Corse : on vous en dit plus sur le projet de loi qui a perturbé le fonctionnement des crèches

Ce mardi 30 mars, à Bastia, Ajaccio, et dans toute la France, les professionnels de la petite enfance manifestaient leur opposition contre un projet de loi sensé faciliter l'accès aux crèches au plus grand nombre. Nous avons voulu savoir ce qui suscitait leur colère. Explications.

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"C'est un travail qui demande beaucoup, beaucoup de mobilisation et d'énergie. Il faut être au plus près des enfants, dans la bienveillance et la bientraitance. Et aujourd'hui, on s'apprête à nous enlever les moyens de pouvoir exercer notre métier de cette façon..."

Odette Leca est directrice d'un centre multi-accueil municipal à Ajaccio. Elle gère, depuis des années, les effectifs qui ont pour tâche de s'occuper des tout-petits. Et c'est peu de dire que le projet de loi Taquet ne la satisfait pas. Comme il ne satisfait pas l'immense majorité des professionnelles et des professionnels de la petite enfance, à travers le pays.

Non à la loi Taquet

Autour d'elle, ce mardi 30 mars, devant la préfecture d'Ajaccio, il y a foule. En tenue de ville ou en blouse d'auxiliaire de puériculture, certaines de ses collègues tentent de convaincre les CRS en faction de les laisser accrocher leurs banderoles. Sur l'une d'elles, "Nous ne sommes pas des sardines", suivi du mot d'ordre national, "Pas de bébés à la consigne !"

Pas de bébé à la consigne !, c'est aussi le nom du collectif qui mène le combat depuis déjà plusieurs semaines. Ce 30 mars, des rassemblements comme celui d'Ajaccio se tiennent dans une trentaine de villes de France.

On nous enlève les moyens de faire correctement notre métier.

Odette Leca

Un peu plus tôt, c'est à Bastia, devant la préfecture de Haute-Corse, que les professionnelles et les professionnels de la petite enfance s'étaient réunis. La CGT, CFDT, FSU, FO, SUD et le SNPPE (Syndicat national des professionnels de la petite enfance) ont appelé à soutenir le mouvement.

Sous-effectifs

Odette Leca, à Ajaccio, nous résume les griefs de la profession contre le projet de loi : "On nous propose de réduire les effectifs encadrants, de diminuer les espaces pour les enfants, et on veut augmenter le personnel non diplômé, et le personnel sans expérience." 

"Les exemples ne manquent pas..., complète un collègue venu d'une crèche du centre-ville. Actuellement, le ratio est d'un professionnel pour donner à manger à 5 bébés. Et déjà, quand on arrive au quatrième, puis au cinquième, c'est de plus en plus difficile. Et maintenant on nous demande de passer à 6 bébés... Si vous êtes les parents du sixième, croyez-moi, vous avez le droit de ne pas être très contents !"

Que dit le projet de loi ?

Nous avons voulu comprendre ce qui pouvait autant inquiéter la profession dans un projet de loi dont la feuille de route, présentée par Adrien Taquet en novembre dernier, semblait pourtant prometteuse. Le secrétaire d'Etat déclarait alors :

"Parce qu’elles sont nombreuses, complexes et mal coordonnées, les règles qui s’appliquent aux modes d’accueil du jeune enfant découragent les professionnels et, en n’offrant ni lisibilité, ni garantie homogène de qualité d’accueil, ne rassurent pas les parents. L’heure est venue de nous donner des règles claires, comprises et acceptées par tous, et qui garantiront : aux enfants, d’être accueillis dans les conditions les plus propices à leur bon développement ; aux parents, de se voir proposer des solutions adaptées à leurs attentes ; et aux professionnels, des modalités d’exercice plus respectueuses du rôle essentiel qui est le leur."

1- Plus de places en crèche

Dans les faits, la loi devrait effectivement simplifier la vie des parents. Les places en crèche devraient augmenter, tout comme celles en microcrèche, qui pourront accueillir 12 enfants au lieu de 10. Quand on connaît la difficulté, aujourd'hui, en Corse comme ailleurs, pour parvenir à obtenir une place, c'est une bonne nouvelle. Le projet, plus largement, a pour but de permettre l'accueil de davantage de profils, et en plus grand nombre... 

Des avancées qui, lors de cette annonce, ont été saluées par les syndicats. Mais à quel prix, et avec quels moyens ? 

2 - Un service dégradé

Pour accueillir plus de monde, il va falloir que les établissements s'adaptent. Et c'est là que les dents commencent à grincer. De nouvelles mesures ont été mises sur la table :

  • Un professionnel pour six enfants au lieu de cinq, avec la possibilité d'intégrer les apprentis, qui sont donc en formation, dans ce taux.
  • La réduction de la surface intérieure minimale pour chaque enfant (de 7 mètres carrés à 5,5 mètres carrés).
  • L'autorisation pour un seul professionnel d'accueillir trois enfants tôt le matin, alors que jusqu'ici, il fallait être deux, même pour un seul bébé.
  • Un accueil en surnombre de 115 % autorisé.
  • Une direction sans expérience autorisée pour les crèches de moins de 40 places.

L'équation est donc claire, pour le mouvement Pas de bébé à la consigne !.
Sans l'attribution de véritables moyens, pas question de dire oui à la réforme protée par Adrien Taquet. Les professionnels de la petite enfance l'assurent, ils resteront mobilisés le temps qu'il faudra. 

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