Au large de la Corse, des bateaux de combat ont remplacé les yachts de luxe: 6.000 militaires de six pays alliés s'entraînent à la guerre jusqu'à début décembre dans une bataille navale grandeur nature en Méditerranée occidentale.
L'exercice Polaris 21, organisé par la Marine, "a pour vocation d'intégrer l'environnement international d'aujourd'hui qui est marqué par des tensions tatiques", notamment le long des côtes syriennes en Méditerranée orientale ou au nord-est de l'Europe, du côté de la Biélorussie, afin de "préparer la Marine ainsi que les armées de l'air et de terre à des engagements de haute intensité", explique le contre-amiral Emmanuel Slaars depuis le porte-hélicoptères amphibie Tonnerre de la Marine française d'où il commande les opérations.
Après des décennies d'engagement dans des conflits dit asymétriques face à des unités volatiles et agiles de jihadistes, les pays occidentaux se préparent désormais également au retour d'affrontements entre Etats avec des combats entre forces comparables à de multiples niveaux -militaire, diplomatique, spatial, commercial, cyber, informationnel...-.
Dans cet exercice, le défi est de "synchroniser" des interventions "sous la mer, en surface, dans les airs", le tout en intégrant "des interactions avec le milieu spatial" qui intervient "dans le domaine du renseignement" ainsi que les interférences du cyberespace avec, par exemple, des informations ou fausses allégations susceptibles de soutenir ou de nuire à une action militaire, poursuit Emmanuel Slaars. Pour l'occasion, un "faux système Twitter" a ainsi été créé.
Les forces engagées dans Polaris 21 doivent aussi prendre en considération "des mandats donnés par le Conseil de sécurité de l'ONU".
Capacité de dissuasion
Ces manoeuvres, qui ont débuté le 18 novembre et se termineront le 3 décembre, engagent d'importants moyens militaires de six pays alliés, France, Grande-Bretagne, Etats-Unis, Espagne, Italie, Grèce: 25 navires et 65 avions répartis en deux camps s'affrontent en Méditerranée occidentale, des côtes françaises jusqu'au sud de la Sardaigne (Italie) et aux côtes des Baléares (Espagne) à l'ouest. Deux bateaux sont aussi présents sur l'océan Atlantique.
Plusieurs fleurons des forces armées françaises participent à Polaris 21: le porte-avions Charles de Gaulle avec ses 20 avions de chasse Rafale et ses deux avions de surveillance aérienne E-2C Hawkeye, un sous-marin nucléaire d'attaque ou encore le Tonnerre. S'y ajoutent 13 frégates dont cinq étrangères, six patrouilleurs et trois ravitailleurs pour restituer "de façon réaliste" les conditions du combat même si, dans ce cas, la mort ne rode pas.
Dans la zone d'état-major du porte-hélicoptères Tonnerre, la concentration se lit sur les visages des officiers aux yeux rivés sur les cartes, radars ou autres documents "secret défense".
La force "rouge" dont il fait partie, représente une armée d'un pays fictif baptisé "Mercure". Face à elle, une force "bleue", réunie autour du Charles-de-Gaulle, incarne une coalition interalliée emmenée par la France.
Depuis minuit, des troupes "rouges" ont quitté le Tonnerre au Nord de Bastia à bord d'embarcations amphibies pour rejoindre incognito, le long des côtes, la ville de Porto-Vecchio, dans le sud de la Corse, où ils ont donné l'assaut à 6H00 du matin. Objectif: placer "une batterie de défense sol-air" afin de compliquer "la manoeuvre du porte-avions Charles de Gaulle dans le détroit de Bonifacio", explique le commandant "rouge" du Tonnerre, Guillaume Tandonnet.
"On a des bateaux de la force bleue qui nous tournent autour et qui essayent de nous tester voire de nous couler donc forcément il y a une certaine tension", explique-t-il bien que cette tension soit évidemment différente que lors d'un vrai conflit. S'il permet d'affûter les capacités opérationnelles des armées, l'exercice Polaris 21 vise aussi à faire "la démonstration que la France et ses alliés sont particulièrement attachés à maintenir la liberté de navigation en Méditerranée", souligne le contre-amiral Slaars. Une manière de montrer au grand public et aux potentiels adversaires "la capacité de dissuasion de la Marine française", glisse à l'AFP un officier participant à l'exercice.