Jacques Baranovsky est décédé le 7 juin 2020, tué par balles à Ajaccio. Agent de la municipalité, sans antécédants judiciaires, l'homme n'était pas la vraie cible des tueurs. Une victime "par méprise", et un deuil douloureux pour sa famille qui attend toujours que justice soit rendue.
Presque un an après les faits, Marie-Thérèse Baranovsky essaie toujours de comprendre ce qu'il s'est passé, le 7 juin 2020. Ce soir-là, son fils, Jacques Baranovsky, est assassiné par balles alors qu'il se trouvait sur la terasse de l'Aktuel, une brasserie d'Ajaccio.
La scène se déroule en l'espace de quelques minutes : aux environs de 22h15, un motard casqué surgit, armé d'un calibre 11:43, et tire plusieurs coups. Deux hommes sont touchés : l'un d'eux, âgé d'une trentaine d'années, est blessé au bras. Le second, Jacques Baranovsky, souffre de plaies plus sérieuses. Il décède peu après l'arrivée des secours.
Un blouson identique à celui de la véritable cible
Comment expliquer l'attaque de cet employé de mairie inconnu des services de police et de justice ? L'homme aurait, selon toute vraisemblance, été tué par erreur. Une tragique méprise qui prendrait racine dans la tenue du fonctionnaire municipal, alors vêtu d'un manteau noir identique à celui de la personne visée.
"Il portait le même blouson, mais que qui, là est la question, soupire Marie-Thérèse Baranovsky. Je ne sais pas comment expliquer tout ça. On n'a plus de larmes, plus rien. On est confrontés à ça, obligés de vivre avec, et sans lui."
Pour les enquêteurs, la cible réelle du tueur aurait été la personne assise, cette nuit-là, aux côtés de Jacques Baranovsky, ou le gérant de l'établissement. Quant au mobile, il s'agirait d'un différend au sein d'une bande de malfaiteurs, connue pour des affaires de racket. À ce jour, aucune personne n'a été mise en examen dans ce meurtre.
Mais l'assassinat d'Alexandre Giacopelli, dix jours plus tard, le 18 juin, alors qu'il était assis à la terrasse de l'Insolite, cours Grandval à Ajaccio serait une riposte à cette méprise. C'est en tout cas la piste vers laquelle penche les enquêteurs de la Juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Marseille, en charge de l'enquête
Un homme sans histoires
Si certains points restent encore flous, pour Me Valérie Bozzi, avocate de la famille Baranovsky, "les avancées qui ont été retranscrites dans la presse nous permettent d’espérer une issue positive, ou en tout cas favorable pour la partie civile qui pourrait avoir des réponses à ses questions. En tout état de cause, ce qui est certain pour nous, c’est qu’il y a eu méprise, et que monsieur Baranovsky était un homme sans histoires."
Marie-Thérèse Baranovsky n'attend elle aujourd'hui qu'une seule chose : que justice soit rendue. "C'est à la justice de faire son travail, ce n'est pas à nous. Nous, on est là, on n'a jamais fait de mal à personne. Et on continuera à faire en sorte d'aller dans ce sens." Pour faire en sorte, notamment, que son petit-fils, endeuillé d'un père, grandisse "sans haine, et sans vengeance".
Victime par erreur du crime organisé
Jacques Baranovsky n'est pas la seule victime "par méprise" enregistrée au cours des dernières années.
Le 23 août 2018, Jean Livrelli, garagiste à la retraite, est abattu à bord de son 4x4, à Bastelica. Le sexagénaire se rendait alors à une partie de chasse. La véritable cible : un autre habitant du village, commerçant influent défavorablement connu de la police, et propriétaire d'un véhicule similaire à celui de la victime.
Le mobile établi est celui d'une opposition de bande pour la prise de contrôle de la chambre de commerce départementale.
Le 8 avril 2012, Jean-Pierre Rossi, 56 ans, restaurateur ajaccien, décède à la suite de l'explosition d'une bombe, placée dans une poubelle à l'angle des rues Général-Fiorella et Maréchal-Ornano, à quelques dizaines de mètres à peine du commissariat. Les enquêteurs conviennent rapidement d'une erreur de personne visée. Le commerçant en face de son établissement était celui que les tueurs voulaient exécuter, pour des affaires de rivalités dans des trafics divers
Les mobiles des crimes ne sont pas les mêmes - opposition de bande pour la prise de contrôle de la chambre de commerce départementale dans l'affaire Jean Livrelli, rivalités dans des trafis divers pour Jean-Pierre Rossi -. Jacques Baranovsky, Jean Livrelli et Jean-Pierre Rossi n'avaient pas les mêmes âges, ni les mêmes métiers. Mais leurs proches partagent tous le même deuil : celui d'une vie emportée trop tôt, par les faits d'une erreur du crime organisé.