L’association des petites villes de France a alerté ce mardi 9 février le ministre de la Santé sur les dysfonctionnements rencontrés dans la campagne de vaccination. Parmi les responsables, des maires de la région Centre-Val de Loire qui souhaitent plus de transparence sur les doses de vaccin.
Des centres de vaccination éloignés, des doses de vaccin promises qui n’arrivent pas, des rendez-vous pris par des personnes qui n’habitent pas la région… Les critiques se multiplient en région Centre-Val de Loire sur la campagne vaccinale contre la Covid-19.
A tel point que l’association des petites villes de France (APVF) a envoyé un courrier ce mardi 9 février au ministre de la Santé pour alerter sur ces dysfonctionnements.
[Communiqué de presse] Campagne vaccinale dans les territoires : L’APVF alerte sur les dysfonctionnements qui mettent à mal l’équité territoriale https://t.co/w3k7nQgshv
— APVF (@PetitesVilles) January 25, 2021
"On n'a rien"
L’association demande entre autres un "maillage équilibré de la présence des centres de vaccination dans tous les territoires".
Xavier Nicolas, maire de Senonches (Eure-et-Loir) et trésorier adjoint de l’APVF, était "volontaire pour créer un espace de vaccination" dans sa ville qui compte environ 3.000 habitants. "Mais l’Agence régionale de santé (ARS) m’a expliqué que pour La Ferté-Vidame, Senonches, Châteauneuf-en-Thymerais, Brezolles, Courville-sur-Eure, il fallait que tout le monde aille à La Loupe".
"Il aurait été plus simple de mettre en place quelques professionnels et de créer un espace supplémentaire pour avoir un meilleur maillage territorial", pense-t-il.
Même constat à Langeais (Indre-et-Loire). "On n’a rien, on n’a pas de centre, déplore Pierre-Alain Roiron, le maire de la commune de 4.500 habitants. La solution, c’est que les gens aillent dans des centres de vaccination situés à au moins une demi-heure de route."
RDV pris pas des Parisiens ou Bordelais
Même si l’on vit près d’un centre ouvert, encore faut-il trouver un créneau de disponible, comme l’explique Xavier Nicolas. "C’est plein tout le temps sur internet. Par téléphone, ça ne répond pas. Je vois beaucoup de gens qui répondent aux critères d’âge et de pathologies, qui n’arrivent pas à avoir de rendez-vous et se découragent".
Quant aux créneaux qui existent, les rendez-vous sont parfois réservés par des personnes qui n’habitent pas la région. "Sur toutes les franges franciliennes (Eure-et-Loir et Loiret) il y a 10 à 15% des rendez-vous qui sont pris par des Parisiens ou Franciliens qui prennent le train pour se faire vacciner", confie Harold Huwart, maire de Nogent-le-Rotrou (Eure-et-Loir) et vice-président de l’APVF.
Plus improbable : "des gens d’Arcachon ou de Bordeaux sont venus se faire vacciner dans l’Indre, des élus me l’ont raconté".
Pour lui, le problème est lié au site internet Doctolib, sélectionné comme partenaire officiel de l’Etat pour prendre rendez-vous en ligne dans le cadre de la campagne vaccinale, comme le montre ce tweet.
Doctolib a été sélectionné comme partenaire officiel de l’Etat pour permettre aux Français de prendre rendez-vous en ligne pour se faire vacciner contre la Covid-19. Nous avons déjà équipé à ce jour 150 centres de vaccination dans toute la France. pic.twitter.com/3lIlovjXBS
— Doctolib (@doctolib) January 12, 2021
Prendre un rendez-vous sur internet n’est "pas adapté aux plus de 75 ans notamment en milieu rural", déplore Harold Huwart.
"Aucune perspective"
Des choix inadaptés, et surtout des décisions imposées, c’est ce que dénonce l’APVF qui alerte dans leur courrier sur "un manque d’information et de dialogue".
"On n’a aucune réponse, ni aucune perspective, révèle le maire de Langeais. On a le sentiment qu’on n’est pas pris en considération." D’après lui, l’ARS qui organise la campagne de vaccination avec la préfecture est difficile à joindre.
Sur ce point, les deux maires d’Eure-et-Loir affirment le contraire. "La politique de santé et de solidarité est trop centralisée, dénonce Harold Huwart. En revanche, l’ARS Centre-Val de Loire a fait avec les contraintes qui leur étaient imposées, je tiens plutôt à saluer leur sens de l’organisation."
"On peut les appeler à n’importe quelle heure, renchérit Xavier Nicolas. Mais ils ont des ordres et ils les appliquent. Et nous, les collectivités, on est mis devant le fait accompli."
Nous, les élus locaux, nous sommes les bonniches de la République.
"Les élus sont représentés"
Contactée à ce sujet, la préfecture régionale n'a pour l'instant fait aucun retour.
L’ARS Centre-Val de Loire, elle, a tenu à rappeler que les maires avaient voix au chapitre : "dans tous les départements, il y a des réunions organisées de façon hebdomadaire avec le préfet de département, le directeur départemental de l’ARS et des représentants des maires. Les élus locaux sont représentés."
Et d'ajouter : "Dans ces instances-là a été discutée l’implantation des centres de vaccination notamment, en fonction aussi des doses disponibles".
"Navré et stupéfait"
Les doses de vaccin disponibles, le fond du problème est là pour les maires. "Quand j’apprends qu’il y en a 300 à Chinon pour un territoire de 50.000 habitants…, peste le maire de Langeais. A Joué-lès-Tours, il y a 37.000 habitants, pourtant les centres ferment tous les matins ou les après-midi, parce qu’il n’y a pas assez de vaccin".
"En tant que vice-président de la région Centre-Val de Loire en charge de l’économie, je suis navré et stupéfait de voir que la France, qui est habituellement le plus gros producteur de vaccins en Europe, produit aujourd’hui zéro vaccin contre la Covid", renchérit Harold Huwart.
La situation est terriblement humiliante pour la France.
"Il a fallu que gouvernement hausse le ton avec les laboratoires, notamment avec Sanofi, pour les obliger à produire des vaccins autres que le leur, raconte-t-il. Nos prédécesseurs, eux, auraient réquisitionné les brevets et les outils de production sans autre forme de procès."
Plus de 83.000 personnes vaccinées
Le maire de Nogent-le-Rotrou a d’ailleurs anticipé ce manque de vaccins. "On a évité les annulations de rendez-vous car en Eure-et-Loir, il y a eu une politique concertée sur le fait qu’il ne fallait pas ouvrir un nombre de rendez-vous égal aux doses de vaccin qu’on nous promettait."
Ils ont donc ouvert des créneaux de vaccination au fur et à mesure que les vaccins arrivaient et étaient effectivement disponibles.
Des maires comme celui de Senonches attendent maintenant l’arrivée des prochains vaccins comme Astra Zeneca : "ils seront conservés dans des frigos normaux et pourront être injectés par les professionnels de santé libéraux, là on ira plus vite."
En date du 10 février, 83.568 personnes ont été vaccinées en région Centre-Val de Loire d'après le site Cascoronavirus.fr.