Lancé en 2008 à la suite du Grenelle de l’environnement, le plan Ecophyto vise à réduire de 50 % l'utilisation des pesticides d'ici 2025 sur le territoire national. Un plan, qui concerne aussi bien les agriculteurs que les particuliers. 4 reportages pour comprendre risques et bonnes pratiques.
La France commercialise plus de 60 000 tonnes de produits phytosanitaires chaque année. Plus de 500 molécules chimiques sont homologuées et déclinées dans plus de 2000 produits insecticides, fongicides ou désherbants.
Emblématique de la toxicité potentielle ou avérée de ces molécules, le glyphosate notamment présent dans le fameux RoundUp de Mosanto, fortement soupçonné d’être cancérogène ( classé « cancérogène probable » pour l’homme par le Centre international de recherche sur le cancer en mars 2015), fait l’objet d’un combat acharné pour ou contre son interdiction entre militants écologistes et lobbies de l’agro-chimie, devant les instances européennes en particulier.
Aujourd’hui il est toujours en vente libre en France, mais en théorie depuis le mois de janvier il n’est plus en libre accès dans les commerces. Les particuliers doivent faire appel à un vendeur censé les sensibiliser au « bon » usage du produit.
Reste qu’une fois chez eux, rien n’oblige les particuliers à respecter le dosage indiqué, et les règles de protection impliquant le port de gants et de masque lors de l’application.
Responsable du laboratoire d'hydrobiologie à l'Université de Corte, Antoine Orsini rappelle que cette guerre aux mauvaises herbes n’est pas sans conséquences : une quarantaine de micropolluants, notamment des pesticides, ont été détectés dans les rivières et étangs de Corse.
Des molécules que l’on retrouve dans l’eau, mais aussi dans les organismes vivants, et que l’on soupçonne d’être à l’origine de multiples affections touchant l’être humain.
Le reportage de Solange Graziani et Christian Giugliano.
Outils majeurs de l'agriculture productiviste depuis les années 60, engrais et pesticides ont permis pendant un temps aux agriculteurs d'améliorer leurs rendements, ils ont aussi appauvri voire détruit les sols.
La prise de conscience des conséquences néfastes de ces usages sur l'environnement et la santé humaine fait lentement son chemin dans le milieu agricole.
Ainsi par exemple le cahier des charges de l'IGP Clémentine de Corse encadre aussi le traitement des vergers : dosage à l'hectare, nombre de traitement par an sont réglementés et contrôlés par des tests de résidus.
Et aujourd'hui pour pouvoir acheter ses produits phytosanitaires, tout agriculteur doit présenter son Certiphyto, un document officiel dont l'obtention nécessite une formation.
Enfin la nouvelle génération d'agriculteurs, sensibilisée à la dangerosité de certaines molécules, mise aussi sur des solutions biologiques alternatives à la chimie, comme l'utilisation d'insectes auxilliaires.
Et de multiples recherches sont en cours dans ce sens.
Le reportage de Solange Graziani et Christian Giugliano.
La viticulture est l'une des cultures qui emploie le plus de produits phyto-sanitaires. Des fongicides notamment, pour lutter contre le mildiou ou l'oïdium.
Sur l'île, 6600 hectares sont plantés de vignes. Et longtemps on a traité sans se poser de question. "Il y avait des représentants qui nous suggéraient tel ou tel produit, et on y allait. Mais c'est fini, cette époque est révolue" témoigne Henri Orenga di Gaffory, viticulteur à Patrimonio.
Nuisances sur l'environnement et sur la santé humaine, la prise de conscience des dangers de l'usage des produits phyto-sanitaires fait ici aussi son chemin.
Depuis quelques années, Patrimonio est le fer de lance de la viticulture biologique. Aujourd'hui, 80 % des domaines ont le label bio.
Le système le plus efficace qui existe
Le domaine Orenga di Gaffory, l'un des plus grands avec 90 hectares, est en conversion depuis deux ans. Cuivre et soufre en guise de fongicide, et cordon imbibé de phéromones pour égarer les vers de la grappe et empêcher leur reproduction. Le chef de culture de l'exploitation constate l'efficacité de ces traitements : "Je pense que c'est le système le plus efficace qui existe. Les traitements chimiques n'étaient pas très efficaces. Le ver de la grappe est difficile à contrôler. Avec ce système écologique on y arrive très très bien."
Et même si en bio les coûts de main d'oeuvre sont plus importants et les vins vendus 10 à 20% plus cher, ce label, associé à l'AOC Patrimonio et aux cépages endémiques comme le niellucciu, constitue un marché de niche à forte valeur ajoutée qui permet aux exploitations de continuer à investir et se développer sainement.
reportage de Solange Graziani et Christian Giugliano
Les mauvaises herbes sont ses alliées, et il compare sa terre à du chocolat. Connu pour son militantisme contre le consumérisme et la décharge de Vico, Jean-Yves Torre est avant tout un adepte de l'agro-écologie.
"Quand vous balancez toute votre vie des produits qui sont fabriqués par des criminels comme Bayer et Mosanto, il y des gens qui sont morts, qui sont défigurés, qui ont des maladies très graves, alors là il y a une étincelle, et les gens se disent on va passer à autre chose, on va penser à nos petits enfants, mais pour eux il est déjà trop tard, ils sont malade et leur terre est contaminée."
Longtemps considéré comme un doux rêveur, un Ayatollah de l'écologie, sa manière de cultiver sans produits phyto-sanitaires, en associant les plantes compagnes, en utilisant compost broyat et décoctions, est aujourd'hui un modèle qui tend à se répandre.
"Il y a urgence à mener une réflexion avec ceux qui gèrent l'agriculture, les syndicats, les paysans et les paysannes. Il y a urgence pour que les gens mangent à leur faim et de manière saine. En ce moment vous avez des lobbies qui sont très forts de part le monde qui font qu'on continue, et ça c'est un drame."
reportage de Solange Graziani et Christian Giugliano