Le tritium n'est pas le plus dangereux des polluants issus de l'industrie nucléaire mais il est le plus courant. Présent dans l'eau de Loire et dans l'eau du robinet il n'est pas dangereux à court terme en dessous d'une certaine dose mais ses effets à long terme n'ont pas encore été étudiés.
Mardi 18 juin, l’ACRO (Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’ouest) publiait la première enquête indépendante sur la radioactivité en Loire. Depuis un an et demi ce laboratoire agréé analyse des échantillons récoltés dans le sol et l’eau par les militants de Sortir du Nucléaire qui l’ont mandaté et qui se rendent tous les mois en différents points du parcours du fleuve pour effectuer des prélèvements.
Les résultats présentés ne sont dans l’ensemble pas très différents des mesures officielles qu’EDF est tenu d’effectuer et de faire valider par l’Autorité de Sûreté du Nucléaire (ASN) et qui sont consultables sur le site du Réseau national de mesures de la radioactivité dans l’environnement. Ils confirment que le fonctionnement normal des centrales nucléaires provoque des rejets radioactifs réguliers qui sont mesurables dans l’environnement. Le principal polluant qu’on retrouve dans les rivières et l’eau potable est le tritium, un dérivé de l’hydrogène issu du processus de fission. Dans les eaux qui ne sont pas situées à proximité des installations nucléaires on mesure une radioactivité moyenne qui s’élève à 1 becquerel par litre (alors que la radioactivité naturelle est proche de 0,1) en raison des essais de bombes atomiques effectués dans l’atmosphère au XXe siècle. En Loire, ces taux sont beaucoup plus élevés selon qu’on se situe en amont ou en aval des installations. En amont de la centrale de Belleville-sur-Loire, la plus à l’est si on descend le fleuve depuis sa source, la radioactivité n’est pas plus importante qu’ailleurs en France. Mais elle augmente progressivement en aval de Dampierre-en-Burly, Saint-Laurent-des-Eaux et Chinon et c’est en Maine-et-Loire, à Saumur et Châtellerault, qui récupèrent en plus les polluants rejetés dans la Vienne par la centrale de Civaux, qu’on trouve les mesures les plus fortes.
Selon l’ACRO, on mesure régulièrement dans la Loire à Saumur des taux de tritium qui vont de 20 à 50 becquerels par litre et dans l’eau potable la moyenne se situe aux environs de 20 becquerels par litre.
En Janvier 2019, un pic dans les eaux de la Loire en aval de Chinon a été mesuré à 310 becquerels sur lequel Sortir du Nucléaire demande des explications. « S’agit-il d’un incident particulier sur lequel nous serions tombés, s’interroge Jean-Yves Busson de SdN Maine-et-Loire ? L’autre possibilité serait que nous serions tombés sur un lâcher régulier qui n’avait pas encore été dilué. »
Selon EDF, aucun incident ne s’est produit à la centrale de Chinon en janvier 2019 ce que confirme Alexandre Houlé chef de division de l’ASN à Orléans : « Dans les chiffres fournis par EDF, nous n’avons pas noté de dépassement des seuils habituels. Nous avons aussi des mesures faites par d’autres organismes qui ne signalent rien de particulier. »
Est-ce dangereux ?
Etant établi que comme l’écrit l’ACRO, « le tritium est présent sur près de 400 km en Loire entre Dampierre-en-Burly et Nantes », la question est alors de savoir si les seuils mesurés peuvent présenter un danger pour les populations et l’environnement. On entre alors dans un domaine scientifique qui est loin d’être tranché car plusieurs seuils d’alerte existent. Selon l’Organisation mondiale de la santé boire régulièrement une eau contaminée à hauteur de 10 000 becquerels par litre peut présenter à risque. Avec des taux de 20 becquerels par litre dans l’eau du robinet à Saumur, on est donc très en dessous du seuil de dangerosité et c’est cette mesure que retient l’ASN.
« Les études montrent qu’il n’y a aucun risque à boire de l’eau qui contient de très faibles de tritium, explique Alexandre Houlé. Cette valeur de 10 000 becquerels par litre est une valeur haute. Au sein de l’Union européenne il existe un autre seuil fixé à 100 becquerels par litre mais il ne concerne pas l’eau potable. C’est un seuil de dépistage à partir duquel il faut essayer de comprendre d’où vient cette radioactivité. Aujourd’hui nous restons à l’écoute de la recherche mais nous n’avons aucune raison de remettre en cause ses seuils. »
Au sein même des services de l’Etat, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire est moins catégorique sur les dangers potentiels du tritium. « Il n’y a pas de risque immédiat à boire de l’eau tritiée à moins de 10 000 becquerels par litre, confirme Michel Baudry. Mais dans le domaine des faibles doses on est dans la science et la recherche donc on ne sait pas. Il est impossible de dire si c’est dangereux ou non à long terme et sur plusieurs générations. Je ne peux pas affirmer que ce n’est pas dangereux. Pareillement, on ne connaît pas non plus l’impact à long terme sur l’éco-système. Là-dessus nos travaux sont en cours. »
L’expérimentation et la recherche se déroulent donc in vivo et elles vont se poursuivre pendant des années car les centrales ne peuvent pas ne pas rejeter de tritium.
De nouveaux éléments devraient être amenés au débat prochainement par l’ACRO qui prépare une étude destinée à évaluer le taux de tritium présent dans les urines des populations vivant dans le bassin de la Loire.