Alta Rocca : une enquête publique émet un avis favorable à l'exploitation d'une carrière de granit à ciel ouvert

Une enquête publique a émis un avis favorable à l'exploitation d'une carrière de granit sur la commune de Fozzano, dans l'Alta Rocca. Et ce, malgré l'opposition d'une partie de la population locale.

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Les habitants de l'Alta Rocca, près de Loreto-di-Tallano, pourraient bientôt être les témoins d'un ballet quotidien de camions de 32 tonnes. Dans son rapport, une commissaire-enquêtrice désignée en 2017 par le tribunal administratif de Bastia a rendu un avis favorable à l'exploitation d'une carrière à ciel ouvert sur la commune de Fozzano, en Corse-du-Sud.

Depuis de nombreux mois, des acteurs locaux, des élus, des agriculteurs, des associations luttent contre l'implantation de cette carrière de roche massive de granit qui doit s'étendre sur 7 hectares et pour une durée de 30 ans. Chaque année, 200 000 tonnes de granit devraient être produites. Le site prévoit également des installations de concassage et de criblage.

"Contrairement à ce qu'a pu ressentir le public qui s'est exprimé, je ne constate pas de minimisation ou de négligence de sujets", écrit la commissaire. Elle donne ainsi raison à la Corse Prefa, une société spécialisée dans le béton localisée à Propriano et qui a sollicité la demande d'autorisation pour l'ouverture de la carrière.

Un tourisme du granit

Le gisement granitique répondrait à une demande en Corse-du-Sud : "Un comparatif actuel des prix appliqués entre le bassin de Porto-Vecchio, concurrentiel, et celui de Propriano, non-concurrentiel, montre que les prix sont plus bas de 40 % à Porto-Vecchio."

Une alternative originale et innovante pour découvrir la Corse

Conclusion et avis d'enquête publique.

Le rapport met également en avant la création d'emplois. Plus surprenant, l'avis évoque un possible "tourisme" lié à cette carrière, malgré un impact paysager "pas neutre" : "Je trouve très intéressante la proposition du maître d'ouvrage, si le projet aboutit, de valoriser la vue et plus largement la présence de la carrière. Cette proposition va sans doute surprendre, voire parfois choquer, mais je pense qu'elle peut offrir, pour le tourisme par exemple, une alternative originale et innovante pour découvrir la Corse."

Une partie de la population de l'Alta-Rocca se passerait bien de ce point de vue sur la carrière. D'autant que deux monuments classés (le couvent Saint-François et l'ancienne église Saint Jean-Baptiste) ont une visibilité sur le site : "Ce sujet a suscité de vives émotions auprès de la population." Une consultation auprès de l'Architecte des Bâtiments de France doit donner un avis sur l'impact paysager.

Des risques pour la santé ?

Lors de l'enquête publique, un autre point a été fréquemment abordé. Celui des conséquences sur la santé, le bruit et l'environnement. "Le pétitionnaire suit bien les recommandations et les exigences techniques formulées par les structures professionnelles" explique le document avant de préciser que L'ARS a donné un avis favorable non commenté. "Elle a estimé que les mesures prises pour la limitation de la dispersion des poussières étaient satisfaisantes."

Un adjoint au maire de la commune de Sainte-Lucie-Tallane, qui souhaite rester anonyme, doute : "Il va y avoir des tirs de mines. Nous sommes dans une vallée très ventée. C'est sûr que nous allons être exposés à des poussières toxiques."

Une enquête auprès de la population a eu lieu en ligne, sur les réseaux, en novembre dernier (par "prudence vis-à-vis du contexte sanitaire", la commissaire-enquêtrice a refusé d'organiser une réunion publique). Selon l'élu, 850 interventions "argumentées" sur 1 000 ont dénoncé le projet et ses possibles conséquences sur la santé.

"Je ne sais pas comment ils vont s'approvisionner en eau. La carrière doit être raccordée au réseau de Loretto-di-Tallano, mais tous les étés, des camions-citernes doivent approvisionner la commune à cause de la sécheresse. La situation n'est pas viable", ne décolère pas l'élu. D'autant que le rapport précise que la carrière viendrait "au moins doubler le besoin en eau potable de la commune".

Un avis favorable sous réserve

En conclusion de l'enquête publique, la commissaire-enquêtrice a donné un avis favorable à l'exploitation de la carrière. Mais sous trois réserves :

  • Réserve 1 : constituer dans les meilleurs délais, un comité d'information ou de consultation ou de suivi, associant les parties intéressées au projet, sans oublier les acteurs de l'Alta Rocca.
  • Réserve 2 : consulter l'Architecte des Bâtiments de France, au sujet des covisibilités depuis le couvent Saint-François et l'ancienne église Saint Jean-Baptiste, sur la commune de Sainte-Lucie-de-Tallano, afin qu'il soit en mesure de donner son avis sur le projet, ou de fournir des prescriptions complémentaires.
  • Réserve 3 : s'assurer de la prise en compte des réserves et observations restantes du Conseil national pour la protection de la nature (CNPN du 2 octobre 2019) et de la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM du 3 novembre 2020).

Un projet suspendu à une décision

"Cet avis, c'est une mascarade", soupire l'adjoint au maire : "Cette carrière est un danger pour la santé, les ressources en eau sont insuffisantes. On balance des arguments économiques au détriment du patrimoine. Il y a déjà deux carrières de granit à proximité, alors pourquoi en faire une troisième ? Des familles m'ont dit que si la carrière voyait le jour, elles partiraient."

Un collectif "Forza di Talla" s'est créé et lutte, depuis de nombreux mois contre l'exploitation de cette carrière. "On ne voudrait pas que dans 20 ans, nos enfants nous demandent pourquoi on ne s'est pas battu contre ce projet", ajoute l'adjoint, qui précise faire partie de l'opposition mais pas du collectif.

Après cette enquête, le préfet Pascal Lelarge s'est rendu sur les lieux, ce vendredi 26 mars. Après consultation avec les élus, il devra rendre son avis dans les prochains mois.

 

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