Coronavirus : une goélette de Douarnenez confinée au milieu de l'Altlantique

Le Gallant est une goélette qui transporte des marchandises à la voile entre l’Europe et les Caraïbes. L’équipage suit son programme, mais à l’heure où la plupart des pays ont fermé leurs frontières que va-t-il se passer quand ils toucheront terre ?

Existe-t-il encore quelqu’un sur terre à l’écart du flux ininterrompu d’informations sur le Coronavirus ? C’est le cas du Gallant. Une goélette de 36 mètres qui fait du commerce à la voile entre l’Europe et les Caraïbes.

Ils sont actuellement en plein milieu de l’Atlantique

Ils sont partis du Mexique début mars alors que le Coronavirus n’était encore qu’un lointain problème asiatique. Personne n’avait alors conscience que la pandémie deviendrait mondiale. À bord l’équipage est composé de 9 personnes. C'est pendant leur retour vers l'Europe que la situation se crispe sur la terre ferme. « On les envierait presque ! On ne peut pas être mieux confinés qu’eux à l’air du grand large. Ils sont dans leur bulle rythmée par le vent…» confie le deuxième capitaine du bateau actuellement à terre chez lui à Grenoble. Il assure le routage et les escales.

Jusqu’ici tout le monde va bien. Je leur ai envoyé quelques mails pour leur rendre compte de la situation. Ils ne voulaient pas trop y croire. Tout était trop surréaliste !

Ils pensaient que c’était un coup monté, plaisante Guillaume Roche. La réalité va vite les rattraper.


La prochaine escale était prévue aux Açores.

« Normalement c’est une escale très sympa à mi-chemin sur la  route du retour. Tout le monde boit des coups et se repose après plusieurs semaines passées en mer ». La réalité sera toute autre. Interdiction de débarquer. Guillaume Roche explique : 

Il y a juste un quai où l’on peut accoster qui est fermé par un grillage… Comme il y a assez de vivres et d’eau à bord et que la météo est favorable, nous avons décidé de continuer sans nous y arrêter. 

Depuis 4 ans, cette goélette part régulièrement de son port d’attache Douarnenez pour un tour de l’Atlantique. Il cabote l’été en Europe et enchaine les escales au Portugal, en France, en Angleterre ou au Danemark. Il charge et décharge de l’huile d’olive, du sel, du miel, du vin, des amandes, du porto et part l’hiver de l’autre côté de l’Atlantique pour plusieurs chargements dans les Caraïbes. 


Ce bateau est à l’origine un voilier de pêche au hareng

Construit en 1916 aux Pays-Bas, il va entamer ensuite plusieurs carrières : vendu à un armateur Danois en 1926, un moteur de propulsion est alors installé et le bateau devient un caboteur sous le nom de Gertrud.
C’est en 1987 que la fondation “Zeilschip De Gallant” rachète le navire et dans le cadre d’un projet de formation pour les jeunes d’Amsterdam, le restaure entièrement.
À partir de 1993, Le Gallant navigue en mer du Nord, en Baltique, et en Manche pour embarquer des passagers et devenir une école de voile.
Sa nouvelle vie commence en 2017. Guillaume Roche et Jean François Lebleu, deux anciens de la Marine Marchande le rachètent et aménagent les cales pour transporter des marchandises à la voile. La blue schooner company est née!
 Pari risqué pour ces deux commandants de bord plus habitués aux porte-containers et aux pétroliers mais « nous avions besoin de redonner du sens à notre métier : affréter des marchandises mais de manière moins polluante et revendre nos denrées en circuit court. »

A Noirmoutier, en juin dernier nous avons fait de la vente sur le quai directement aux  particuliers ! Tout se déroule à échelle humaine : nous privilégions un contact direct avec nos producteurs et nos acheteurs. 

Ce pari sur le transport à la voile est en passe d’être gagné

« Le bateau est aujourd’hui plein à ras bord. Nous revenons des Antilles avec dans nos cales 23 tonnes de café, des centaines de kilos de cacao, beaucoup de rhum, du mezcal et de la noix de muscade. Nous sommes contents cette année car nous avons eu plus de demandes que ce que nous pouvions charger ! Le commerce à la voile a le vent en poupe. Tout le travail de sensibilisation effectué ces dernières années commence à porter ces fruits ! » Mais la pandémie mondiale rebat les cartes.

Cette pandémie nous plonge dans l’incertitude la plus totale. Pourrons-nous continuer notre programme de chargement et déchargement comme prévu ? Nul ne le sait.

Le Gallant devait ensuite aller en Angleterre, à Amsterdam et au Havre. Ces ports sont tous dans des pays qui ont fermé leurs frontières. Guillaume se creuse les méninges et échafaude jour et nuit des plans B. A bord, l’équipage est composé de professionnels mais aussi de personnes qui payent leur place pour apprendre les rudiments de la marine à voile. « Il y avait des embarquements prévus aux escales, j’ai dû tout annuler » confie Guillaume Roche.

S’il y a un malade à bord c’est la catastrophe. Dans un bateau comme le Gallant, difficile d’assurer les gestes barrières ou d’isoler un membre d’équipage. La goélette est à la fois un cargo et un navire de transport à passagers, ce qui complique la donne.


Eviter que le virus arrive par la mer...

Sur décret gouvernemental les ports français ont fermé leurs portes aux navires à passagers. Un port est une porte d'entrée sur le territoire national. Pour les personnes, les marchandises… et les virus aussi. 
Une des prochaines escales françaises du Gallant : le port du Havre, le premier port de marchandises de l’hexagone.
Dans ce port qui accueille près de 6000 navires par an, les autorités se sont adaptées pour assurer même en situation dégradée la continuité de services : les marchandises peuvent être débarquées mais pas les équipages. Cette gigantesque structure s'est recroquevillée sur elle-même et n’accepte plus aucun visiteur extérieur. Pour éviter que le virus n’arrive par la mer au Havre comme dans tous les ports de commerce français, les équipages sont tenus à une procédure : dès qu'il y a une pathologie à bord la Déclaration Maritime de Santé (DMS) est obligatoire:

Je vous informe que nous voguons à destination de votre port et que j'ai un ou plusieurs malades sur mon bateau

le message est détaillé Nicolas Chervy, le commandant du Port. Bien-sûr, la préfecture nous a demandé une extrême vigilance vis-à-vis des DMS ». Effectuées par voie électronique, les DMS sont adressées à la capitainerie, mais également à l'Agence Régionale de Santé (ARS).

Nous sommes la ligne Maginot, résume Nicolas Chervy. Le virus ne passera pas par notre port, mais ça ne veut pas dire qu'il ne passera pas à côté…

Si l'un des membres d’équipage était soupçonné d’avoir le Covid-19, quelle serait la procédure ? « La préfecture maritime déciderait d'envoyer des médecins à bord, par hélicoptère », détaille Nicolas Chervy, le commandant du port. « Le navire, en attendant, ne serait pas autorisé à entrer dans les eaux portuaires et resterait au mouillage loin du port. » 
Jusqu’ici aucun malade n’est à déplorer sur le Gallant. Ce n’est pas en pleine mer que l’équipage risque d’attraper le virus mais lors des prochaines escales pour ravitailler et charger. Guillaume Roche espère pouvoir dans un premier temps débarquer ses marchandises mais que va-t-il se passer pour ses marins? 

Le pire des scénarios serait l’obligation de confiner l’équipage en quarantaine quelque part sans pouvoir débarquer qui que ce soit. « Nous avons bien des travaux à bord à effectuer mais nous risquons de perdre pas mal d’argent si nous ne pouvons plus bouger. »
Le Gallant devait également participer cet été au rassemblement de vieux gréements à Brest et au Bois de la Chaise à Noirmoutier. « Nous ne savons pas s’ils auront finalement lieu. Le programme était très serré jusqu’à notre prochaine transat ! » 

Je suis certain qu’il va sortir quelque chose de positif de toute cette crise. Cette pandémie sensibilise encore plus le grand public sur la nécessité des circuits courts et alternatifs comme le nôtre… Cette crise apporte de l’eau à notre moulin flottant…et à vent

L'optimisme souffle encore dans les voiles de la goélette. 
 
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