Cet été en Corse, la polémique sur la place à réserver aux paillotes sur le bord de mer a de nouveau rebondi. Au-delà, c’est la question de savoir quelles activités économiques tolérer en bord de mer et plus particulièrement sur le domaine public maritime, qui se pose. (Re)voir l'émission.
L'accès au domaine public maritime (DPM) doit être libre et gratuit pour tous, il est limité par la plus haute mer.
Il existe des possibilités pour exploiter le DPM même si beaucoup de professionnels ont reçu cette année un courrier leur indiquant que c’est la dernière saison pour laquelle ils y seront autorisés. En cause l’application de textes – quelques fois anciens - par l’Etat, un revirement clair dans la politique menée jusqu’alors.
L’Etat délivre les fameuses AOT, autorisations d’occupation temporaire pour les paillotes, transats, clubs nautiques ou toute autre installation légère qui se situent sur le DPM.
En Corse cette année sur les 431 demandes effectuées 77 ont fait l’objet d’un refus. 30% des refus ont eu lieu en Corse-du-Sud, 5 % seulement en Haute-Corse.
Loi littoral, décret plage et Padduc
Les lois et règlements sont très précis, assez restrictifs pour protéger ces espaces naturels et assurer leur caractère public : loi littoral, décret plage et en Corse le PADDUC voté en 2015 par l’Assemblée de Corse fixent le cadre.Le Plan d’aménagement durable de la Corse vient préciser les modalités d’application de la loi littoral en vigueur depuis 1986. Le PADDUC dans son schéma de mise en valeur de la mer classe les plages corses en 4 catégories et définit le type d’activité qu’on peut y pratiquer.
Vient ensuite le décret plage - qui a plus de dix ans - que l’Etat semble avoir décidé d’appliquer. Il vise à laisser 80% d’une plage naturelle libre pour en exploiter 20% seulement.
C’est la cause des démolitions d’établissements qui ont eu lieu dernièrement sur la Côte d’Azur et qui concerneront bientôt la Corse en Balagne et à Ajaccio notamment.
A Calvi, les 17 exploitants de paillote sont censés démolir leurs établissements avant le 31 octobre. Ils s'y sont engagés l'an dernier, au terme de longues discussions, dans le cadre d'un protocole conclu avec l'Etat. Seules des structures démontables pourront espérer bénéficier à nouveau d'une autorisation.
Il leur faut une AOT mais aussi un permis de construire. C’est souvent cette deuxième autorisation qui fait défaut, dans un diagnostic demandé par la Collectivité de Corse (CDC) à l’Etat cette problématique est soulevée.
Dans les Espaces Remarquables (ERC) le principe qui prévaut est celui de l’inconstructibilité, hors plus de 70% des plages de Corse-du-Sud se situent en ERC. Une vraie problématique qui peut être contournée par la modification des Plans Locaux d’Urbanisme (PLU) mais qui n’est pas chose facile.
A partir de ce diagnostic la CDC réfléchit à la position à adopter en tenant compte de l’existant entre une application rigoureuse et un traitement au cas par cas.
Les concessions comme solution ?
Les plages de Calvi et d’Ile-Rousse étaient gérées en concession, l’Etat concède à la commune le DPM, qui organise les activités. L’avantage une visibilité plus longue que les AOT annuelles et des recettes dans les caisses de la commune pour l’occupation du DPM.Mais un casse-tête aussi pour les maires qui devront dire non à certaines demandes. Pas sûr qu’ils soient tentés par l’aventure y compris pour les plus autonomistes. L’intercommunalité pourrait aussi prendre cette compétence.
Très rares sont les demandes en ce sens pour l’heure.
Libre accès à la mer
Autre problématique assurer un libre accès à la plage. Libre et gratuit. On voit fleurir des panneaux "plage privée" et des accès entravés quand on n'est pas contraints de stationner sur des parkings privés aux tarifs exorbitants.Des solutions existent pour les maires à travers la préemption et la réalisation de parkings et de passages à pied réguliers, elles sont très rarement mises en œuvre.
Et les abus en termes d’occupation du domaine public sont récurrents et peuvent être sanctionnés par des contraventions de grande voirie dressées par la DDTM. Le service ne compte que deux agents verbalisateurs sur le terrain. Pour toute la Haute-Corse.
Tout cela était au cœur des débats de l'émission Sucietà enregistrée à Cargèse sur la plage de Peru, avec quatre invités :
- André D’Oriano, membre de l’UMHI, Union des métiers et des industries hôtelières de HauteCorse en charge du littoral, exploitant d’un un restaurant de plage à l’Ile Rousse;
- Michel Giraschi, porteparole du "Cullettivu di i prufezziunali di u liturali", exploitant d’une paillote à Porto-Vecchio et conseiller territorial Corsica Libera au sein de la majorité à l’Assemblée de Corse;
- Jean-Charles Orsucci, maire de Bonifacio avec 70 Km de côte, président du groupe "Andà per dumane" (LaREM) l’Assemblée de Corse;
- Lionel Mortini qui représente l’exécutif de Corse, il est président de l’ODARC, maire de Belgodere.
Autre absence regrettable à plus d’un titre celle de l’Etat.
Il a toute compétence pour délivrer les fameuses AOT et veiller au respect des lois en la matière ce qui n’est pas toujours le cas.
Pour justifier cette absence on précise seulement du côté de la préfecture de Corse que le "débat est un peu prématuré".