Avec le réchauffement climatique, la ressource en eau diminue de manière drastique en Méditerranée. Une des solutions : traiter les eaux usées pour les potabiliser ou les recycler. La France est à la traine en la matière. Un colloque intitulé ReUse autour de la réutilisation des eaux usées était organisé ce mardi 13 juin à Bonifacio. Il a réuni organisations, experts et personnalités politiques.
Bonifacio, commune de 3.000 habitants, peut accueillir jusqu'à deux millions de touristes par an. Dans ces conditions, elle doit relever un défi de taille, à l'instar d'autres villes de Méditerranée : préserver l'eau.
La commune organisait, ce mardi 13 juin, un colloque intitulé "ReUse, les rencontres de Bonifacio" où experts, organisations méditerranéennes et personnalités du monde politique s'étaient donné rendez-vous pour tirer les enseignements de ceux qui réutilisent déjà l'eau et qui ont mis en œuvre des bonnes pratiques afin d'économiser cette ressource précieuse.
Un programme d'expérimentation
C'est d'ailleurs le cas de Bonifacio, qui a intégré un programme d'expérimentation en 2018. Prévu pour 5 ans, il permet à la municipalité de réutiliser un tiers de ses eaux usées. Elles sont acheminées vers le Golf de Sperone, un parcours sportif de 80 hectares, grâce à une canalisation de 6 kilomètres. Au total, 100.000 m3 par an sont réutilisées.
Le maire, Jean-Charles Orsucci, ne compte pas s'arrêter là : "L'objectif est clair : zéro rejet dans le goulet de Bonifacio".
Bonifacio produit 240.000 m3 d’eaux usées par an. Celles-ci pourraient être redistribuées. Les projets ne manquent pas dans un extrême sud en tension au niveau hydrique : "Laver des ruelles, irriguer des champs, arroser les arbres de nos communes, utiliser les eaux usées partout où c'est possible : c'est ça le défi à relever", complète-t-il.
En France moins de 1% des eaux usées réutilisées
Le taux de réutilisation estimé des eaux usées en France est inférieur à 1%. Il est de 2,4% en moyenne en Europe, 9% en Italie et 13% en Espagne. Israël reste le pays champion du recyclage avec 90 % des eaux usées réutilisées.
Ces taux très faibles s'expliquent : les réglementations nationales et européennes sont très contraignantes lorsqu'il s'agit de réutiliser les eaux usées, selon les experts, politiques, et organisations présents : "Il va falloir être pragmatique, comme Israël" martèle Frederic Bianchi, président de Terra Eretz Corsica Israël.
Lui qui s'est rendu dans ce pays pour y étudier la gestion de l'eau n'en démord pas : " C'est l'organisation politique d'Israël qui lui a permis de s'organiser et trouver des solutions adaptées... Les normes ont été assouplies. On demande aux élus locaux de trouver des solutions donc il faut que les réglementations leur permettent de répondre aux besoins en eau de leurs territoires".
Inspirations européennes
Pour nourrir la réflexion, de nombreux invités d'autres régions européennes participaient à l'échange, comme Philippe Rougé, responsable de la stratégie d'exploitation des usines de traitement d'eau - AGBAR qui appartiennent au Groupe Veolia.
Il témoigne de son expérience dans le secteur de Barcelone : "Les eaux usées sont traitées et réinjectées dans les rivières. On régénère la rivière. Car les rivières garantissent l'approvisionnement en eau des foyers. Aujourd'hui 30% de notre eau potabilisée provient de la station d'épuration, c'est-à-dire que nous utilisons de l'eau régénérée".
Contexte politique favorable
Ces idées et pratiques innovantes pourraient trouver un écho favorable en Mediterrannée. Le 26 juin prochain, le règlement européen sur la réutilisation des eaux usées traitées pour l’irrigation agricole, verra le jour et lèvera certains verrous administratifs.
Par ailleurs, le 30 mars 2023 dernier, le Président de la République Emmanuel Macron présentait son "plan eau". Il a annoncé que taux de réutilisation devra passer à 10 % d'ici à 2030.