La Sologne, réputée dans l’Europe entière pour ses grands domaines de chasse, est-elle en danger ? Plus de 4000 kilomètres de grillage quadrillent ce territoire pour former des enclos où l’on élève des animaux destinés à être abattus au cours de "chasses" qui ont lieu toute l’année.
Sébastien Camus s’avance les mains dans les poches et le regard désabusé vers la clôture haute de 2 mètres qui borde la propriété dont il est le garde-chasse, à Yvoy-le-Marron, au cœur de la Sologne. De l’autre côté du grillage, la terre est labourée par les sangliers, plus rien ne pousse au pied des arbres.
On est en Sologne! Pas sur la lune!
Il est aujourd’hui à la tête de l’Association Chasseurs Promeneurs et Faune Libre en Sologne qui lutte contre l’engrillagement et la chasse en enclos.
La propriété de son employeur est aujourd’hui encerclée par les grillages de son voisin, patron d’une grande entreprise de location de camions frigorifiques qui possède un territoire de chasse de 2000 hectares entièrement clos, de sorte que les animaux sauvages ne puissent pas s’en échapper.
La chasse en enclos, un sujet brûlant qui révolte autant les défenseurs des animaux qu’une grande partie des chasseurs.
Très peu connue, cette chasse d’animaux en captivité n’est pas anecdotique puisqu’elle concerne environ 1 300 parcs et enclos en France qui détiennent au total 50 000 à 100 000 animaux : cerfs, chevreuils, mouflons, daims... La chasse peut y être une activité personnelle des propriétaires ou une activité commerciale : les propriétaires font payer à des chasseurs le droit de venir tuer des animaux.
Massacre d’animaux captifs
Ulrich Bodin, kinésithérapeute dans le Loiret, est de ceux-là. Il y a quelques années, il a participé à une chasse commerciale en enclos.
On dit aux participants : vous ne tirez pas la bête de tête, ni les mères avec leurs petits. J’ai vu les sangliers sortir. La première chose qu’ils ont faite, c’est d’abattre la bête de tête, une mère… Ils ne respectent rien.
Ulrich Bodin n’est jamais retourné dans un enclos.
L’association One Voice qui milite pour les droits des animaux a infiltré plusieurs chasses commerciales en parc fermé et ont posté les videos sur leur site internet.
La Présidente de l’Association, Murielle Arnal, est révoltée par cette pratique.
"Qu’y a-t-il de plus cruel et de plus pervers que d’élever ces animaux, de les nourrir et de les apprivoiser pour pouvoir les massacrer et les enterrer dans des trous."
La chasse en enclos se pratique toute l’année en toute légalité
Lorsque que la densité dépasse un animal pour un hectare, la réglementation est celle d’un élevage et chasser devient alors interdit.
Faire respecter la loi, c’est le rôle des policiers de l’OFB, l’Office Français de la Biodiversité qui ne disposent pas d’effectifs suffisants pour effectuer des contrôles fréquents. Un manque d’effectif qui se double de contraintes juridiques comme nous l’a expliqué Jean-Noël Rieffel, directeur régional de l’Office Français de la Biodiversité de Centre-Val-de-Loire.
Pour pénétrer dans une propriété, il faut des éléments à charge, l’assentiment ou la présence de la personne contrôlée ou un mandat de perquisition.
De fait, les condamnations restent rares
Le phénomène de "solognisation" un adjectif tiré de l’engrillagement de la Sologne et qui fait bien peu honneur au plus vaste territoire Natura 2000 d’Europe, s’étend bien au-delà des frontières de la patrie d’Eugène Labiche et de François 1er.
De ce fait, la communauté des chasseurs est définitivement fracturée. En l’absence de volonté politique, c’est cette communauté toute entière qui risque d’être mise au ban d’une société en pleine évolution sur la biodiversité et le respect de l’animal.
► Enquêtes de Région, diffusion le mercredi 12 janvier à 22h45 sur France 3 Centre-Val de Loire.