Les mesures de confinement sont entrées en vigueur, en Corse comme ailleurs, le 17 mars. Face à cette situation certains se tournent vers l'alcool ou encore le tabac et les jeux video. Remy François, psychiatre addictologue répond à nos questions.
Les mesures de confinement imposées, en Corse comme ailleurs, sont nécessaires pour tenter d’endiguer l’épidémie de Coronavirus.
Mais l’obligation d’être enfermé peut être source de frustration et de souffrance.
Y a-t-il un risque accru pour les personnes addictes? Y a-t-il un risque de devenir accro pour calmer le stress et l’attente? Tabac, alcool, jeux vidéos, drogue...
On fait le bilan avec le docteur Remy François, Psychiatre Addictologue.
- Pour tromper l’ennui et conserver un lien social malgré le confinement, le phénomène « apéro en vidéo » prend de plus en plus d’ampleur. Ce phénomène mis à part, y a-t-il un risque accru d’augmentation de consommation de tabac ou d’alcool en cette période de quarantaine préventive?
Remy François : La vigilance s'impose lors de la période de confinement, eu égard à la contagiosité extrême et à la gravité de la maladie COVID-19. Mais oui, il y a un risque d'augmentation de tabac et/ou d'alcool car le confinement est une agression psychique.
Cette expérience traumatique engendre des conséquences psychologiques, à type de stigmatisation, de sentiment de culpabilité et de troubles anxio-dépressifs voire de syndrome de stress post traumatique.
Malheureusement, le tabac et l'alcool donnent l'illusion de soulager ces manifestations. Celles-ci se majorent sous l'emprise de substances, et le cercle vicieux se met en route : augmentation de la consommation, mé-usage, accroissement des troubles psychologiques…
Depuis le début du confinement j'ai l'impression d'être en apéro h32 sérieux pic.twitter.com/Y4EvORYWta
— Thibaut (@thibxxt) March 30, 2020
- Le temps du confinement pourrait-il être mis à contribution pour un sevrage?
Oui, si la personne ne souffre pas de dépendance à des produits addictogènes (héroïne, cocaïne, nicotine, alcool, barbituriques), si le trouble de l'usage est léger à modéré et qu’il n'y a pas de conséquences psychologiques du confinement. Celui-ci le place face à lui-même, et le sujet peut mobiliser par la réflexion ses facultés de défense et d’adaptation, en particulier penser à sauvegarder sa santé, ainsi que le faisaient les stoïciens.
Non, si la personne est sur le chemin de l'addiction, en particulier si elle est déjà dans la phase de dépendance physique. Pire, un sevrage non-contrôlé médicalement peut entraîner de graves troubles : syndrome de sevrage, crise d’épilepsie, delirium tremens.
- Jeux vidéos, tabac, nourriture, sexe : le confinement est-il propice aux excès?
- Combien de temps faut-il avant de basculer dans l’addiction?
- Phase de "plaisir" : les consommations ou comportements sont contrôlés.
- Phase de dépendance psychologique : la consommation n'est plus sous contrôle, le comportement dans le cadre d'addiction sans produit devient erratique. Cette phase représente la tentative de prise en charge des problèmes psychologiques structurelles ou réactionnelles par le comportement addictif.
- Phase de dépendance physique: l'addiction est totale et le patient a perdu toute liberté face au produit ou au comportement addictif.
En fonction de la phase dans laquelle se trouve le sujet, le temps sera différent. Dans la troisième phase, la bascule dans l'addiction sera quasiment immédiate. Dans la première phase , le libre arbitre éloigne l'entrée dans l'addiction.
- Adolescents, personnes isolées, homme, femme...Y a-t-il des profils plus sensibles?
- Est-ce que les personnes qui vont tromper l’ennui et le stress en adoptant un comportement addictif, vont s’arrêter à la fin du confinement?
- Quelque soit le tempérament, y a-t-il un risque de dépression?
En fonction du tempérament et des antécédents de l'individu, la dépression pourra être légère, modérée ou sévère avec un degré plus ou moins important de mélancolie. S’il s'agit d'un épisode dépressif caractérisé et réactionnel au confinement, celui-ci disparaîtra avec une prise en charge psychothérapique simple. Mais si l’épisode dépressif concerne un sujet fragilisé par des événements de vie antérieure, une prise en charge médicale psychiatrique devra être plus globale : médicamenteuse, psychothérapie, hypnose médicale...
- Un conseil pour traverser plus sereinement cette épreuve psychologique inédite?
Si possible, limitez les sources d'informations, forcement anxiogènes, mais continuez à vivre en prenant les précautions nécessaires.
Pour vous rassurer, vous et vos proches, pensez qu’il y a treize fois plus de chances de guérir du COVID 19 que d'en mourir.
Un bon moyen de traverser cette période, est de commencer à envisager un développement psychologique, tel que l'a défini le Dr Cyrulnik, en d'autres termes : pratiquer la résilience.
Boris Cyrulnik : "Après chaque catastrophe, il y a un changement de culture" https://t.co/fhYwaJJPJP pic.twitter.com/ekvAOShmDy
— France Inter (@franceinter) March 25, 2020