Le gouvernement a annoncé le confinement généralisé, mardi 17 mars, pour limiter la propagation du Coronavirus. Au 10e jour, certains ressentent un grosse fatigue. Les conseils du docteur Jean-Marc Cresp, psychiatre, spécialiste du sommeil.
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Digne d’un rebondissement de film catastrophe, les français ont été surpris par les mesures de confinement. Pour ceux qui doivent rester à leur domicile, elles bousculent l’organisation quotidienne : télétravail et baisse de l’activité physique.
Ces directives s’accompagnent de leur lot d’anxiété. Ainsi, notre métabolisme risque également d’être impacté par ce nouveau rythme imposé. De quelle façon? On a posé la question au docteur Jean-Marc Cresp, psychiatre, spécialiste du sommeil.
- Pourquoi faut-il être vigilant en période de confinement ?
Jean-Marc Cresp : Parce que personne n’a été préparé.
La modification des habitudes est brutale. Depuis leur naissance, les gens ont un rythme de vie conditionné par l'autorité publique (crèche-école-travail-loisirs..). Le confinement imposé,
va entrainer des changements profonds de mode de vie. Sédentarité, absence des contraintes horaires, diminution majeure des échanges sociaux : tout cela
sur fond d'anxiété phobique, entretenue par le déferlement d'informations répétitives, dont nous inondent les différents médias et particulièrement les chaines d'info en continu. Après la période d'adaptation de la première semaine, ce brusque
changement est vécu dans une certaine euphorie de défense destinée à se rassurer. Puis il va probablement entrainer des changements comportementaux physiques et psychologiques responsables de modifications biologiques et morales à plus ou moins long terme.
- Pour patienter en confinement, il peut être tentant de faire une sieste, au risque de modifier la qualité du sommeil la nuit?
J-M.C. : Oui, attention, il faut rester vigilant.
Le piège, c’est la modification des rythmes circadiens liée au confinement, c’est-à-dire les heures de lever-coucher, ponctués de siestes aléatoires, agrémentés d’une alimentation déséquilibrée pour calmer l’angoisse ou l’ennui, et d’une diminution drastique de l'activité physique. Ajoutez à ça, une
promiscuité familiale inhabituelle et une démobilisation intellectuelle… C’est un cercle vicieux qui risque d’être favorisé chez une forte proportion de la population, et d’accentuer ce sentiment de fatigue, qui peut modifier la qualité du sommeil. Ce sont des manifestations relativement bénignes et très probablement régressives, à l'issue de l'épisode actuel.
- Confinement et fatigue: alors que l’activité physique est réduite, certains se sentent épuisés, pourquoi?
J-M.C. : Le sentiment de frustration généralisé va se manifester de façon variable en fonction des générations mais va inévitablement s’exprimer par des troubles métaboliques, essentiellement alimentaires. Ces troubles se traduisent par
une tendance au grignotage salé-sucré et l'inévitable prise de poids particulièrement délétère chez les sujets déjà en surpoids, et a fortiori diabétiques, favorisée par la sédentarité aggravée. Des troubles psychoaffectifs risquent aussi d'apparaitre,
allant de la simple fatigue psychique au sentiment de tristesse, voire de douleur morale, particulièrement chez des sujets fragilisés ou très isolés.
- En confinement, la notion du temps semble altérée, comment s’adapter, s’organiser pour ne pas être perturbé?
J-M.C. : Il faut insister sur la notion capitale
d'éviter le passage en "libre cours" dans la gestion du quotidien. Respectez au maximum vos horaires de lever, et évitez de regarder des séries jusqu'à des heures avancées de la nuit. Toutefois
accordez-vous une "grass'mat" le dimanche par exemple, ou une sieste de 20 minutes maximum mais pas tous les jours.
- Inquiétude, euphorie, anxiété: à l’annonce du confinement, on a assisté à l’expression d’un large panel d’émotions…
J-M.C. : On remarquera qu'il peut s'installer progressivement une
fragilisation du contrôle émotionnel avec une labilité de l'humeur et du caractère, particulièrement négative pour des gens fragilisés par des événements vitaux malheureux (deuil, perte d'emploi, rupture affective..) ou a fortiori suivis pour des pathologies psychiatriques avérées.
- Quels sont vos conseils pour gérer au mieux cette période de confinement qui semble partie pour durer?
J-M.C. : S'astreindre à essayer de conserver au plus près son rythme de vie antérieure, en particulier sur les horaires de sommeil et d'alimentation.
Garder une activité physique extérieure dans les limites légales autorisées et s'aider des nombreux tutos en ligne. Il faut faire preuve de créativité dans la vie familiale, en particulier avec les enfants (jeux de société, animations diverses, respect des activités scolaires). Et
utiliser les réseaux sociaux ou de visioconférence pour garder un « lien vivant » avec ses proches et ses amis ou collègues de travail. En revanche, il faut filtrer autant que possible la charge d'information disponible, répétée en boucle (la liberté première c'est de pouvoir couper la télé à la demande..) Enfin, élaborer une réflexion familiale, si possible positive, sur la survenue de la crise, l'expérience nouvelle vécue et les projets pour après.
Maintenant que vous êtes prévenus, n’oubliez pas,
restez chez vous ! #InCasa
A noter :
Un tissu rouge, cas de détresse, pour alerter ses voisins…