Après près de 60 ans de carrière, il est l'une, sinon la figure la plus mythique de la chanson corse. Il a, dit-il, fait son "Ultimu Giru", mais il vient tout de même sur le plateau de "Aldimusica" ce samedi à 21h20, pour nous faire découvrir son dernier album écrit "à 4 mains" avec son fils Jérôme...
À bientôt 93 ans, Antoine Ciosi est le dernier symbole d'une époque un peu lointaine. Il a traversé les décennnies du siècle dernier, de la variété corse des années 60 au Riacquistu des années 70, en passant par les grandes tournées des années 80 dans lesquelles il reprenait tous ses tubes. Le patriarche de la chanson corse est aujourd'hui un peu seul, encore plus depuis le 4 janvier, avec le départ de Dominique Agostini, le cadet des célèbres "Frères Vincenti".
Si l'âge ne lui permet plus de rencontrer son public aussi souvent que par le passé à travers les concerts, il n'a pas pour autant renoncé à des projets de collaboration avec la jeune génération, notamment à travers le second opus de "Mezu Mezu", couronné par l'énorme succès du concert à Paris, dans la salle de la "Défense Arena", devant près de 20000 personnes ! Il interprète notamment dans l'album, comme un symbole, "Le dernier des bandits", en compagnie de Julien Doré...
Revoir l'émission sur l'album "Mezu Mezu" ici : (et notre article http://tinyurl.com/AMMezuMezu)
Pour autant, la musique est toujours présente dans sa vie. Francine Massiani l'accueille d'ailleurs ce soir pour la présentation de son nouvel album "Babbu è figliolu".
Une carrière incroyable
Depuis le début des années 80, toutes les générations de Corses ont des souvenirs qui les ramènent à Antoine Ciosi. Qui n'a pas eu un parent ou un grand-père qui écoutait dans son "radio-K7" le dernier album, ou déjà les premiers "best of" de celui qui faisait l'unanimité (ou presque !) dans un monde de la chanson corse à l'époque quelque peu déchiré...
En effet, à la suite du Riacquistu culturel, les traditionnelles chansons d'amour et les balades nostalgiques sont souvent décriées, et considérées comme désuètes, voire pire. L'engagement militant des groupes comme "Canta" ou les "Chjami Aghjalesi" marque le début d'une ère nouvelle... Antoine Ciosi fera un quelque sorte "le lien" entre ces générations...
Revenons dans les années 30. Antoine naît en 1931, dans le village de Sorbo Ocognano. Il fait partie d'une famille nombreuse, avec 6 frères et sœurs. Son père, fier paysan au caractère marqué et aux fortes convictions politiques, décède jeune. C'est sa mère, Jeanne, qui prend seule en main la destinée de ses enfants, qui lui en témoigneront une reconnaissance éternelle. Destiné à un avenir rural, le futur berger se prend alors de passion pour la musique et le chant.
Le service militaire lui donne l'opportunité de quitter pour la première fois son île, et d'utiliser ses revenus pour prendre des cours de chant. Dans le milieu des années 50, il signe ses premiers contrats dans des opérettes. Le public est conquis, mais l'artiste ressent comme une frustration : il ne se sent pas dans son élément !
Il tente donc une carrière en solo, et, après bien des efforts, décroche son premier contrat dans une maison de disque prestigieuse, Barclay, et ses premiers succès. Mais l'artiste n'est toujours pas épanoui... Le déclic viendra en 1963, après avoir décroché le premier prix du festival de la chanson corse, qui se déroulait dans la prestigieuse salle parisienne de l'Olympia, alors dirigée par le célèbre Bruno Coquatrix.
Au premier rang, Jeanne, sa maman, bien trop timide et trop humble pour dire aux employés de la salle ou à ses voisins qui elle était, mais si fière de son fils, comme il le raconte dans l'émission !
Son interprétation de "Paese spentu", qui raconte la désertification de l'intérieur, lui fait prendre conscience de l'importance primordiale du message dans la musique, et lui permet de gagner l'adhésion du public. C'est la première étape du succès, avec les tubes que tout le monde entonne encore aujourd'hui, comme "Ritornu", le "Prisonnier" ou "Tragulinu".
Son talent, associé à une qualité d'écoute des "anziani", lui permet d'écrire (en compagnie d'amis qui sont aussi les poètes les plus talentueux, comme Ghjuvan'Teramu Rocchi) et d'interpréter des textes qui mettent en valeur la culture, les traditions et le patrimoine de l'île.
Depuis plus de 40 ans, le succès ne se dément pas, entre tournées, en Corse et sur le Continent, l'écriture de nouveaux albums, et la reprise de textes d'artistes insulaires mythiques comme les Frères Vincenti ou Tintin Pasqualini.
Son héritage musical perdure aujourd'hui, sa musique continuant à inspirer et à émouvoir les artistes de la nouvelle génération et les amoureux de l'Île de Beauté à travers le monde.
S'il a entamé son "dernier tour" sur scène voilà déjà quelques années, sa carrière est loin d'être terminée, comme en témoigne la sortie de son dernier album, qu'il a eu la joie de travailler en compagnie de son fils Jérôme, et qu'il nous présente ce soir dans "Aldimusica"...
Un album familial plein d'émotion
Francine Massiani est une des plus grandes fans d'Antoine Ciosi. C'est donc avec bonheur et émotion qu'elle l'accueille une nouvelle fois sur le plateau d'Aldimusica pour revenir sur le parcours de celui qui, malgré les années, n'a rien perdu de sa passion et se son envie de partage.
Son but à toujours été de mettre en avant et de faire connaître la chanson corse, qui, comme il le dit, a connu des moments difficiles, mais est aujourd'hui connue et écoutée bien au-delà de l'île.
"Babbu è figiolu" est un album intimiste, aux arrangements "minimalistes", avec juste une guitare et une voix, pour mettre en avant le timbre grave et chaleureux de l'artiste, et lui permettre de passer facilement "du chant au conte", ce qui est une des particularités du disque...
Entre reprises, nouveaux arrangements (et quelques textes inédits !), c'est un "retour à l'essentiel"...Et surtout la joie et la fierté de partager ses "standards" avec 2, et même 3 générations de Ciosi, puisque la petite-fille, Luisa, 21 ans, a réalisé la pochette de l'album, et participe aux chœurs de certains titres.
L'amour du verbe, de la transmission, et du partage, sont vraiment les maître-mots de l'album, et de l'émission. On le constatera encore avec Arnaud Giacomoni (accompagné ses musiciens, Bruno Ferreyra et Francescu Sabiani), heureux et fier de vivre ce moment avec celui qu'il écoutait enfant, en compagnie de son père et son oncle.
Les 2 hommes se connaissent depuis un moment déjà. Leur première rencontre s'est déroulée dans un bar corse de Paris, et la passion du chant les a réunis.
De cette complicité est née une véritable collaboration, puisque le jeune Arnaud fut par la suite invité sur la tournée "L'ultimu Giru", et interprète en duo avec le patriarche le classique de Dumè Marfisi "Un batellu chì passa", l'histoire d'un homme malheureux d'avoir quitté son île, que vous pourrez redécouvrir dans l'émission, et en exclusivité ci-dessous !
3 questions à Jérôme Ciosi
Quand on est le fils d'Antoine Ciosi, la musique et le chant ne peuvent qu'être omniprésents, mais pourquoi avoir choisi de votre côté les instruments plutôt que la voix ?
Dans ma jeunesse, un grand ami à moi, le chanteur Éric Mattei, me disait toujours "toi, tu as une voix pour écrire !". La nature n'est pas toujours favorable, et on n'a pas forcément le timbre de voix idéal. Et au-delà de ça, le chant est un mode d'expression qu'on doit ressentir au plus profond de soi-même, de manière physique. Je ne veux pas dire que j'ai choisi la guitare par défaut, mais c'est juste que, pour moi, la question d'être chanteur ne s'est jamais posée. Après, je peux faire des petits chœurs par-ci par-là...
Qui est à l'origine de cet album, vous ou bien votre père ?
Un peu des deux forcément ! j'avais dans l'idée de faire un disque avec un accompagnement minimaliste où la guitare remplacerait tout l'orchestre. Je pense que cette option est celle qui sert le mieux la voix de mon père qui a acquis un timbre encore plus profond avec les années. C'est son nouveau registre, dans lequel il excelle maintenant, moitié chanté, moitié parlé. De son côté, mon père avait en tête de reprendre d'anciennes chansons à lui qu'il adore mais qui n'avaient pas été spécialement remarquées par le public. Et l'idée de compléter le répertoire avec quelques compositions est venue tout naturellement.
Comment fonctionne votre collaboration ? Qui écrit, qui compose ? Y a-t-il des « désaccords » et comment arrivez-vous à vous « départager » ?
Mon père écrit les textes, je rajoute une musique. En général, une fois que le texte est établi, la musique vient assez rapidement. Comme pour "Veni à Pusà", qu'on a composé en quelques minutes. Mon père rechigne un peu à écrire des textes, car il a trop de respect pour les grands poètes comme Rocchi, Fusina ou Vincenti, mais il est capable lui aussi d'écrire de très bonnes paroles de chansons. Je lui dis souvent, mais ça l'énerve un peu !
Partage et émotion, ce samedi à 21h20 sur ViaStella dans "Aldimusica", ou en replay dès le lendemain de la diffusion sur notre plateforme France.TV, sur la page du magazine