À l’occasion du centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale, France 3 Corse ViaStella a suivi un groupe de Corses de l’association « Aiò Zitelli » en pèlerinage sur les lieux de mémoire de la Première Guerre mondiale. Premier épisode : le Chemin des Dames.
2018 marque le centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale. 50 000 Corses ont été mobilisés, près de 12 000 sont morts et 20 000 ont été blessés. La Grande Guerre a considérablement impacté la société insulaire.
Mais que reste-t-il des soldats corses sur les champs de bataille ? Ce jour-là, un groupe de l’association « Aiò Zitelli » effectue un pèlerinage sur les pas des poilus corses. La plupart des participants compte un ancêtre tué ou blessé au front. D’autres ont un intérêt particulier pour la Première Guerre mondiale.
Ils sont à Craonne, sur le Chemin de Dames, bataille la plus ancrée dans la mémoire des Corses. Les vestiges y sont omniprésents et semblent intégrés dans le paysage. Les tranchées et les trous d'obus sont camouflés par les feuilles mortes.
Leur guide est Noël Genteur, l’ancien maire de la commune. Dans la région, il est l’un des rares à s’investir pour perpétuer le souvenir de la Grande Guerre.
C’est dans le département de l’Aisne que le plus de civils ont été touchés. « Pour moi 14-18, ce sera presque éternel. Cette ambiance, cet environnement, ça restera, pour moi, quelque chose de précieux », indique Noël Genteur.
Caverne du dragon
La bataille du Chemin des Dames a duré quatre ans. C’est ici qu’ont eu lieu les premières mutineries et que plusieurs centaines de milliers de soldats sont morts. Parmi eux, de nombreux Corses.
L'un d'entre eux, André Orsoni, est mort à la ferme d'Hurtebise en avril 1917. Deux jours avant, il écrivait à sa famille. « Depuis hier soir, le bombardement devient de plus en plus violent et les sales boches, ce matin, ont lancé une forte attaque sur moi. Je vous jure que ça barde, les pertes que nous avons ne sont pas encore dénombrées. Que cette affreuse guerre puisse finir au plus tôt, vivement la paix, vous le verrez sur les journaux », indiquait-il.
Comme lui, des milliers de Corses sont tombés au Chemin des Dames. C'est pour saluer leur mémoire que Noël Genteur invite, chaque année, des insulaires. « Pour moi, ça a été un encouragement. Les faire venir ici et leur dire : ‘Vos racines sont là-bas, beaucoup sont restés-là. Donc maintenant vous avez aussi des racines aussi ici’. C’est pour ça que j’aime bien quand des jeunes Corses et de jeunes Bretons viennent. Ils sont aussi chez eux ici, ça pour moi, c’est important », livre Noël Genteur.
Une amitié qui permet au groupe de visiter l'un des lieux les plus stratégiques de la Grande Guerre : la caverne du Dragon, un lieu de vie et de combat situé en dessous de la ligne de front. La caverne a notamment servi à stocker des munitions, des outils et de la nourriture et a accueilli jusqu’à 300 hommes alternativement Français et Allemand.
Étudiant en histoire, Jean-André Marcellesi, scrute chaque objet témoignant de cette période. « Passer une semaine ici, ou un mois à la fac, malgré le niveau de nos professeurs, le terrain est au-dessus. Ça nous permet de nous rendre vraiment compte des conditions. Malheureusement, à la faculté, on n’a pas accès à ça », déplore-t-il.
Plateau de Californie
C’est sur le plateau de Californie qu’il est aujourd’hui possible de se rendre compte des vraies conditions de vie des poilus. Il représente le lieu le plus sanglant du Chemin des Dames en avril et mai 1917. Pendant deux mois, les combats se déroulent dans la boue des tranchées et dans le froid.
Chaque jour, des milliers d'obus éclatent. Et chaque nuit, c'est une autre histoire qui se joue. « La nuit, on est protégé par l’obscurité. C’est là où l’on ravitaille, où l’on fait des travaux. On construit, on évacue, on ajoute une ligne de barbelés supplémentaires, on réaménage une tranchée qui s’est effondrée. On est camouflé par la nuit, et ça va être quelque chose d’important », explique Frédéric Delahaye, un guide.
Dans le silence et à la lueur de la lune, difficile aujourd'hui d'imaginer les trois lignes de front, les combats, les tirs. Impossible aussi de visualiser les 180 villages entièrement détruit dans l'Aisne. Un département qui a mis près d'un siècle à se remettre démographiquement de la Grande Guerre.