Témoignage. "C'est un projet unique" : ces artisans ont participé à la reconstruction de Notre-Dame de Paris

Publié le Écrit par Laurie-Anne Virassamy

La cathédrale de Notre-Dame de Paris rouvre ses portes ce samedi 7 décembre. Une cinquantaine de chefs d’États est attendue dans la capitale pour cet évènement exceptionnel. Ils pourront admirer le travail de milliers d’artisans qui ont participé au chantier du siècle.

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Le 15 avril 2019, à quelques jours des célébrations de Pâques, Notre-Dame de Paris prend feu. La toiture, la charpente et la flèche de la cathédrale ne résistent pas au sinistre. Le lendemain, Emmanuel Macron annonce la reconstruction de l’édifice, "d'ici cinq années". Pari tenu grâce aux milliers d’artisans qui ont travaillé pendant de longues journées sur le chantier. À leur échelle, ils font partie de l’histoire de Notre-Dame.

1 000 chênes centenaires abattus

Pour reconstruire la charpente à l’identique, on fait le choix d’utiliser des chênes centenaires. En 2021, des arbres sont par exemple abattus en forêt de Champrond-en-Gâtine (Eure-et-Loir). "Ils se sont distingués pour leur qualité", détaille Alban Saclier, le technicien forestier en charge de l'opération. "Il nous fallait des arbres avec une parfaite rectitude, cylindriques, avec un pied bien équilibré pour que le cœur soit situé au centre de l'arbre et sans gros défaut extérieur".

Une fois coupés, ces bois devront sécher pendant 12 à 18 mois avant d'être utilisable. 1 000 arbres sont nécessaires pour reconstruire les 2 000 pièces de la charpente. La moitié a été donnée par l’État, via l’Office Nationale des Forêts (ONF). L’autre provient d’entreprises ou de particuliers.

Ces arbres sont par la suite découpés dans des scieries comme l’entreprise Gaudelas, implantée à Chailles et à Neuvy (Loir-et-Cher). Habitués au projet prestigieux, comme les menuiseries de la galerie des glaces de Versailles ou les bancs de la Sagrada Familia de Barcelone, pour la cathédrale, les salariés se sont occupés d’une trentaine de troncs. "Quand Notre-Dame a brûlé, ça a ému la France entière. De notre côté, on s'était dit qu'on pouvait être utile à quelque chose. […] On nous a amené des grumes qu'on a façonnées en fonction des demandes des charpentiers", raconte Jean-François Gaudelas, responsable de production.

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En plus de ce mécénat, la scierie a également fourni une cinquantaine de chênes découpés à l’entreprise landaise qui a fabriqué les 1 500 chaises de la cathédrale. "Quand on mettra la main sur l’une d’entre elles, on dira que ça vient de chez nous", sourit-il.

Le plateau liturgique a désormais une structure en métal

Avec son damier noir et blanc, il ressemble à première vue à un plateau de jeux d’échecs. Mais pas question d’y jouer. C’est à cet endroit qu’a été installé l’autel de la cathédrale parisienne. Détruit après la chute de la flèche et de la voûte de la croisée du transept, le plateau liturgique a été reconstruit à l’identique, si ce n’est la structure métallique sous les dalles de pierre. Elle a été fabriquée par Bodin Châteauneuf.

L’entreprise loirétaine, installée à Châteauneuf-sur-Loire, participe à nouveau au chantier, après avoir conçu des éléments de protection incendie pour l’église. Elle a répondu à l’appel d’offres de la société francilienne Chevalier, spécialisée dans la taille de pierre. "C’est une grande fierté", assure Damien Colombot, président du directoire de la société. "La portée est symbolique pour les équipes. C'est vrai qu'on travaille souvent sur de beaux ouvrages, mais celui-là a un aspect cœur un peu particulier".

Restaurer les peintures pour qu'elles gardent leurs histoires

Près de 2 000 personnes ont travaillé durant les cinq ans et demi de reconstruction. Marc Philippe s’est occupé de la chapelle Saint Jean l’Evangéliste, sainte Agnès et la clôturé nord du chœur. "C’est presque une consécration", reconnaît ce restaurateur d’œuvres d’art, installé à Fondettes, 40 ans dans le métier. Au départ, il n’ose pas rêver au chantier. "Je me suis dit humblement, "je suis trop petit pour intervenir" dans ce lieu-là".

Mais finalement, en collaboration avec l’atelier Arcoa, il répond à l’appel d’offres. "La première fois que je suis rentrée dans Notre-Dame, je me suis dit que c’était quand même incroyable d’être là. L’ensemble de la cathédrale était très sombre. Il y avait plein d’échafaudages ; comme un grand blessé".

Dans la chapelle, il travaille sur des peintures de la période Viollet-le-duc. Dans la clôture, les œuvres datent de la fin du XIIIe siècle. "Il fallait retrouver l’édifice dans son dernier état connu. Il faut qu’il garde son histoire".

Un campaniste aux petits soins des dix cloches de Notre-Dame

Il n’existe que 300 campanistes en France. Alexandre Gougeon est l’un d’entre eux. Ingénieur chimiste de formation, il s'est formé auprès de son père. Sur le chantier parisien, il s’est occupé des dix cloches de l’église, les huit de la tour nord et les deux de la tour sud. "On ne pourra pas faire aussi fort", reconnaît l’artisan installé à Sainte-Maure-de-Touraine (Indre-et-Loire).

Entre juillet et septembre 2023, il les a descendues puis remonter, avant de s’occuper plus récemment de l’automatisation du système. Son métier ? "On fait sonner les cloches et tourner les aiguilles", résume Alexandre Gougeon. "Il y a de la manutention, avec le levage pour monter les cloches. Il y a de la mécanique pour installer tous les organes pour qu’elles puissent se balancer en sécurité. Il y a un peu de charpentes. Il faut parfois réparer le beffroi. Il y a un gros côté électrique avec tous les moteurs d’automatisation qui permettent de balancer les cloches et de les frapper. Et il faut aussi être grimpeur, pour se faufiler dans des endroits pas très accessibles".

Un show pour célébrer la réouverture de la cathédrale

Après cinq ans de travail acharné, l’heure est à la fête. Ce samedi, la cathédrale va briller de mille feux grâce au loirétain Jérémie Bellot, spécialiste en videomapping. "Chaque élément de la façade va être retravaillé dans les moindres détails, dans le relief, dans l'ornemental. Et en même temps, on a cette profondeur de champ qui nous permet de faire jaillir des lumières", explique l’artiste.

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Le fil conducteur du spectacle, ce sera la rosace, le cœur de la façade du monument. Six tableaux sont prévus pendant les dix minutes de spectacle. "C'est l'aboutissement de plusieurs années de travail. L'émotion va être très forte. C'est un projet unique".

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