Dimanche 20 novembre, Corsica Libera a organisé son congrès national à Corte. L'occasion pour le parti indépendantiste de présenter son nouvel organe décisionnel ainsi que son orientation générale.
C’est devant près de 400 militants que Corsica Libera a organisé ce dimanche à l'Université de Corse son congrès national.
Dans l'amphithéâtre Ribellu, le parti indépendantiste a présenté son nouvel organe décisionnel. Un cunsigliu a été créé ainsi qu'une ghjunta composée de douze militants parmi lesquels Pentr'Antò Tomasi, porte parole du parti, et Josepha Giacometti-Piredda, en charge des questions d'ordre institutionnel.
Dix nouveaux visages, parmi lesquels des jeunes issus notamment d'associations et de syndicats étudiants, composent cette nouvelle ghjunta : Anne-Cécile Nesa, Matteu Giona, Ghjuliu Antò Susini, Sampieru Andreani, Ghjiseppu Maria Verdi, Esteban Saldana, Battì Pieri, Jean-Daniel Cortopassi et Pierre-José Filipputti.
Quelques mois après les mobilisations en soutien à Yvan Colonna, ce congrès national a également été l'occasion pour le parti de rappeler son orientation générale axée sur les dix points évoqués cet été lors des Ghjurnate Internaziunale, et de réaffirmer son soutien aux clandestins du FLNC.
Porte-parole de Corsica Libera, Petr'Antò Tomasi a accordé un entretien à Solange Graziani.
France 3 Corse : Le parti a renouvelé ses instances en les rajeunissant. Que signifie ce choix ?
Petr'Antò Tomasi : C'est d'abord la traduction d’un choix qui avait été annoncé depuis de nombreux mois, celui d’une réorganisation et d’un redéploiement de Corsica Libera en faisant une place centrale à la jeunesse. Cela se traduit à travers ce nouvel organe qu’est la ghjunta du mouvement avec 12 jeunes militants qui représentent à la fois des engagements, des compétences et des régions de Corse. Ils auront la vocation, avec l’ensemble des militants qui restent présents au sein de l’organisation, de porter la stratégie que nous avons également validée ce dimanche. C’est une stratégie consensuelle autour de la réappropriation des droits du peuple corse.
D’où viennent ces militants, notamment les jeunes, qui composent désormais la ghjunta ?
Nous avons des militants qui ont fait leurs armes dans des organisations de jeunesse, lycéennes et étudiantes. Ils sont aussi notamment issus de Ghjuventù Libera qui est notre mouvement de jeunes. Ce sont des militants qui ont une expérience de terrain et aussi en tant qu’élus à l’assemblée de Corse ou dans des communes. Certains d’entre eux ont souffert de la répression et sont d’anciens prisonniers politiques. Je crois qu’ils sont assez représentatifs de ce qu’est aujourd’hui Corsica Libera avec cette volonté de redéploiement du parti et de renouvellement, tout en restant fidèle à cette ligne politique qui est celle de la souveraineté de la Corse, c’est-à-dire l’indépendance.
Aux Territoriales de juin 2021, Corsica Libera n'avait pas accédé au second tour. Comment le parti peut-il regagner la bataille des urnes ?
Il faut d’abord convaincre par la pédagogie et faire la démonstration que la proposition que nous formulons, celle de la pleine souveraineté pour la Corse et de la reconnaissance des droits du peuple corse, est un chemin qui est non seulement praticable mais aussi souhaitable pour le mieux être des Corses. Nous allons donc formuler et développer nos propositions en ce sens, puis nous allons aussi tacher de regagner une présence plus importante sur le terrain qui nous a peut-être à un moment donné fait défaut.
Aujourd'hui, le fait de restructurer ce mouvement autour d’une base politique qui est largement partagée doit nous permettre de relever ces défis. Certes, la situation de la Corse est préoccupante, avec la spéculation immobilière, avec une substitution démographique importante que ne connaît aucune région d’Europe, avec un peuple qui est nié dans ses droits. En même temps, nous croyons que les militants du mouvement national et ceux de Corsicva Libera en particulier ont les ressources nécessaires pour un sursaut vital.
En ces temps où beaucoup de gens se demandent comment remplir leur assiette ou faire le plein de leur voiture, comment retrouver l’adhésion des citoyens avec des questions politiques plus générales ?
Cela n’est pas contradictoire. Quand on parle de la citoyenneté corse, c’est-à-dire du fait de permettre aux Corses - qui deviennent aujourd’hui minoritaires sur leur terre - de pouvoir acheter ou conserver un bien immobilier ou tout simplement se loger, même en n’étant pas propriétaire, cela devient aujourd’hui compliqué, voire impossible dans certains endroits. Quand on parle à travers la citoyenneté corse de l’accès des Corses à l’emploi ; lorsque l’on parle de questions relatives à la fiscalité, à la justice sociale, à la transition énergétique, ce sont des questions qui sont extrêmement concrètes. Si l’on veut les traiter de façon appropriée, on doit les inscrire dans un projet politique global qui est un projet de souveraineté. Une pseudo-autonomie croupion, qui serait simplement le fait de concéder quelques transferts très limités à une assemblée locale, cela nous intéresse pas car nous savons par avance que cela ne permettra pas aux Corses de mieux vivre mais tout simplement de vivre sur leur terre pour les générations à venir.
Ce week-end, des maisons ont été incendiées à Ometo et Santa Maria di Lota. Des tags, dont le sigle FLNC, ont été découverts sur les murs de certaines d'entre elles. Quel est votre point de vue ?
Je ne vais pas m'exprimer sur des faits précis; En revanche, ce je peux vous dire à cette heure et y compris lors de ce congrès, c'est que Corsica Libera a voté une motion extrêmement claire de soutien politique et patriotique à tous les Corses qui luttent pour la réappropriation de leurs droits, et notamment aux militants du Front de Libération Nationale de la Corse. Nous pensons qu'aujourd'hui la situation est difficile pour notre peuple qui est menacé dans son existence, que Paris n'a eu aucune prise en compte ni du fait démocratique corse ces dernières années ni même du geste histoprique du FLNC de 2014 qui a été suivi d'autres actes par la suite. Aujourd'hui, nous portons cette solidarité et nous portons aussi cette solution pour que la Corse passe à une autre phase.
Aujourd'hui, on parle de processus historique, mais il n'y en a pas. On parle de discussions historiques, mais il n'y a pas de projets qui sont portés par les représentants de la Corse aujourd'hui. Nous, nous mettons sur la table les discussions et une philosophie : pour nous, ces discussions doivent s'ancrées autour de l résolution d'un conflit qui dure de puis 50 ans. Elles doivent garantir al présence pas d'une simple population sur la terre de Corse mais d'un peuple corse communauté de droit. Nous avons aussi dix points sur la table qui peuvent changer la vie des Corses. C'est ce que nous proposons au débat. C'est la philosophie de la motion d'orientation qui a été votée par Corsica Libera.
Le reportage réalisé ce dimanche à Corte :
Intervenants : Petr'Antò Tomasi
Équipe journalistes : S. Graziani - C. Giugliano