Un arrêté préfectoral publié le 17 décembre met en demeure la chambre d'agriculture et les irrigants de se mettre en conformité avec le Code de l'environnement. Des mesures qui ne satisfont ni les agriculteurs à l'origine de cet aménagement illégal, ni les associations de protection de l'environnement qui demandent sa destruction.
C'est un nouvel épisode dans le feuilleton administratif et judiciaire sur la très controversée retenue d'eau de Caussade. Depuis le 12 février où elle a été annoncée, la procédure de mise en conformité préalable à la légalisation du lac de Caussade est restée sans effet.
Onze mois plus tard, la préfecture a donc décidé de relancer le dossier. "Par arrêté préfectoral du 17 décembre 2024, le préfet de Lot-et-Garonne a notifié au propriétaire et à l’exploitant de la retenue de Caussade et de son barrage, les conditions du retour progressif à la conformité de l’ouvrage et les prescriptions permettant d’assurer la sécurité hydraulique du site", indique le préfet de Lot-et-Garonne dans un communiqué ce vendredi 20 décembre.
Une mise en demeure sous trois mois
Dans cet arrêté, la préfecture demande notamment au constructeur, à la chambre d'agriculture ainsi qu'à l'ASA (association syndicale autorisée d'irrigation de Caussade) et à l'exploitant, de "désigner un expert agréé spécialiste de ces ouvrages hydrauliques", pour évaluer l'état de la digue et établir une liste de travaux pour "mettre en conformité l'ouvrage". Une annonce précisée, ce vendredi 20 décembre, en conférence de presse.
À ce stade, ce n'est absolument pas une légalisation de l'ouvrage qui a été construit illégalement.
Daniel Barnier,préfet de Lot-et-Garonne
Loin de vouloir reprendre le bras-de-fer qui oppose la préfecture à la chambre d'agriculture, entre autres, Daniel Barnier propose une "démarche progressive". "Une fois ces conditions remplies, les intéressés pourront déposer une demande d'autorisation environnementale, soumise aux règles de la protection de l'environnement, notamment le débit d'étiage afin de protéger la faune et la flore", explique le préfet. Ce lac sert à l'agriculture et à l'environnement, nous avons tous intérêt collectivement à le conserver."
Concertation ou affrontement ?
Alors que le représentant de l'État se veut dans une démarche constructive et plaide la concertation, sans surprise, le détail de ses mesures ne satisfait personne. Ni les opposants à cette digue, les associations de protection de l'environnement qui réclament la destruction d'un ouvrage qu'ils jugent "inadapté, dangereux et profondément injuste" , ni la chambre d’agriculture de Lot-et-Garonne.
Nous ne ferons rien de ce que nous demande le préfet.
Serge Bousquet-Cassagneprésident de la chambre d'agriculture de Lot-et-Garonne
À la lecture de l'arrêté préfectoral, les agriculteurs se sont d’abord réjouis de voir que la légalisation du lac était envisagée. "Petit à petit, on s'est aperçu qu'il était perclus de contraintes, et que finalement il fallait réinventer le fil à couper le beurre, remesurer l'infini, et recommencer toutes les études préalables qui avaient permis d'obtenir le premier arrêté d'autorisation en 2019", déplore le président de la chambre d'agriculture de Lot-et-Garonne Serge Bousquet-Cassagne, qui déclare les agriculteurs prêts à aller jusqu'à l'affrontement.
Des études et potentiellement des travaux qui signifient surtout pour la chambre d'agriculture des dépenses supplémentaires."Il est totalement hors de question que nous investissions un euro de plus sur ce lac", assure Serge Bousquet-Cassagne. Si les agriculteurs contestent avoir à financer les mesures demandées par le représentant de l'État, ce dernier est inflexible."S'ils avaient fait ses démarches de mise en conformité au moment voulu, on n'en serait pas là".
La menace de sanctions lourdes
Reconnaissant que les précédentes phases de concertation n’ont pas abouti à une entente, le préfet Daniel Barnier garde l'espoir que cela change, mais se montre ferme. "Si rien ne se passe, mon arrêté est assorti d'astreintes financières qui peuvent aller jusqu'à 4 500€ par jour de retard, de sanctions pénales qui peuvent être une amende et peuvent aller jusqu'à deux ans d'emprisonnement", prévient-il.
Déjà condamné en appel en 2022 avec son vice-président Patrick Franken à dix mois de prison avec sursis assortis d’un sursis probatoire de dix-huit mois pour avoir construit sans autorisation le barrage de Caussade, Serge Bousquet-Cassagne ne se montre guère impressionné par ces menaces de sanctions. "Si le préfet veut une guerre civile en Lot-et-Garonne, il n'a qu’à la déclencher, et nous, on est prêt à faire le match", rétorque le président de la chambre d'agriculture, qui estime que le lac est légalisé par son utilisation et l'adhésion de la population qu'il revendique.
Depuis sa création en 2018 à Pinel-Hauterive près de Villeneuve-sur-Lot, le Lac de Caussade cristallise tous les débats, avec au cœur la ressource en eau. Crée avec une première autorisation de la préfecture en 2018, par la suite retirée, et donc aménagée illégalement, cette retenue d'eau destinée à l'irrigation s’étend sur plus de 20 hectares sur un terrain qui appartient à la Chambre d'Agriculture. Suite aux décisions de justice, cet aménagement aurait dû être détruit et remis en état.