Le tribunal administratif de Marseille s’est penché, ce lundi 6 janvier, sur la demande d'indemnisation des proches d'Yvan Colonna. Ces derniers dénoncent la responsabilité de la direction de l'administration pénitentiaire dans la mort du militant nationaliste à la suite de son agression mortelle en mars 2022, à la maison centrale d'Arles. Maître Patrice Spinosi, avocat de la partie civile, répond aux questions de France 3 Corse.
Près de trois ans après l’assassinat d’Yvan Colonna au sein de la prison d’Arles, la responsabilité de l’État pourrait être officiellement reconnue par la Justice.
Le tribunal administratif de Marseille a étudié, ce lundi 6 janvier, les dossiers de demandes d’indemnisation de sa famille. Dans ce cadre-là, le rapporteur public estime que l'État doit être reconnu responsable, avec faute.
L’avocat de la partie civile, Maître Patrice Spinosi, a répondu aux questions de France 3 Corse ViaStella.
Ce matin, il était question de deux procédures une qui se termine plus ou moins, de quoi traite cette première procédure ?
La procédure qui était plaidée ce matin est relative à la demande d’indemnisation au nom d’Yvan Colonna, qui est représenté par ses héritiers, contre l’État pour que celui-ci soit reconnu responsable du décès d’Yvan Colonna et qu’une indemnisation soit fixée à ses héritiers du fait de la faute qui a été caractérisée par l’État dans la surveillance d’Yvan Colonna.
Il y a une demande d’indemnisation qui est éteinte et une qui se poursuit. Qu’en est-il de celle éteinte ?
La demande d’indemnisation a été formée à l’égard de l’ensemble des membres de la famille d’Yvan Colonna. Ces demandes sont éteintes parce que l’État a proposé une transaction. Il a d’ores et déjà proposé de reconnaître sa responsabilité et de payer les membres de la famille.
Néanmoins, cette proposition de transaction a été acceptée par les différents membres de la famille, mais elle a été refusée par les héritiers d’Yvan Colonna, au nom d’Yvan Colonna, pour que précisément il reste une action devant le tribunal administratif et que cette action permette de caractériser de façon officielle, par une décision de justice, la responsabilité de l’État dans le décès d’Yvan Colonna.
Les héritiers sont donc les deux enfants et l’épouse d’Yvan Colonna ?
Les héritiers sont les deux enfants d’Yvan Colonna et son épouse qui sont, du fait de son décès, susceptibles de porter l’action qui a été engagée en son nom personnel. C’est comme si Yvan Colonna avait agi en justice contre l’État, mais il est représenté, comme il est décédé, par ses héritiers, donc ses deux enfants et sa femme.
Sur le fond de l’affaire, la rapporteur public penche pour une reconnaissance de la faute de l’État, quelle est votre réaction ?
C’est ce que nous cherchions. C’est ce que nous demandons depuis le début, c’est précisément que le tribunal constate l’existence des fautes, des dysfonctionnements, qui ont été constatés aussi bien par le rapport de l’inspection générale des services que par la commission parlementaire et en tire les conséquences en indemnisant les héritiers d’Yvan Colonna.
Il y a un certain nombre de fautes sur lesquelles la rapporteur a insisté, quelles sont les fautes qui pourraient être reconnues ?
Il y a deux grandes séries de fautes que nous avons soulevées et que le rapporteur public a reprises. La première série est relative à la gestion de la détention du parcours carcéral de Franck Elon Abé, l’agresseur d’Yvan Colonna.
Puisqu’il est tout à fait anormal qu’au regard des incidents qui avaient émaillé la détention de Franck Elong Abe, il avait pu bénéficier d'autant de liberté au sein de la maison pénitentiaire d’Arles et qu'il ait pu obtenir un poste d'auxiliaire, qui est un poste qui lui permettait de se passer librement dans la prison. Il y a là, comme nous le soutenons, comme d'ailleurs les différents rapports de l'inspection générale des services et de la Commission d’enquête parlementaire l'ont constaté, un dysfonctionnement qui a donc caractérisé une faute de l'administration.
Et puis l'autre série de fautes majeures, c'est la gestion, la détention, et la surveillance d'Yvan Colonna, puisque les surveillants qui étaient censés aussi bien vérifier ce qui se passait visuellement dans la salle de sport où il a été agressé, que sur les écrans, puisqu'il y avait des caméras dans cette salle de sport. Et bien tous ces surveillants étaient complètement défaillants et donc il y a bien là aussi un dysfonctionnement extrêmement grave qui a eu une conséquence directe, à savoir l'agression d'Yvan Colonna pendant plusieurs très longues minutes puisque l’agression a duré plus de 10 minutes et ce qui a abouti à son décès et donc l'État est bien responsable, à ce titre, du préjudice lié au décès d’Yvan Colonna.
En revanche concernant le maintien sous le statut de DPS et le transfert à Borgo, cela n’a pas été retenu, c’est une déception ?
Non, il a été considéré que le refus du transfert à Borgo comme le DPS, c'était peut-être questionnable et en cela le rapporteur public fait écho aux interrogations qui ont pu être soulevées par la commission d'enquête parlementaire.
Mais pour autant, elle considère qu'il n'y a pas là une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration qui ait concouru suffisamment directement avec l'agression et le décès d’Yvan Colonna.
Il y a le préjudice physique, le préjudice moral, pour les deux, les réquisitions s’élèvent à 75.000 euros. C’est correct pour ce genre d’affaire ?
C'est beaucoup justement. Là aussi, il était important en tout cas pour nous que les montants soient symboliquement significatifs. Ce qui est toujours extrêmement difficile de valoriser évidemment la mort d'un homme. Mais ce qui est vrai, c'est que nous avions demandé au Tribunal de faire un effort et la rapporteure public le fait puisque ce montant de 75.000€ est très supérieur aux montants qui sont habituellement accordés dans ce genre d'hypothèse.
Il est aussi très supérieur au montant qui avait été proposé par l'administration, puisqu'il y avait une proposition de transaction qui avait été faite par l'administration qui avait été refusée au nom d'Yvan Colonna et cette proposition était de 40.000€.
Donc on voit bien que y a bien là une volonté de la part du tribunal administratif, ou en tout cas de son rapporteur public, d'aller bien au-delà de ce qui avait été considéré comme satisfaisant par l'administration, lorsqu'elle prétendait reconnaître sa propre responsabilité.
Le délibéré est attendu mi-février, à ce moment-là, ce sera la fin de la partie civile de cette procédure en général ?
Alors il va falloir voir de toutes les façons qu'elle va être la nature de la décision. Si le rapporteur public est suivi et bien la décision sera évidemment très favorable pour la famille d'Yvan Colonna. Donc il n'y aura pas priori d'appel de son côté.
Mais il est possible en tout cas, juridiquement rien ne l'interdit, que l'État considère que cette décision est trop défavorable et qu'il cherche à faire appel. Donc il pourrait saisir la Cour administrative d'appel, voir aller jusqu'au Conseil d'État. On ne le sera qu'à partir du moment où la décision sera rendue.
Donc oui, c'est peut-être la fin, mais il y a aussi la possibilité pour une des parties de décider de remettre en cause des décisions si elle le souhaitait.