Une histoire de violence, de vengeance. À travers son livre Une famille dans la Mafia, la journaliste Marie-Françoise Stefani retrace le destin de la famille Manunta, pris dans un tourbillon de violence, fil rouge de règlements de compte qui ont ensanglanté Ajaccio au début des années 2010.
"Arrêtez, il y a la petite". Cette phrase que choisit Marie-Françoise Stefani comme titre du premier chapitre de son livre a été prononcée dans le fracas des balles le 8 novembre 2011 à Ajaccio.
Une fillette de 10 ans, Carla Serena sa mère et son père Angèle et Yves Manunta sont alors pris sous un déluge de feu.
Cet évènement tragique, sa genèse et son épilogue, est le fruit d'une enquête intitulée Une famille dans la Mafia. 15 jours après les faits, les Manunta reçoivent la presse.
La petite fille va ensuite accuser les tireurs, va dire qu'elle a reconnu les personnes qui lui ont tiré dessus. Elle va parler de "cagoules", "de peur d'être achevée", de "calibres", un vocabulaire peu commun, relèvera la psychologue.
"Et je me dis que se passe-t-il dans la tête d'un enfant qui a vécu un tel choc. Mon livre part de là. Comment vivent ses familles qui ont vécu la violence dans leurs chairs ?"
Parue chez Plon, une famille dans la Mafia raconte l'amitié devenue rivalité entre Yves Manunta et Antoine Nivaggioni.Marie-Françoise Stefani en pleine séance dédicace presse pour son livre « Une famille dans la mafia » ?15 octobre aux @EditionsPlon @Lisez_officiel #mafia #corse #enquete pic.twitter.com/JHWA3s9kbK
— Typhaine Maison (@MaisonTyphaine) October 6, 2020
Fin des années 90, les deux militants nationalistes fondent la SMS, une société de sécurité. Avec d'autres proches, ils seront emportés dans le tourbillon des règlements de compte.
"Depuis qu'Antoine Nivagionni et Yves Manunta se sont disputés, les hommes qui gravitent autour des deux anciens associés de la SMS vont tomber les uns après les autres sous les balles. D'un côté la bande du Petit Bar, qui défraie encore la chronique aujourd'hui, que l'on soupçonne d'avoir installé une emprise sur Ajaccio, de l'autre côté les proches d'Alain Orsoni et d'Antoine Nivagionni", détaille la journaliste.
Au cœur de ces règlements de comptes, la vengeance, le pouvoir, l'argent et la Chambre de commerce et d'industrie de Corse-du-Sud, qui représente des millions d'euros à venir et qui va connaitre une série noire d'assassinats et de démissions ; un des présidents de la CCI va remettre sa démission au préfet avec ces mots : "C'est la mafia"."
A l'époque déjà rappelle Marie-Françoise Stefani, "lorsqu'il y a les interpellations concernant la SMS, Antoine Nivaggioni échappe au coup de filet; on se pose la question de savoir s'il y a des fuites au sein de la police".
Défaillance de la police ou des services de renseignement, mais aussi de la justice. Témoins absents, incidents d'audience à répétition, en 2018 la cour d'assises d'Aix-en-Provence se révèle incapable de poursuivre le procès en appel des accusés de la fusillade d'Ajaccio.
"Il y aura un deuxième procès en appel qui lui n'aboutira jamais, un procès au cours duquel un futur garde des Sceaux, Eric Dupont-Moretti, a failli en venir aux mains avec l'avocat général", se souvient Marie-Françoise Stefani.
"La Cour d'appel d'Aix va réfléchir au fait de supprimer la cour d'assises pour les affaires de banditisme et de prévoir des jurés professionnels. Finalement, cela ne se fera pas, mais on voit bien qu'il y a une difficulté à juger ce type d'affaire".
Une famille dans la Mafia, au-delà de la famille Manunta, c'est l'histoire d'un drame ajaccien où les institutions n'arrivent pas à refréner les volontés de mainmise sur la ville.