"Mon père s'est battu toute sa vie pour la Corse, et on vient salir sa mémoire" : l'indignation du fils de Mighele Raffaelli, dont la maison, à Villanova, a été cible d'un attentat

Peintre, musicien, scénographe, Mighele Raffaelli avait fait construire sa maison à Villanova il y a 30 ans. Son fils, qui en a hérité à son décès, s'y rendait très régulièrement. Dimanche 8 octobre, l'habitation a été la cible d'une explosion, à la grande indignation et incompréhension de ce dernier.

L'atterrement. L'incompréhension. L'écœurement. C'est un vif mélange d'émotions qu'a ressenti Benjamin Raffaelli, en débarquant à l'aéroport d'Ajaccio, ce mardi matin. Lui qui partage sa vie entre Paris et la Corse est habituellement toujours ravi de retourner sur l'île. Mais ce voyage-là n'était ni souhaité, ni planifié.

Dimanche 8 octobre, Benjamin Raffaelli reçoit un coup de fil d'un voisin de son domicile à Villanova, en région ajaccienne. Une forte détonation a été entendue. Elle provient de la maison. Celle-ci, comme une trentaine d'autres résidences partout sur l'île tout au long de la nuit, vient d'être la cible d'un attentat à l'explosif.

"Je pense que ça a explosé à 22h30, et j'ai été prévenu à 22h35 par mes voisins. Et à ce moment-là, c'est un énorme choc." Un choc, et une incompréhension totale pour cette famille, "corse depuis des générations", et installée sur la commune depuis 30 ans sans jamais auparavant avoir eu le moindre souci.

"Nous sommes Corses. Nous ne faisons pas de spéculation immobilière, pas de location touristique, c'est notre maison depuis des décennies et nous y venons régulièrement."

"S'il y a bien quelque chose dont nous ne nous doutions pas, c'est que nous pourrions sauter un jour, souffle-t-il. Nous sommes Corses. Nous ne faisons pas de spéculation immobilière, pas de location touristique, c'est notre maison depuis des décennies et nous y venons régulièrement. Ce n'est pas juste une résidence de vacances, j'y passe quatre à cinq mois dans l'année, et je comptais bientôt m'y installer définitivement."

La maison et l'atelier de l'artiste Mighele Raffaelli

Les heures passant, la confusion et l'émoi laissent place à un autre sentiment, plus puissant encore : celui d'une profonde indignation. Car avant d'avoir été la sienne, cette villa, c'est à son père, Mighele Raffaelli, qu'elle a appartenu. Le peintre, musicien et scénographe l'avait lui-même conçue et imaginée, et en avait fait son atelier.

Né à Marseille en 1929, cet artiste multicasquette a pu travailler, au cours de sa carrière, aux côtés des plus grands, Pablo Picasso, Antoine Vitez, ou encore Jean-Marie Serreau au cours des années 1960 et 1970.

D'origine Corse, il décide de s'y installer au début des années 1980. Amoureux de l'île et de sa culture, il devient un des acteurs d'un Riacquistu exigeant et créatif, puis un des cofondateurs du premier groupe de chant féminin : Donnisulana. Il apprend et joue de la Cetera. En 1993, il coécrit avec Ghjermana de Zerbi l'anthologie du Cantu Nustrale... Et surtout, chez lui, il continue à peindre, encore et encore. Et c'est dans cette même maison qu'il s'est éteint, le 23 juin 2018, à l'âge de 89 ans.

"Mon père a consacré sa vie entière à la langue, au patrimoine, à la musique corse à travers les encyclopédies et bien d'autres choses. Aujourd'hui, c'est comme si on venait salir sa mémoire. C'est scandaleux", s'indigne Benjamin Raffaelli.

"Ma famille, mais aussi tout le voisinage, toutes les personnes que nous connaissons, sont sidérés qu'on puisse s'attaquer à quelqu'un qui a fait tant de choses pour le pays", poursuit-il.

"De la négligence, un manque de professionnalisme"

Des inscriptions "FLNC" ont été retrouvées sur les murs de l'habitation. Les attentats et tentatives d'attentats de la nuit du dimanche 8 octobre ont été revendiqués le lendemain matin, par le biais d'un bref communiqué, par le FLNC.

Mais Benjamin Raffaelli admet avoir du mal à penser "que les têtes pensantes du FLNC, s'il s'agit bien d'eux, ne connaissent pas l'histoire de mon père, de sa maison, et auraient laissé faire ce genre de choses."

Lui voit plutôt là le fait de "petites mains peu précautionneuses, qui ont vu une villa qui n'était pas habitée en permanence dans l'année et se sont dit que c'était une bonne cible. Je suis persuadé qu'ils n'étaient pas au courant d'à qui ils s'attaquaient, que c'est de la négligence, un manque de professionnalisme, si professionnalisme il y a chez les voyous."

À ceux-là, Benjamin Raffaelli leur adresse un message : "Renseignez-vous avant de faire des choses comme ça. Il y a une grosse différence entre faire sauter un complexe immobilier qui va générer beaucoup d'argent, et exploser la maison d'un homme qui s'est battu toute sa vie pour la Corse, et désormais celle de ses enfants, qui, s’ils ne sont pas là toute l'année, sont Corses à 100 %, et n'ont jamais fait d'AirBNB ni de spéculation."

"Il est hors de question qu'on parte"

En Corse pour trois jours, Benjamin Raffaelli a un planning chargé, entre dépôt de plainte et constat des dégâts de l'habitation. "À priori, la maison est totalement morte, regrette-t-il. On ne sait pas vraiment ce qu'il en est de l'état des murs, s'il y a beaucoup de fissures à l'intérieur, s'il y a un risque que ça puisse s'écrouler, mais à minima, tout l'intérieur, tous les objets personnels qu'on avait, l'atelier de mon père, tout ça a sauté."

"Nous sommes ici depuis 30 ans, nous n'allons pas partir parce que des idiots nous ont fait sauter la maison."

Pas question pour autant d'abandonner les lieux, assure-t-il. "J'ai les plans d'époque de mon père, quand il a fait bâtir la maison. S'il faut tout raser et reconstruire à l'identique, on le fera. Nous sommes ici depuis 30 ans, nous n'allons pas partir parce que des idiots nous ont fait sauter la maison. Et s'ils la cassent à nouveau, on la reconstruira derrière. Nous sommes parfaitement intégrés, nous connaissons nos voisins depuis des années, nous nous rendons tous des services mutuels. Ma famille vient très souvent, et mes enfants adorent cette maison. Nous sommes chez nous, il est hors de question qu'on parte."

Avec l'ambition, aussi, que le souvenir de Mighele Raffaelli ne quitte pas les terres de Villanova.

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