Les échanges ont été vifs, hier, autour de la prochaine DSP entre la Corse et le continent. Une DSP de 7 ans qui, selon l'opposition, enterre le projet de compagnie régionale envisagé jusque-là.
"Manque d'audace", "absence de vision stratégique", "esprit de boutiquier", "manque d'énergie politique"... Hier, face à une opposition qui n'était pas là pour faire de la figuration, l'exécutif a eu fort à faire pour défendre son rapport sur la délégation de service public 2023 - 2029, qui a réparti les cinq lignes de la DSP entre la Corsica Linea et la Méridionale (la Corsica Ferries a décidé, en juillet dernier, de ne pas répondre à l'appel d'offres).
Parmi les griefs, "le caractère hâtif des délibérations" mis en avant par Jean-Martin Mondolini. "Nous sommes à quelques heures du dépôt en préfecture de cette délibération, qui doit pouvoir assurer la desserte maritime de la Corse dès le 1er janvier prochain... Ca en dit long".
Offensive
Les trois heures de débats, souvent tendus, l'ont prouvé : pour l'opposition, de droite comme nationaliste, le sujet de la délégation de service public (près d'1 milliard d'euros, le plus gros contrat de la Collectivité) méritait mieux ce que l'exécutif lui promet pour les sept prochaines années.
Une offensive qui a irrité de manière visible Gilles Simeoni. Le président de l'exécutif n'a pas pour autant dévié d'un pouce, estimant que "les engagements ont été respectés".
Le groupe Un Soffiu Novu, par la voix de Jean-Martin Mondoloni, s'est inquiété de possibles largesses concernant la maîtrise des coûts, et a souligné l'augmentation des compensations annuelles, qui pourraient signifier "une augmentation pour les usagers, et les transporteurs, de 15 % des tarifs, ce qui n'est pas rien".
Le groupe de droite a également voulu insister sur la supposée fragilité de la sécurité juridique de cette DSP : "n'importe quel tiers est en droit d'attaquer cette DSP, aussi bien en droit interne qu'en droit européen. Elle est fragile, malgré des efforts louables pour essayer de la sécuriser. Et cela pourrait fragiliser la structure financière de cette maison".
Un rapport préhistorique.
Jean-Christophe Angelini
Du côté du groupe Avanzemu et de Jean-Christophe Angelini, ce rapport est "un rapport intrinsèquement cohérent, techniquement juste, mais qui, politiquement, n'a ni le souffle, ni l'énergie, ni la vision que la Corse est en droit d'attendre". Le propos est sans concession, et pointe l'immobilisme supposé des alliés d'hier, jusqu'à qualifier cette DSP de "préhistorique", soulevant l'indignation de l'exécutif.
l'indépendantiste Josepha Giacommetti-Piredda, non alignée, est sur la même ligne lorsqu'elle estime que l'exécutif a fait "le choix de s'en tenir à la dépendance".
Compagnie régionale
Il faut dire que la question de la compagnie régionale a plané sur la totalité des débats. Une compagnie régionale votée par l'Assemblée en 2020, qui vient d'être "enterrée en première classe" pour Jean-Martin Mondoloni, ou en tout cas "congelée" pour Paul Quastana, de Core in Fronte.
Le leader du groupe indépendantiste, Paul-Felix Benedetti, très remonté et vindicatif sur une question dont il a fait l'un de ses chevaux de bataille, a disséqué le rapport, pointant les faiblesses supposées de ce dernier, sur la question des monopoles, de l'ancrage à Marseille, de la vision à long terme, mais également de la durée de la DSP, trop longue à son goût (sept ans).
Travailler à une gestion publique plus maîtrisée.
Flora Mattei
La présidente de l'Office des transports, Flora Mattei, qui a défendu le rapport dans l'hémicycle, a pour sa part argué d'un besoin de temps pour "continuer de discuter avec l'Europe", afin de "mieux faire comprendre nos spécificités insulaires, et de travailler à une gestion publique plus maîtrisée".
La DSP qui débute "permettra de tester nos opérateurs, avec les contrôles renforcés des clés de répartition sur l'offre publique et commerciale", avant, "in fine", précise-t-elle, d'envisager "des mécanismes de rachat de l'outil".
Manière de faire comprendre que le projet de compagnie régionale n'est pas abandonné ? Il n'est pas dit que cela suffise à convaincre l'opposition.