Des syndicats étudiants et des groupes de l’Assemblea di a Giuventù ont dénoncé le mode de nomination concernant le renouvellement d'un des quatre collèges de l'instance de la jeunesse. De son côté, la présidente de l'Assemblée de Corse évoque les "décisions unanimes d'un jury souverain".
"Injuste" pour les uns, "faux procès" pour les autres. Le renouvellement de la troisième mandature de l’Assemblea di a Giuventù suscite quelques remous. Jeudi dernier, l’Assemblée de Corse a voté à l’unanimité la composition de cette instance des jeunes également présidée par Marie-Antoinette Maupertuis.
Si aucun conseiller territorial n’a contesté le vote dans l’hémicycle, c’est du côté des syndicats étudiants et de certains groupes siégeant à l’Assemblea di a Giuventù que le mécontentement s’est manifesté. Notamment sur le mode de nomination du quatrième collège, celui regroupant les candidatures individuelles. Soit 31 au total, la moitié des représentants de cette assemblée qui constitue l’un des quatre organes consultatifs de la Collectivité de Corse (avec le Cesec, le Comité d’Evaluation des Politiques publiques et la Chambre des Territoires).
Dans un communiqué paru jeudi avant la délibération, trois syndicats étudiants (Cunsulta di a Ghjuventù Corsa, Ghjuventù Indipendentista et Ghjuventù Paolina), ainsi que deux groupes de l’Assemblea di a Giuventù (Ghjuventù Naziunalista et Ghjuventù Paolina) ont fait état de leur désaccord quant aux critères sur lesquels s’est appuyé le jury pour le renouvellement du quatrième collège. "Bien que nous soyons contre un renouvellement automatique, nous avons demandé un renouvellement sur la base du mérite, affirment-ils à l’unisson. Or, un certain nombre de jeunes conseillers sortants ont souhaité candidater pour cette nouvelle mandature sans être retenus. Le jury n’a souhaité retenir que la présentation de motions et questions orales pour juger du travail réalisé par les jeunes conseillers sortants, se privant ainsi de membres pourtant impliqués et motivés."
Jointe par téléphone ce lundi en fin de journée, Marie-Antoinette Maupertuis a expliqué les choix du jury : "Il y avait 18 candidats de ce quatrième collège qui souhaitaient rester car ils n'avaient fait qu'un mandat, expose la présidente de l’Assemblée de Corse, également en charge de celle des jeunes. Cependant, nous ne pouvions pas tous les renouveler car, sinon, nous n’aurions pas pu ouvrir à de nouvelles candidatures, ce qui aurait été aussi injuste pour les nouveaux entrants. Nous avons donc renouvelé une dizaine de sortants sur la base du travail réalisé et sur la base de critères que nous avons posés avec le jury. Comme pour le choix des jeunes, le jury, souverain, a également fixé les critères à l’unanimité. Si certains ne la faisaient pas, ils n'étaient pas retenus."
Dans leur texte, les syndicats font allusion à d'autres critères de non-nomination, un temps évoqués, comme "le non-cumul des mandats entre les conseils municipaux de jeunes et l’Assemblea di a Giuventù, ainsi que l’impossibilité d’y siéger pour tout candidat ayant un contrat avec la Collectivité de Corse ainsi que ses antennes et offices". "Heureusement, ils n'ont pas été retenus", se réjouissent ces derniers. "Ces critères n’ont tout simplement pas fait l’unanimité au sein du jury", souligne la présidente Maupertuis.
Nommés à l'unanimité
Créée en juillet 2016 dans le but de "permettre l’expression de la jeunesse insulaire", l'Assemblea di a Giuventù est composée de 62 membres âgés de 16 à 29 ans qui ne peuvent effectuer plus de deux mandats. Elle se divise en quatre collèges : étudiants (15 membres), lycéens (9), syndicats professionnels (7) et donc celui des candidatures individuelles (31). Seuls les 31 membres de collège-là sont nommés à l’unanimité par un jury composé de 14 conseillers territoriaux issus de tous les groupes de l’Assemblée de Corse. De plus, le règlement stipule que leur renouvellement n’est pas automatique.
Selon Marie-Antoinette Maupertuis, "il a aussi fallu respecter la parité" ainsi que "l’ouverture à la gauche qui n’est pas représentée à l’Assemblée de Corse". "Évidemment que chacun des quatre groupe a essayé de pousser les siens dans ce collège-là, c'est de bonne guerre, reconnaît-elle. Mais le choix a surtout été très difficile car il y avait 97 candidatures et énormément de CV de grande qualité. Beaucoup de jeunes méritaient d’y être, ça a été dur de trancher. Raison pour laquelle on a voulu l’unanimité sur chaque nom. Comme à la Commission européenne, si une candidature n’était pas unanime, on ne la prenait pas. On a été d’accord sur tout le monde."
À l’issue de deux réunions ayant eu lieu les 9 et 15 novembre derniers, les candidatures ont été examinées. Dans la foulée, le jury a donc sélectionné 31 jeunes, ainsi que 15 autres sur une liste complémentaire.
"Parmi ceux qui prétendaient à un second mandat, ce dont ils avaient droit, précise Pierre-Joseph Paganelli de la Cunsulta di a Ghjuventù Corsa, on a su que certains étaient dans le viseur à l’issue de la première réunion où tout a été jugé sur le mérite. Mais pour juger au mérite, encore faut-il se baser sur des critères objectifs : ceux mis en avant ne le sont pas. Pour nous, il y en a d’autres comme le travail effectué en interne, dans les commissions organiques, ou encore en session. Une personne n’a pas été renouvelée alors qu’elle avait coproduit un rapport. Juger de la qualité d’un conseiller seulement sur les questions orales et motions, ce n’est pas normal. Si on appliquait cela à l’Assemblée de Corse, je pense que ça ferait pas mal de ménage."
"Une rupture de dialogue"
Ce lundi, Marie-Antoinette Maupertuis nous a confié "comprendre la frustration des jeunes" quant au fait qu’ils n’aient pas été renouvelés. "J’en ai déjà discuté avec eux en amont, on a fait deux réunions, poursuit-elle. Je comprends qu’ils soient mécontents mais, en même temps, on ne peut pas dénigrer l’Assemblea di a Giuventù et un jury qui est souverain. Il a choisi selon des critères d’activité et, en l’occurrence, chaque vote s’est fait à l’unanimité. Tout le monde était d’accord."
À l’inverse, Pierre-Joseph Paganelli parle lui d’une "rupture de dialogue". "La présidente a dit qu’elle avait consulté les jeunes, c’est vrai, mais uniquement entre la première et la deuxième réunion après le premier courrier, soutient le représentant du syndicat CGC. Ensuite, il n’y a eu aucun compromis qui a été trouvé. Or, la politique, c’est un peu la recherche du compromis. Et surtout avec les jeunes nationalistes, ça aurait été bon de faire un geste. C’est là qu’on sent la volonté de rupture alors qu’on a toujours travaillé ensemble. Auparavant, avec le président Talamoni, il n’y avait jamais eu de soucis. Si on a avait des choses à dire on les disait, il y avait une écoute", avance l’étudiant qui a effectué deux mandats à l'Assemblea et qui précise que son syndicat "n’est affilié à aucun parti".
Pierre-Joseph Paganelli souligne que "le groupe de droite de l’Assemblée des jeunes s’était aussi associé au premier courrier rédigé à la suite de la première réunion avant de ne pas n’a pas souhaité prendre part à ce communiqué-là. Certains membres du groupe Custruimu l’Avvene (troisième groupe nationaliste à l’Assemblea di a Giuventù, ndlr), nous soutiennent également."
Question autour de l'âge limite
Jeudi dernier, dans la soirée, au moment de procéder au vote, la présidente de l’Assemblée de Corse avait évoqué le communiqué rédigé par les trois syndicats et les deux groupes de l’Assemblea di a Giuventù.
Dans l'hémicycle, certains élus avaient pris la parole, dont Paul-Félix Benedetti, pour Core in Fronte : "Je comprends que des jeunes investis aient la volonté de continuer à siéger. Ensuite, quand vient l'heure des choix, il y a toujours les désagréments de celui qui n'est pas retenu, avec motivation, sans motivation mais sûrement avec passion et exasperation peut être, mais je pense sans rancoeur. C'est a nous d'adapter la règle pour que cela ne se reproduise plus. Et je pense que ça passe par le non renouvellement systématisé, avec un mandat de 3 ou 4 ans. Il faudrait aussi mettre une barrière d’âge : de 16 à 29 ans, il y a un décalage de vécu, c’est une génération entière d’écart. Si on veut vraiment une assemblée de jeunes, on doit metrre un quantum d’âge qui représente des jeunes dans la pleine jeunesse, pas dans le début d’une vie d’adulte. Donnons à cette assemblée un côté éphèmere. Ça évitera des désagréments."
"Cet âge de 29 ans avait été augmenté à notre demande lors de notre première mandature, explique Pierre-Joseph Paganelli. À la base, c'était moins, mais nous avions fait changer le règlement pour s'accorder avec les autres structures de jeunesse qui existent à l'échelle européenne et qui vont presque toute jusqu'à 30 ans. Nous nous étions également accordés avec le "Pattu per a giuventù" de la collectivité qui propose une politque de jeunesse jusqu'à 30 ans. La demande a donc été logique, elle a été acceptée, le règlement avait été changé. On trouve donc surprenant que les élus, et y compris la présidente, parlent de changer l'âge sans même nous consulter alors que c'est nous qui l'avions changé."
Entre "mainmise" et "faux procès"
Dans les dernières lignes du communiqué, il est écrit que les trois syndicats et les deux groupes "prendront [leurs] responsabilités pour faire valoir et porter les valeurs et revendications qui sont les [leurs]". "La solution semble insoluble, lâche Pierre-Joseph Paganelli. On aimerait que le jury se réunisse de nouveau pour changer ça et faire en sorte qu’il y ait une réévaluation sur la base du mérite avec des critères objectifs, car on voit bien que ce n’est pas le mérite qui a prévalu, c’est autre chose."
Quoi ? lui demande-t-on. "Les affiliations partisanes, on sent qu’il y a une volonté de mainmise", répond-il, faisant écho au texte co-rédigé par les syndicats dans lequel il est écrit que "la liste de la nouvelle composition de l’Assemblea di a Giuventù montre bien la volonté de certains de transformer (l'instance) en une caution morale de l’Assemblée de Corse". Et le communiqué de se conclure par ces mots : "Par contu nosciu andaremi è saremi sempri contr'à u clanisimu."
Pour eux, il y aurait derrière cela une volonté hégémonique de l’Exécutif et des couleurs de Femu a Corsica sur l’instance des jeunes. "Il est vrai que l'idée d'un certain clanisme autour de l'Exécutif et de Gilles Simeoni fait son bout de chemin depuis quelque temps, mais de là à y voir une hégémonie sur cette Assemblée de jeunes, ça paraît un peu gros, surtout vu les enjeux", analyse un observateur aguerri du microcosme politique insulaire.
Selon nos informations, la couleur de la majorité territoriale serait "faiblement représentée" au sein de ce quatrième collège de la nouvelle Assemblea di a Giuventù.
L’idée de cette Assemblea était d’avoir une représentation la plus large possible de ce qu’est la jeunesse corse tant dans sa diversité géographique, sociologique que politique."
Des accusations de clanisme que rejette la présidente Maupertuis. "Les enjeux ne sont pas là, affirme-t-elle. Quel intérêt aurions-nous à faire ça ? Il s’agit d’une assemblée où l’on vient pour apprendre à faire de la politique, pour apprendre les mécanismes de la production des politiques publiques et des grands enjeux politiques de la Corse contemporaine. On n’y vient pas pour faire des débats de ce type. L’idée était d’avoir une représentation la plus large possible de ce qu’est la jeunesse corse tant dans sa diversité géographique, sociologique que politique. C’est aussi pour ça que l’on voulait que la gauche y soit représentée (la droite l'était déjà). Je suis donc un peu triste de la polémique qui se met en œuvre. J’espère pouvoir rencontrer ces jeunes et discuter avec eux très prochainement. Il y a une assemblée qui se met en place, c’est un très bel outil. J’ai toujours trouvé que sa création était une très bonne idée. Mais là, pour le coup, on nous fait un procès qui n'a pas lieu d’être."
La première session de la nouvelle mandature de l’Assemblea di a Giuventù est prévue le 14 décembre prochain.