Coronavirus : la Brittany Ferries maintient coûte que coûte sa liaison avec l'Angleterre

Depuis le confinement, Brittany Ferries ne transporte plus de passagers entre la France et l’Angleterre. Mais avec la ténacité de Jean-Marc Roué, le président du conseil de surveillance, la société maritime a maintenu son activité de fret et honore ainsi son projet fondateur.

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Depuis près de 50 ans, Brittany Ferries est un acteur incontournable du transport maritime européen. Basée à Roscoff, la compagnie est aujourd'hui le premier employeur de marins français avec 2.000 navigants, auxquels s’ajoutent 800 collaborateurs sédentaires. L'histoire commence le 2 janvier 1972.

À l'époque, l’adhésion du Royaume-Uni à l’Union européenne (la CEE à l’époque) laisse entrevoir de nouveaux débouchés commerciaux aux producteurs bretons avec leurs voisins britanniques. La Bretagne s’organise alors et un port en eaux profondes est construit à Roscoff. Mais aucun armateur établi n’ose relever le défi d’une liaison avec l’Angleterre. C’est là qu'entre en jeu un éleveur porcin du Finistère, Alexis Gourvennec, l’un des leaders syndicalistes des manifestations de paysans bretons dans les années 1960.
Ce meneur d’hommes va lancer cette incroyable aventure de paysans devenus armateurs en créant en 1972 la compagnie maritime BAI, pour Bretagne Angleterre Irlande, qui sera renommée Brittany Ferries dès l’année suivante. Il n’y a qu’un seul bateau à l’époque, le Kerisnel ; aujourd’hui il y en a douze pour relier la France à l’Angleterre, l’Irlande et l’Espagne.

En pleine tempête sanitaire, rencontre avec Jean-Marc Roué, le président du Conseil de Surveillance de Brittany Ferries.

Nous prenons la crise du coronavirus de plein fouet !

« Sur les douze bateaux, seulement cinq continuent de naviguer aujourd’hui » se navre Jean-Marc Roué, le président du conseil de surveillance de Brittany Ferries. « Nous prenons la crise du coronavirus de plein fouet ! Cela devrait être la grosse saison, la moisson se termine, et entre Pâques et septembre l’Europe remplit ses greniers. En ce moment, nous perdons des millions d’euros chaque semaine. »

Une grande partie des marins est en effet au chômage partiel depuis quatre semaines, et la compagnie maritime bretonne ne transporte plus que des marchandises. Le fret, lui-même, a beaucoup diminué ; Brittany Ferries ne fait traverser plus que 1 200 camions par semaine contre 5 000 habituellement.

Malgré les difficultés et les inquiétudes personnelles, les membres des équipages sont mobilisés pour remplir leur mission. Nous avons mis en place des protocoles très stricts pour adapter le métier à la situation sanitaire. Les chauffeurs routiers par exemple, restent confinés dans les cabines du navire durant toute la traversée. Notre personnel de confort et de restauration est de toute façon à l’arrêt.

On travaille à perte, mais on ne peut pas laisser nos voisins sans matières premières

Ce sont bien les 2,63 millions de passagers transportés chaque année (dont 85% de britanniques) qui manquent à bord aujourd'hui, des passagers et leurs voitures qui représentent 80% des 444 millions d’euros du chiffre d'affaire annuel en 2019.

Je suis en faute de gestion, la logique voudrait que j’arrête totalement la flotte... mais on ne peut pas laisser le Grande Bretagne et l’Irlande isolées, asséchées de matières premières. On travaille à perte mais Brittany Ferries est un acteur responsable.

Les États sont d’ailleurs bien conscients de la problématique, les gouvernements français, britannique et irlandais demandent que l’approvisionnement ne soit pas interrompu, et l’Irlande a déjà débloqué un fonds spécial doté de 15 millions d’euros pour aider les opérateurs qui maintiennent leurs lignes entre l’île et le continent.

Un lien essentiel pour les agriculteurs locaux

« Pour nous c’est très important ! » témoigne Marc Kéranguéven, président de Prince de Bretagne, marque collective lancée par six coopératives agricoles du Nord de la Bretagne. Forte de ses 3 000 producteurs, elle est le leader français du légume frais.

Près de la moitié de la production de nos 47 variétés de légumes part à l’export, notamment en Grande-Bretagne. Sans cette filière que Brittany Ferries nous permet de continuer à exploiter, les prix chuteraient à cause du surplus d’invendus. 

Marc Kéranguéven, par ailleurs producteur de choux-fleurs, explique les difficultés rencontrées par les transporteurs : « Le problème c’est le retour de fret. Nous envoyons nos légumes, mais les transporteurs n’ont rien à ramener, c’est donc la moitié de leur modèle économique qui manque. »

Quant à nous, la clef a été notre capacité à nous adapter. La vente directe a explosé. Le drive a progressé de 30% et en vente à distance, nous faisons partir 100 colis par jour, avant c’était 100 colis tous les trois mois ! Donc nous n’avons pas perdu de marché, au contraire.

Sa seule inquiétude pour l’avenir vient de la potentielle évolution des modes de consommation à la sortie de la crise. Si les difficultés économiques post-coronavirus impactent fortement le pouvoir d’achat, que va-t-il se passer ? 


Un appel à Emmanuel Macron pour sauver le pavillon français

Pendant 3 ans, la deuxième casquette de Jean-Marc Roué fût : président d'Armateurs de France, le syndicat patronal du transport maritime français, regroupant près de 50 armateurs et 1 000 navires. Après son mandat, Jean-Marc Roué a passé la main le 6 avril dernier lors d’une assemblée générale dématérialisée.
Il s’en désole, tant il aurait aimé physiquement féliciter le nouveau président Jean-Emmanuel Sauvée. Mais à l’issue de sa dernière assemblée générale, Jean-Marc Roué à lancé un appel au président de la République pour sauver le « pavillon France », demandant un Plan Marshall pour le transport maritime. Il est vrai qu’avant même le coronavirus, la filière était déjà plongée dans l’incertitude.


Les effets du Brexit se font craindre et demeurent difficiles à appréhender

«On ne sait pas du tout à quelle sauce nous serons mangés ! Quelles seront les taxes douanières ? Pourra-t-on continuer le duty free ? Les passagers auront-ils besoin d’un visa ? Concrètement, on ne sait rien ! C’est très anxiogène, et pour nous le coronavirus c’est la double peine. » Le marin n'oublie pas qu'il est aussi un agriculteur, confiné aujourd'hui au milieu de ses 50 hectares de terres, avec le bon sens paysan jamais très loin.

Il est dommage d’attendre une crise pour s’en rendre compte, mais nous démontrons qu’il n’est pas nécessaire d’acheter à l’étranger pour nourrir la France. 

Le producteur d’artichauts, de pommes de terre et de potimarrons conclut : « Nous avons une chance unique. Les producteurs français sont là. »

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