La poursuite du confinement incite des artisans à créer des pages Facebook pour expliquer la situation économique à laquelle ils sont confrontés. Et malgré les mesures annoncées pour leur venir en aide, beaucoup dénoncent les lourdeurs administratives, et la frilosité des banques.
Ils sont électriciens, plaquistes, plombiers ou restaurateurs. En Corse, ils représentent 16.000 entreprises artisanales, qui emploient 40.000 salariés. Ils sont aussi très impliqués dans la formation des jeunes apprentis et dans la diffusion et la transmission des connaissances.
Tous sont habitués à jongler avec les aléas liés à l’organisation de leur activités : les impayés, la difficulté à trouver de la main d’œuvre qualifiée, la gestion des stocks, la trésorerie qui fait défaut.
En temps normal, ils savent gérer ces difficultés, qui font partie de la vie d’un petit patron. Mais la situation actuelle est inédite : les moteurs de l’économie Corse s’éteignent les uns après les autres depuis le début du confinement, le 17 mars dernier.
Selon la note de conjoncture publiée par la banque de France sur son site internet, la perte d’activité sur une semaine-type de confinement est évaluée à -32%. D'après le FMI (Fond monétaire international), il s’agit de la plus terrible récession mondiale depuis 1929, le krach boursier, le fameux Jeudi noir ! Pour les artisans corses, tout s’est effondré en quelques jours. Les carnets de commandes sont vides, l’argent ne rentre plus et les charges s'accumulent.
Le maquis administratif
Depuis quelques jours, les artisans s’organisent sur les réseaux sociaux. Facebook est ainsi devenu, le dernier salon où l’on cause ! Jean-Paul Daguerre, électricien à Figari, revendique 1500 membres désormais rassemblés derrière l’acronyme UISEC, pour Union interprofessionnelle pour la survie de nos entreprises. D'après son fondateur, le collectif, qui se veut apolitique, va bientôt se transformer en association ou en syndicat, avec comme objectif de parler d’une seule voix. Car Jean-Paul Daguerre en a gros sur le cœur. Selon lui, les annonces du chef de l’état en faveur des artisans, pour amortir la crise économique, se heurtent à une bureaucratie tatillonne et à des banques qui ne jouent pas le jeu. "Les aides (prêts, ndlr) sont difficiles à obtenir, les banques instruisent les dossiers les uns après les autres, elles tardent à répondre. L’artisan dont l’activité connaissait déjà un ralentissement avant la crise du Coronavirus n’obtiendra pas de prêt à son avis, car sa situation financière est déjà considérée comme à risque par les établissements bancaires".
L’artisan dont l’activité connaissait déjà un ralentissement avant la crise du Coronavirus n’obtiendra pas de prêt à son avis, car sa situation financière est déjà considérée comme à risque par les établissements bancaires
Sur les réseaux sociaux, il y a aussi ceux qui tiennent un discours plus radical, comme Philippe Albertini, restaurateur à Macinaggio dans le cap Corse. Il gère une paillote sur la plage de Tamarone, aux portes du sentier des douaniers qui serpente le long de la côte Est du Cap. Sur Facebook, il anime "Le collectif Corse de défense pour nos commerces", le restaurateur, invite tous les commerçants à ouvrir le 11 mai, date envisagée pour le début du déconfinement par le chef de l’état, afin de soutenir l’activité. Joint par message sur sa page Facebook, le restaurateur n’a pas répondu à notre demande d’entretien à l’heure ou nous écrivons ces lignes.
Annulation des charges sociales
Amputé de sa saison d’été, le secteur de la restauration attend désormais des mesures d’accompagnement promises par le président de la République, lors de son allocution télévisée. Dans l'intervalle, les professionnels se tournent en direction des assureurs, afin qu’ils couvrent les pertes d’exploitation. Mais les compagnies font valoir que le risque d’épidémie ne peut pas être couvert, car il touche tout le monde et qu’il est exclu de la totalité des contrats d’assurance, hormis quelques exceptions.Pour la fédération Française des assurances, l’indemnisation coûterait entre 60 et 70 milliards d’euros, ce qui conduirait à la faillite de la plupart des compagnies. Des arguments que les restaurateurs et hôteliers n’entendent pas, surtout depuis l’annonce d’un accord entre les assureurs Allemands et le gouvernement régional de Bavière, qui prévoit d'indemniser 15 à 20% des pertes d’exploitation dans la restauration.
Deux fois par semaine, la chambre des métiers de Corse et les représentants de l’état, de la collectivité de Corse et de la banque de France, se réunissent en visio-conférence, au sein d’une cellule de crise. Lieu d’échange qui permet de mettre à jour la situation des artisans en temps réel. Pour faire face à la situation et pour permettre de réamorcer la pompe économique, le président de la chambre des métiers, juge insuffisantes les mesures annoncées par le chef de l’état, même si, reconnait-il, elles étaient indispensables.
Le piège de la dette éternelle
Pour Jean-Charles Martinelli, "Seule une annulation totale des charges sociales sur 6 mois, avec une prolongation possible jusqu’à la fin de l’année est de nature à permettre aux entreprises artisanales d’amortir la crise du coronavirus". Pour l’instant, le gouvernement ne parle lui que d’un report de charges et d’impôts jusqu’au 15 juin, sans aucune pénalité ni justificatif.Mais, sauf décision contraire, ces charges devront être payées en décalé par les artisans et les entreprises. Une mesure jugée incompréhensible par les professionnels, qui, là aussi citent l’Allemagne en exemple, beaucoup plus généreuse vis-à-vis de ses entreprises.
Sauf que, les deux pays n’ont pas la même marge de manœuvre budgétaire. La France qui est désormais l’un des pays les plus endettés de la zone Euro redoute un scenario catastrophe s’il laissait trop filer ses déficits publics : le piège de la dette éternelle, comme celui qui s’était refermé sur la Grèce en 2008, après la crise des "Subprime".
Petitscommerces, une plateforme pour soutenir les commerçants et artisans locaux
Face à la pandémie de Covid-19, et le confinement imposé qui en résulte, nombre de commerçants et artisans locaux se voient contraints de réduire fortement leur activité, voire souvent, de la mettre entre parenthèses. Une situation difficile pour le moral comme pour le porte-feuille.Pour aider ces derniers à surmonter la crise, le site Petitscommerces.fr propose d'acheter leurs produits ou services sous forme de bons d'achat. Ceux-ci seront par la suite utilisables dès la réouverture des commerces, et jusqu'au 31 décembre 2020. Une initiative soutenue par le Ministère de l'Économie, et à laquelle ont à ce stade adhéré plus de 3.000 commerces français, parmi lesquels 20 situés en Corse.