Une centaine de personnes s’est rassemblée, ce dimanche 14 avril, à Quasquara, à l’appel de la Ghjuventù Indipendentista. L’objectif : soutenir le maire, sous le coup d’un recours devant le tribunal administratif pour avoir érigé une croix à l’entrée du village. L’affaire, qui a notamment été largement relayée par les politiques, a également alimenté les réseaux sociaux.
Ils sont une petite centaine, ce dimanche 14 avril, à s’être rassemblés devant la désormais fameuse croix de Quasquara, à l’appel de la Ghjuventù Indipendentista.
Habitants du village, de la région ajaccienne, et même un groupe de motards, venus de toute l’île ; tous veulent, par ce rassemblement, afficher leur soutien au maire de la commune de l’Ornano, Paul-Antoine Bertolozzi, sous le coup d’un recours devant le tribunal administratif. Une habitante demande en effet le retrait d’une croix, édifiée à l’entrée du village.
"Pour nous, c’est contester l’incontestable. Alors notre place est là, soutient Jeannine, venue d’Ajaccio. Par notre présence, nous formulons notre refus d’ôter cette croix. Nous ne renoncerons pas." L’ensemble du petit groupe acquiesce. "C’est une atteinte à notre culture, abonde Patricia. Dans chaque village de Corse, il y a toujours eu un calvaire."
Symbole
Déployant une banderole et des bandere à leurs côtés, les membres de la Ghjuventù Indipendentista ne disent pas autre chose : "Retirer une croix catholique est bien plus qu’un geste physique, c’est effacer un symbole profondément enraciné dans notre histoire."
S’ils ont organisé cette conférence de presse au pied de la croix, c’est pour marquer leur détermination. "Nous veillerons à ce qu’aucun recours ne soit adopté et s’il venait à l’être, nous saurions nous mobiliser en conséquence", préviennent-ils.
Présent lui aussi, le maire de Quasquara tente néanmoins l’apaisement : "Aujourd’hui, cette croix de la discorde doit devenir celle de la concorde."
Mais la concorde, dans cette histoire, semble pour l’heure un vœu pieux. Depuis quelque temps, l’affaire a quelque peu embrasé la toile. De nombreux commentaires, souvent injurieux, ont fleuri sur les réseaux sociaux.
Principe de laïcité
À Quasquara, tout a commencé en 2022, lorsque l’édile décide de faire édifier une croix à l’entrée de la commune.
« L’ancien calvaire qui avait été cassé, se trouvait, selon les anciens, à un autre endroit, mais il s'est avéré que le meilleur emplacement pour le repositionner était l’entrée du village, où il a donc été érigé », détaille le maire.
Sur ce point, les avis divergent : certains habitants font état de l’existence d’une croix, pour d’autres, il n’y en a jamais eu.
Une fois l’inauguration faite, l’édile reçoit, en janvier 2023, une lettre d’une administrée demandant "le retrait de la croix, au nom du principe de laïcité". Pour Paul-Antoine Bertolozzi, pas question d’accéder à cette requête. "Je lui ai répondu qu’elle était la seule à s’en plaindre et que le calvaire était là et y resterait".
Conséquence : l’habitante saisit le tribunal administratif en avril 2023.
Emballement médiatique
Quelques mois et une médiation plus tard, la situation reste bloquée. Aucune date d’audience devant la justice n’est fixée, mais médias et politiques s’emparent de l’affaire.
"Je vois que ça a pris une certaine ampleur, se désole l’édile, je voulais remercier toutes les personnes qui se sont manifestées, moi aujourd’hui, j’attends sagement l'audience. Ce que je voudrais, c'est qu'on gagne pour que tout le monde soit tranquille, parce que la démarche de cette personne risque de faire jurisprudence et elle pourra s'appliquer à tous les villages. Mon combat aujourd'hui, c'est celui-là."
S’il est débouté par le tribunal administratif, le maire l’affirme : il ira jusqu’au Conseil d’Etat.
Un combat qui ne semble pas partagé par l’ensemble des habitants du village, qui n’étaient pas tous présents au rassemblement. D’autre part, l’édile semble contesté. En témoigne un tag reprenant les initiales du maire, retrouvé sur le panneau marquant l’entrée du village.
"Il faut la paix dans un village"
De son côté, l’habitante à l'origine de l'affaire ne souhaite plus s’exprimer publiquement. Sollicitée par nos soins, elle a toutefois confié qu’elle "regrettait l’ampleur prise par cette histoire".
Et elle n’est pas la seule. Si les Quasquaresi rencontrés ce dimanche semblent majoritairement favorables au maintien de la croix, ils n’en déplorent pas moins la polémique qui agite ce village de quarante âmes.
"Je trouve ça ridicule, on n’est plus au moment de la guerre des religions. Il faut la paix dans un village", soutient Louise, qui réside à l’année à Quasquara.
"Ça ne devrait pas exister, ce sont des polémiques qui n’ont pas lieu d’être, comme on en voit souvent au niveau national, renchérit Jean, qui vit non loin de la croix. Dans toutes les communautés, il y a des histoires entre les gens. L’une entraîne l’autre, c’est ainsi."
Prétexte ?
D’autres voix s’élèvent encore, n’hésitant pas à renvoyer dos à dos les deux protagonistes. En effet, l’inimitié entre le maire et son administrée, candidate sur une liste concurrente aux municipales de 2014, ne serait pas nouvelle.
Ces dernières années, les anicroches se seraient multipliées, allant chaque fois crescendo. "Elle a demandé l’arrêt des cloches, il les a fait sonner plus fort encore", résume un habitant qui ne s'est pas rendu au rassemblement.
Un conflit qui s’amplifie, pour venir aujourd’hui se cristalliser autour de la présence de la croix. "Mais ce n’est qu’un prétexte", affirme la même personne.
"Récupération politique"
Las de voir leur village au cœur d’un déchaînement sur les réseaux sociaux, d’autres encore "regrettent" amèrement la "récupération politique" dont l’épisode fait l’objet.
De la droite aux nationalistes en passant par les soutiens de la majorité présidentielle jusqu’à Palatinu, l’ensemble de la classe politique insulaire a largement pris position en faveur du maintien de la croix de Quasquara. Le parti de la majorité territoriale s’est également fendu d’un tweet, même s'il ne fait pas référence nommément à Quasquara.
A piazza particulare di u nostru patrimoniu storicu è culturale cristianu ùn hè mai stata un prublema in u nostru Paese.
— Femu a Corsica (@Partitu_FemuAC) April 12, 2024
A Corsica, terra di libertà relighjosa dapoi Paoli, intratene rilazione appaciate incù e so tradizione sacre.
È cusì sia !
Reste que pour une partie des habitants, l’affaire relèverait davantage de la querelle de clocher que d’un combat opposant religion et laïcité...