Pape en Corse : entre excommunication et enlèvement, les relations houleuses entre Napoléon et Pie VII

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Le 15 décembre prochain, le pape François se rendra à Ajaccio, ville natale de Napoléon. L'occasion de s'intéresser aux relations mouvementées entre l'Empereur et Pie VII, marquées par des épisodes violents tels que l'enlèvement du pape en 1809.

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"C'est un fou furieux, qu'il faut enfermer." Ce 10 juin 1809, Napoléon vient d’apprendre son excommunication par le pape Pie VII. Dans une missive adressée à son beau-frère Murat, l’Empereur laisse éclater sa colère. Déjà houleux, les rapports entre l’État et le Saint-Siège semblent alors atteindre un paroxysme de tension.   

Deux siècles plus tard, la venue du pape dans la ville natale de Napoléon, le 15 décembre prochain, sonnerait presque comme un pied de nez à l'Histoire, tant les relations entre l’Église et l’Empereur n'ont cessé de s'envenimer durant le règne de ce dernier. 

Avec un point d’orgue aujourd'hui inimaginable : l’enlèvement du pape, commandité par Napoléon lui-même. L’opération se déroule dans la nuit du 5 au 6 juillet, moins d’un mois après la réception de la bulle papale excommuniant l’Empereur. Napoléon envoie une troupe à Rome pour s’emparer du souverain pontife. Pie VII restera trois ans prisonnier à Savone, avant d'être transféré à Fontainebleau.

"À cette époque, Napoléon rentre dans un conflit avec le reste de l’Europe, explique l’historien Antoine-Marie Graziani. Il a besoin de ports et notamment de ceux des états pontificaux, comme Ancône, et, au fur et à mesure de la confrontation, on va arriver à l’arrestation du pape."

Une décision militaire mais également politique. "Entre 1805 et 1809, il y a toute une série d’éléments qui fait monter la pression entre les deux camps, comme le refus de reconnaître Joseph Bonaparte comme roi de Naples, mais aussi le contexte de blocus continental. Sauf qu’un camp est plus fort que l'autre militairement." 

Concordat

Pourtant, tout avait bien commencé entre les deux hommes. En apparence du moins.  

"La première fois que Napoléon l’entend, il dit : j’entends un jacobin, relate Antoine-Marie Graziani. C’est-à-dire, quelqu’un avec qui on devrait pouvoir trouver un accord."

Cet accord, c’est le Concordat. Signé le 15 juillet 1801, le traité doit régir les rapports de l'État français et de l'Église catholique, après les violents antagonismes apparus pendant la période révolutionnaire qui avaient notamment conduit à l'arrestation de Pie VI, le prédécesseur de Pie VII. 

Mais l’Empereur ne respecte pas ses engagements. "Ce que Pie VII va signer ne correspond pas totalement à l’idée que Napoléon va développer du Concordat. On a fait croire au pape que cet accord marquait le retour de la religion catholique comme religion d’Etat en France. Or, au final, c’est une religion parmi d’autres."

Contre l’avis de la Curie romaine, Pie VII se rend au sacre de Napoléon dans l’espoir de le voir revenir sur sa politique gallicane. La scène qui se joue le 2 décembre 1804 dans la cathédrale de Notre-Dame de Paris est passée à la postérité sous le pinceau de David : l'Empereur reçoit l'onction sacrée du pape puis se couronne lui-même, avant de poser la couronne sur la tête de Joséphine. 

En mars 1814, après cinq années de captivité, Napoléon rend finalement sa liberté au souverain pontife. Ce dernier rentre à Rome, dans une atmosphère d’allégresse collective.

De cet affrontement entre les deux hommes, c’est le souverain pontife qui apparaît comme le vainqueur. "Au final, Napoléon disparaît et Pie VII reste pape jusqu’à sa mort", analyse Antoine-Marie Graziani. 

Car quelques mois plus tard, en avril, l’Empereur est déchu par le Sénat. Il est d'abord exilé à Elbe puis, en octobre 2015, à Sainte-Hélène. Alors que tout membre de la famille Bonaparte est devenu persona non grata en Europe, le pape Pie VII "passe un grand coup d'éponge" et accepte d’accueillir à Rome la mère de Napoléon et son frère Joseph. 

La visite pastorale du pape François à Ajaccio vient-elle, une nouvelle fois, boucler la boucle de ces relations tourmentées ? "Le pape François, comme Pie VII à l’époque, est quelqu’un de son temps, affirme Antoine-Marie Graziani. Il correspond à un monde qui n’est pas le nôtre, qui regarde les choses différemment. Ainsi, je crois que la polémique sur sa non-venue à Notre-Dame ne l'intéresse pas du tout. L’Ecclésia, c’est la communauté des chrétiens, ce n’est pas un bâtiment."

Et d’ajouter : "Ce qui l’intéresse, c’est la population corse parce qu’elle fait partie du peuple de dieu."

Le 15 décembre prochain, le pape François célébrera une messe au Casone. La statue de l’Empereur qui surplombe habituellement la place devra se faire plus discrète, au profit d’une croix. Pas sûr que Napoléon aurait apprécié d’être relégué, une fois encore, au second plan. 

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