En Corse, on recense dix accidents mortels liés à l'activité cynégétique depuis 2010. La secrétaire d'Etat à l'écologie présente lundi 9 janvier un plan "zéro accident" pour la chasse. Parmi les pistes évoquées, notamment, la création d'un délit d'alcoolémie pour les chasseurs, limitant leur consommation avant pratique à 0,5 g par litre de sang.
Ce sont des annonces qui seront assurément suivies de près par tous les amateurs de l'exercice cynégétique : ce lundi 9 janvier, la secrétaire d'Etat à l'Ecologie Bérangère Couillard dévoilera lors d'un déplacement à Dry, dans le Loiret, le plan du gouvernement pour mieux sécuriser la pratique de la chasse, et atteindre l'objectif "zéro accident".
Délit d'alcoolémie
Un panel de mesures négociées depuis plusieurs mois, parmi lesquelles, selon toute vraisemblance, la création d'un délit d'alcoolémie pour les chasseurs. Ces derniers seront de fait soumis aux mêmes règles que les automobilistes : pas plus de 0,5 gramme par litre de sang, soit deux verres de vin. Au-delà de ce taux, il leur sera interdit de chasser, sous peine de sanctions.
Aller chasser tôt le matin en étant déjà bourré, je ne pense pas qu’on soit dans la réalité de la Corse ou d’ailleurs
Ange-Dominique Manenti
Une interdiction qui devrait s'accompagner de test et contrôles renforcés des pratiquants. Et une mesure qui avait reçu les critiques d'Ange-Dominique Manenti, président de la fédération des chasseurs de Corse-du-Sud, dans un entretien paru le 21 septembre dernier sur le site chassons.com : "Aller chasser tôt le matin en étant déjà bourré, je ne pense pas qu’on soit dans la réalité de la Corse ou d’ailleurs… [...] Qu’on me dise que les chasseurs boivent 2 ou 3 bières pendant le repas qui suit, je veux bien le croire, mais dans tous les cas, c’est après la chasse et si quelqu’un prend le volant, il sera soumis aux mêmes contrôles routiers qu’un conducteur lambda."
Autre point qui devrait à priori être présenté dans ce plan du gouvernement, la mise en place d'une application pour smartphones visant à renforcer la sécurité des chasseurs comme des promeneurs, indique Franceinfo, appuyé d'une source gouvernementale. Cela en permettant à ces seconds de visualiser en temps réel les chasses en cours.
Pas de "jour sans chasse"
Si une pétition réclamant l'interdiction de la chasse le mercredi et le dimanche avait recueilli plus de 120.000 signatures en automne 2021, quand plusieurs ex-candidats à la présidentielle tels que Jean-Luc Mélenchon et Yannick Jadot ont eux proposés de l'interdire les weekends et les vacances scolaires, le plan gouvernemental ne devrait à priori pas instaurer de jour sans chasse.
Invité de Franceinfo vendredi 6 janvier, le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, a ainsi déclaré qu'on "ne peut pas faire comme si, en sanctuarisant une demi-journée, on réglait de manière totale" la question du partage de la nature. "Le sujet ce n'est pas seulement un jour ou une demi-journée sans chasse, mais c'est la sécurité toute la semaine à la fois pour les chasseurs et ceux qui vont dans la nature", a-t-il décrété, évoquant l'existence, également, d'autres conflits d'usages "entre vététiste et promeneurs".
La formation plus vaste des chasseurs est en revanche bien prévue dans ce plan gouvernemental, avec l'objectif pour eux de se former toute leur vie. Aujourd'hui, et depuis le 24 juillet 2019 et la promulgation d'une loi portant sur la pratique, les chasseurs sont dans l'obligation de suivre une formation de sécurité décennale, sous peine de se voir invalider leur permis.
Une remise à niveau théorique, sans manipulation d'armes, axée sur la prise en compte de l'environnement et du comportement du chasseur. Cela à travers la mise en situation via des vidéos reconstituant des accidents survenus par le passé, et montrant les comportements à adopter en cas de rencontre d'un usager de la nature non-chasseur.
Quelles sont les consignes de sécurité déjà en vigueur ?
En parallèle du suivi de ces formations, et des futures mesures qui seront appliquées, plusieurs règles et bonnes attitudes existent déjà afin de limiter le risque d'accident de chasse. Sur son site internet, la fédération nationale des chasseurs de France les liste ainsi :
- Tenir compte de l'environnement : une personne totalement ou partiellement soustraite à la vue du tireur peut se trouver derrière une haie, un coin du bois, ou autre buisson. "Il est évident qu’on ne tire que vers un gibier clairement identifié, pas une simple forme. Tenir compte de l’environnement, c’est aussi tout simplement ne pas se laisser aveugler par le gibier et, cela paraît évident, ne pas tirer un gibier en direction des habitations et des routes."
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Généraliser le port du gilet fluorescent : une façon de se rendre visible de loin, même à travers un écran de végétation.
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Respecter la règle des 30° : "le chasseur ventre au bois, ne doit pas tirer dans la traque, mais seulement lorsque le gibier aura sauté l’allée, au-delà d’un angle de 30° qui garantit la sécurité des voisins." Pour matérialiser un angle de 30° vers la droite, indique la fédération des chasseurs, "le chasseur effectue 5 pas vers la droite puis 3 pas perpendiculairement et la même chose côté gauche. À la fin du troisième pas, il plante un repère (bâton ou autre). Le gibier sortant de l’enceinte traquée ne pourra être épaulé et tiré qu’après avoir franchi l’angle des 30°. En cas d’accident, la responsabilité du chasseur ayant tiré dans l’angle des 30° est systématiquement engagée !"
- Bien fixer les consignes de sécurité et de tir lors du rond : le rond, rituel qui précède la chasse, doit permettre à tous les participants de recevoir des consignes verbales, parfois doublées de consignes écrites, et s'engager à les respecter en signant le registre de battue. "En cas d’accident, la responsabilité du responsable de chasse n’ayant pas donné les consignes est systématiquement engagée."
L'Office français de la biodiversité rajoute plusieurs recommandations et axes de travail pour prévenir les accidents de chasses. À savoir, notamment :
- Une utilisation des armes par les rabatteurs mieux encadrée par les responsables de battue et limitées à des traqueurs spécialement formés.
- Le resserrement des chasseurs postés afin de limiter les tirs à grande distance, avec l'interdiction des tirs en chasse collective à plus de 50 mètres, en rappelant "sans cesse les portées des projectiles utilisés pouvant aller jusqu’à 4 à 5 kilomètres."
- L'interdiction des tirs en direction d’habitations ou de routes ouvertes à la circulation, en aménageant les postes "pour empêcher tous tirs dans les directions dangereuses".
- L'utilisation de moyen de communication par les chasseurs pour signaler leur présence de personnes extérieures à la chasse, et l'arrêt de toute action de charge (armes ouvertes et déchargées) "tant que d’autres usagers de la nature sont présents sur les territoires ou dans les zones de tir."
- La mise en place plus étendue de panneaux d'informations temporaires pour signaler les zones chassées.
Dix accidents mortels depuis 2010 en Corse
En Corse, on recense 10 accidents mortels liés à la chasse depuis 2010. Le dernier remonte à hier, samedi 7 janvier : un chasseur âgé de 85 ans est décédé sur la commune de Prunelli-di-Fiumorbo, touché accidentellement par un coup de feu provenant de son propre fusil.
Avant cela, on recense en janvier 2021 le décès d'un septuagénaire, atteint par un tir accidentel lors d'une battue au sanglier organisée sur la commune de Sollacaro. Deux ans plus tôt, le 13 janvier 2019, c'est un homme de 82 ans qui décédait dans une partie de chasse à Carpineto. En 2017, deux morts dans des accidents de chasse ont été comptabilisés sur l'île, un en 2016 - un jeune homme de 23 ans à Sartène -, un autre en 2014, deux en 2011 et un en 2010.
Sur la même période 2010-2023, on comptabilise 17 blessés.
À l'échelle de la France entière, les accidents de chasse ont diminué de façon conséquente et continue au cours des deux dernières décennies. La saison 1999/2000 comptait ainsi 232 accidents, dont 39 mortels.
C'est près du double de la saison 2010/2011 : 131 accidents de chasse dont 18 mortels. La saison 2020-2021 enregistre elle une baisse record : 80 accidents de chasse recensés, dont 7 mortels concernant 6 chasseurs (dont 3 auto-accidents) et 1 non-chasseur, indique l'Office français de la biodiversité (OFB), établissement en charge de la délivrance des permis de chasser.
Soit 56 accidents de moins que l'année précédente, avec une précision néanmoins importante à prendre en compte : l'activité cynégétique a été impactée par la crise sanitaire, avec notamment des interdictions de chasse durant le confinement [avec quelques autorisations préfectorales accordées dans le cadre d'actions de régulations, mais qui restaient à la marge, ndlr], ce qui explique en partie ces chiffres exceptionnellement bas.
Une tendance baissière sur les 20 dernières années qui relève de la hausse actions de contrôles, de prévention et de formations menées auprès des chasseurs par les services de l'Etat les fédérations de chasseurs, estime le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
"Mais les efforts doivent se poursuivre", reprend dans un rapport publié en novembre 2021 le ministère. Car, souligne-t-il "un accident de chasse est toujours un accident de trop".