économiques en eau, ce rapport passe à côté." Il rajoute qu’il "faut également sortir des pesticides et changer complètement de modèle."

Un barrage contre la sécheresse ?

Autre écueil selon Rémy Pointereau, "nous n'avons plus de politique en termes de gestion quantitative de l'eau depuis 1999, date à laquelle Madame Voynet, ministre de l'Environnement à l'époque, a arrêté tous les grands projets de barrages et de canaux." Ce coup d'arrêt aurait empêché de constituer des réserves pour réalimenter les rivières du Cher, par exemple, avec le barrage de Chambonchard, qui n'a jamais vu le jour. "Nos amis écologistes ont géré l'eau à l'époque en nous amenant droit dans le mur. Si on ne peut pas faire de nouveau, il faut rehausser les barrages existants, à la fois pour l'énergie hydraulique et pour soutenir les rivières."

"C’est totalement faux !" rétorque Charles Fournier. Selon le député écologiste, "les problèmes des barrages c’est qu’ils empêchent l’écoulement normal des eaux. Les poissons ne peuvent pas circuler librement s’il y a un barrage, à notre détriment." Des barrages plus nombreux et plus hauts, en somme, nuiraient à la biodiversité sans nécessairement régler le problème de l'eau.

Les méga-bassines de la discorde

"Le changement climatique bouleverse le cycle de l'eau et le sud de l'Europe va devenir de plus en plus aride, on est directement concernés", reconnaît Rémy Pointereau. Selon Hervé Gillé, "la qualité des eaux demande d’être particulièrement exigeant. On ira vers la protection de toutes ces zones exposées à la sécheresse d’ici à 10 ans." 

Optimiser la réutilisation des eaux usées et traitées, "plutôt que de mettre de l'eau potable sur les plantes" ressemble aussi à un début de solution, soutient Rémy Pointereau. Comme au Parc floral de La Source à Orléans, où l'eau d'arrosage est directement issue des stations d'épuration.

La question des "méga-bassines" ou réserves de substitution, vivement critiquées à gauche, est aussi abordée. Pour contrer l'évaporation de ces bassines, le sénateur du Cher propose de les recouvrir de photovoltaïque. Des idées "simples et pragmatiques", juge-t-il.

Un conflit d'usage et une impasse pour Charles Fournier. Pour lui, les bassines sont "une forme d’accaparement de l’eau pour une partie des activités, au détriment de petits agriculteurs et d’autres usages." Le député, lui, préconise une convention citoyenne sur l’eau au niveau national pour organiser un débat et "donner la parole à tout le monde." "L'eau est un bien commun."

En attendant, les deux sénateurs espèrent que ces propositions seront suivies par le gouvernement.

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