Fin de la remise sur l'essence : "Ristourne ou pas, j’ai toujours calculé"

Le passage à la nouvelle année a marqué la fin de la remise de l’État sur le prix du litre des carburants à la pompe. Après deux semaines, quels sont les premiers impacts chez les automobilistes et les pompistes ? Éléments de réponses dans la région ajaccienne.

Le litre de gasoil et de sans-plomb qui flirte avec les 2 euros. L’image avait quelque peu disparu des panneaux d’affichage des stations-service depuis le 1er avril 2022, date de l’entrée en vigueur de la première remise de l’État sur le prix du litre de carburant.

Depuis le 1er janvier dernier, la ristourne de 10 centimes d’euros par litre a pris fin. Idem dans les stations du groupe TotalEnergies et Vito qui appliquaient jusque-là une réduction supplémentaire de 10 centimes.

"Je n'avais plus fait le plein depuis le 31 décembre"

"C’est mon premier passage à la pompe cette année, c’est sûr qu'on le sent passer, glisse un quinquagénaire en train remplir le réservoir de sa voiture dans une station de Mezzavia, en périphérie d'Ajaccio. Je n’avais plus fait le plein depuis 31 décembre pour profiter du dernier jour de ristourne."

Un peu plus loin, une septuagénaire a les yeux rivés sur le compteur de sa pompe à gasoil. Concentrée, elle s’arrête pile sur 30 euros.

"Ristourne ou pas, j’ai toujours calculé, souligne cette retraitée de la fonction publique. Je ne fais le plein que très rarement. Et encore moins depuis la fin de la ristourne. Je fais environ 25 kilomètres par jour. On est obligé de faire attention."

"On limite nos déplacements, on essaie de les regrouper et on évite de faire des allers-retours pour rien", souligne ce trentenaire au volant de son utilitaire. "On monte aussi moins au village", regrette sa compagne, assise sur le siège passager.

Quant à ce motard, il avoue être indirectement concerné par la fin de la remise : "comme je bosse en télétravail, je prends peu ma moto et je fais donc peu d’essence. Cependant, je ne bénéficie plus de l’aide concernant les dépenses liées à l’énergie. Je gagne donc d’un côté mais je perds de l’autre…"

"Avec la grève, il y a la crainte d’un jeudi noir"

Sur la Rocade d’Ajaccio, certains pompistes indiquent qu’ils n’ont pour "l’instant pas constaté une baisse significative depuis deux semaines". "C’est encore trop tôt pour avoir du recul", glisse l’un d’eux.

Même constat pour le gérant de cette station Esso du centre-ville. "Il n’y a pas de différence notable pour l’instant. En revanche, il y a 8 mois, quand la remise a été instaurée, on avait vu une grosse différence. Là, on l’avait vraiment ressentie ; ensuite, ça s’était un peu équilibré."

À l’autre bout de la ville, la donne est un peu différente. Gérant de la station TotalEnergies du Parc Berthault, Olivier Fabiani observe quant à lui "un ralentissement depuis le tout début de l’année".

"Déjà, expose-t-il derrière son comptoir, beaucoup de gens sont venus faire le plein avant la fin de la ristourne, le 31 décembre. Jusqu’au 31, on a donc eu du monde. Ensuite, le 1er janvier, nous étions fermés. Et depuis le 2, c’est plus calme car les gens avaient prévu le coup. Ce qui est largement compréhensible avec, désormais, 20 centimes d’écart par litre."

Cependant, avec l'appel national à la mobilisation lancé par les syndicats pour le 19 janvier, Olivier Fabiani observe une activité un peu plus soutenue en cette fin de semaine.

"Avec la grève, il y a la crainte d’un jeudi noir, précise-t-il.  Les gens prennent les devants et ont peur qu’il y ait des blocages dans les dépôts pétroliers ; ils sont inquiets et font donc le plein. Depuis trois jours, on fait des litrages qu’on n’avait pas l’habitude de faire, surtout à cette période, après les fêtes, où c’est toujours un peu plus calme pour nous."

Frais de déplacement

Dans une île où près d'un cinquième de la population vit sous le seuil de pauvreté et où la voiture constitue souvent un outil de travail en lui-même, l’augmentation du prix des carburants préoccupe. Le coût de l'essence a également une incidence sur certaines catégories socio-professionnelles, notamment dans le secteur du bâtiment où les trajets font partie du quotidien.

"Je facture les frais de déplacement depuis que le prix des carburants a augmenté, confie cet artisan carreleur rencontré dans un garage ajaccien. Avant, les devis étaient valables deux mois, maintenant on les a ramenés à un mois à cause du prix des matières premières et de l’essence."

Du côté du garagiste, la fin de la ristourne n’a pour l’instant pas fait apparaître une baisse de l’activité potentiellement liée au fait que les gens prendraient moins leur voiture en raison des prix élevés à la pompe.

"Avec le Covid, les confinements et le télétravail, on a effectivement noté une baisse sur les changements de pneus car les gens ont moins roulé, explique-t-on à l’accueil du garage. Par rapport à l’augmentation des carburants, il faudra encore attendre avant d’en tirer les conséquences, même s’il n’est pas impossible que cela puisse peut-être avoir, à terme, une incidence sur notre activité."

Taxis hybrides ?

Chez les chauffeurs de taxis, on explique "ressentir l’impact de la fin de la ristourne" tout en soulignant que "cela est une composante du métier"

"Nos tarifs n’ont pas évolué depuis", précise Mathieu Taddei, président d’Ajaccio Radio Taxis qui n’exclut pas de passer à l’hybride ou au tout électrique d’ici quelques années.

"Je le ferai à la fois pour des raisons écologiques mais aussi pour des raisons financières, ajoute-t-il. À Ajaccio, une poignée de taxis ont déjà franchi le pas. On attend aussi de voir si avec les futurs travaux de la place du Diamant, notre station va être refaite avec des bornes pour recharger les voitures. Quand les structures seront adaptées, je pense que les taxis iront vers des véhicules rechargeables."

Une aide de 100 euros

Afin de compenser l'arrêt total des remises sur le prix du litre, l’État a annoncé la mise en place d'une indemnité carburant de 100 euros pour l'année 2023. Celle-ci concerne environ 10 millions de personnes en France, soit 50 % des ménages les plus modestes qui ont besoin de leur véhicule pour se rendre sur leur lieu de travail. Une situation que connaissent bien les automobilistes corses.

"C’est bien cette aide, confie l'un d'eux, mais ça n’a quand même pas le même impact qu’une ristourne à la station-service. Quand vous regardez le prix sur le compteur de la pompe, psychologiquement, la remise est plus forte. Surtout quand vous avez le pistolet de gasoil entre les mains et que vous voyez défiler les chiffres sur le tableau de la pompe. Et là, ils ont malheureusement recommencé à grimper avec la fin de cette ristourne." 

En tout, ces différentes remises auront coûté 8 milliards d'euros et fait économiser en moyenne 120 euros par personne.

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