Le tribunal administratif de Bastia juge le PLU de Bonifacio illégal en totalité

Le tribunal administratif, saisi par l'association U Levante, déclare le plan local d'urbanisme de Bonifacio, approuvé en 2006 et modifié à plusieurs reprises en 2015, illégal en totalité. La municipalité de Bonifacio dispose de deux mois pour faire appel.

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La décision a été rendue ce jeudi 17 février. Le tribunal administratif de Bastia déclare le plan local d'urbanisme (PLU) de Bonifacio illégal en totalité. La juridiction de première instance était saisie par  l'association U Levante d'une demande d'annulation du refus du maire de Bonifacio de saisir le conseil municipal de la commune afin d’abroger le plan local d’urbanisme (PLU) approuvé en 2006 et modifié à plusieurs reprises jusqu’en 2015.

Demande d'annulation à laquelle le tribunal a donné raison, se fondant pour se faire "sur plusieurs dispositions de la loi Littoral et du plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC)".

En particulier, est-il indiqué dans le jugement, le tribunal administratif "a jugé que le classement en zones constructibles de plus de 1 000 hectares de terrains était déséquilibré, car permettant une augmentation potentielle de 60 % de la population de la commune de Bonifacio, alors que celle-ci n’a crû que de 11 % en 10 ans. Il a ainsi estimé qu’en ouvrant à l’urbanisation de vastes secteurs de la commune, le long du littoral et autour de hameaux à l’habitat limité et dispersé, les auteurs du PLU ont favorisé un mitage qui ne permet pas d’atteindre les objectifs de développement durable prescrits par la loi."

Une décision regrettée par la municipalité

La municipalité de Bonifacio dispose, si elle le souhaite, d'un délai de deux mois pour faire appel de cette décision. Cette dernière indique justement dans un communiqué paru ce jour prendre acte de cette décision, à laquelle elle tient toutefois "à apporter quelques précisions".

"Tout d’abord, nous rappelons que le PLU de Bonifacio a été adopté en 2006 sous une précédente mandature, et que le maire actuel, alors conseiller municipal d’opposition, avait voté contre son approbation. Pour autant et depuis son accession aux responsabilités en mars 2008, la municipalité demeure contrainte d’appliquer le PLU en vigueur. Et ce d’autant plus que, attaqué en 2006 dans son intégralité par les associations de défense de l’environnement, la grande majorité du PLU avait été successivement validée par le Tribunal Administratif, la Cour Administrative d’Appel puis le Conseil d’État le 9 décembre 2011", relate les services municipaux.

"En 2008, soutenue alors par les associations de défense de l’environnement, la municipalité prévoyait d’étendre la constructibilité notamment dans la campagne bonifacienne. Cet objectif politique constant s’est heurté depuis à l’enchevêtrement des lois et règlements qui ont impacté la procédure de révision générale du document d’urbanisme, certes imparfait mais qui avait le mérite d’exister."

Or, avec le jugement tombé ce 17 février du tribunal administratif de Bastia "plus aucun espoir de construire dans la campagne bonifacienne n’est permis", regrette la municipalité, qui insiste sur les conséquences "potentiellement catastrophiques" pour la population bonifacienne "de revenir au Règlement National d’Urbanisme, autrement dit à l’injustice et à l’anarchie en matière d’aménagement."

"En dévoyant leur combat contre la spéculation, ceux qui ont demandé et obtenu l’annulation du PLU privent, dès aujourd’hui, les familles bonifaciennes de construire leur résidence principale sur leur propre terrain."

La mairie de Bonifacio promet désormais de s'exprimer prochainement "sur les suites à donner à cette décision. Une réunion publique sur ce sujet se tiendra le vendredi 18 mars à 18h à l’espace Saint-Jacques."

"Un modèle de développement communal complètement disproportionné"

Du côté de l'association U Levante, l'heure est au contraire aux félicitations. Dans deux communiqués parus ce jour, celle-ci se félicite de cette décision. "18 mois après, le Tribunal administratif reconnaît la légitimité de nos revendications : la commune de Bunifaziu a choisi en 2006 un modèle de développement communal complètement disproportionné, basé sur la consommation et l’exploitation à outrance de ses sites, parmi les plus beaux de Corse."

"Ce modèle a été appliqué consciencieusement par les municipalités suivantes élues en 2008 et 2014.  Nous ne comptons plus les nombres de fois où les associations, seules, ont dénoncé et déféré au TA les atteintes régulières et continues portées à l’environnement du sud de l’île."

"Le maire, l'adjoint en charge de l'urbanisme, et tous les services de l'Etat" avaient connaissance de l'illégalité de ce PLU "depuis 2006, année de son adoption", assurent ses membres. "Le Conseil municipal a eu 15 ans pour l'abroger...mais ne l'a pas fait."

"Mis en chantier en 2013, le projet d’un nouveau PLU [pour la commune de Bonifacio] n’a pas abouti, rappelle U Levante. Fort heureusement, l’association ABCDE avait déféré une partie de ce PLU et obtenu l’annulation en 2010 de plusieurs zonages littoraux. Ce PLU illégal d’ouest en est et du nord au sud n’a pas non plus été mis en compatibilité avec le PADDUC (elle aurait dû être effective fin 2018). Son application pendant 15 ans a pour conséquence un mitage extrêmement important du territoire bonifacien, la perte d’espaces stratégiques agricoles, le saccage de paysages exceptionnels, l’inaccessibilité à de grandes portions du domaine public maritime occupé par des résidences secondaires luxueuses les pieds dans l’eau."

L'association environnementale abonde plusieurs chiffres : en six ans, sur la période 2013 à 2019, 854 logements ont été autorisés à la construction sur la commune de Bonifacio. En parallèle, la commune n'a gagné que 231 habitants permanents, constate U Levante, qui s'appuie sur une récente étude Insee. On enregistre donc "6 à 7 fois plus" de constructions "que les besoins de la population locale, dans une commune où il y avait déjà plus de résidences secondaires que de résidences principales."

En conséquence, conclut l'association, "le conseil municipal doit donc être saisi et le PLU actuel doit être abrogé. En attendant qu’un nouveau PLU compatible avec les lois de l’urbanisme et le Padduc soit élaboré, la commune sera soumise au Règlement national d’Urbanisme (RNU)."

U Levante se montre dans tous les cas catégorique : "Le tribunal nous a donné raison et nous continuerons, même seuls, sans l'appui des élus corses, à protéger ce que nous pourrons protéger."

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