Corse : les relations entre l'exécutif insulaire et l'État au plus mal

Ces dernières semaines les relations entre Gilles Simeoni, Jean-Guy Talamoni et l'État se tendent. Les présidents du conseil exécutif et de l'Assemblée parlent notamment d'une "politique méprisante". Dernier épisode en date : le maintien du statut de DPS pour Pierre Alessandri et Alain Ferrandi.

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L'escalade de tensions entre l'exécutif de Corse et l'État a trouvé son apogée, lundi, dans l'hémicycle de l'Assemblée de Corse.

Alors qu'habituellement Jean-Guy Talamoni, président de l'Assemblée de Corse, prononce son allocution en langue corse, cette fois-ci, il le fait en français. "Afin de m'assurer d'être parfaitement compris, y compris par les occupants actuels – et transitoires- de nos locaux Palais Lantivy", lance-t-il.

"Politique méprisante et agressive", "sabotage déterminé", "malveillance ou incompétence", c'est avec ces mots, durs, qu'il qualifie l'attitude de l'État. "Tout est fait pour signifier aux Corses que s'ils persistaient à mal voter, c'est-à-dire à voter pour des candidats nationalistes, ils n'obtiendraient rien. Rien de ce que la justice et le droit devraient naturellement leur permettre d'attendre. Le principe de neutralité de l'administration est ouvertement, ostensiblement, foulé au pied. À tel point que cette démarche outrancière risque de finir par gêner, voire par desservir, les personnalités politiques que Paris entend favoriser", estime Jean-Guy Talamoni.

Pas d'inquiétude pour l'économie corse ?

Les points de désaccord sont nombreux. À commencer par l'absence de dialogue sur le plan Salvezza. Adopté le 27 novembre dernier par l'Assemblée de Corse, le dispositif vise au sauvetage et à la relance de l'économie insulaire durement frappée par la pandémie de Coronavirus.

Au total, 400 millions d'euros sont avancés, dont 100 millions qui seront financés par la collectivité de Corse. Un effort important, estime Gilles Simeoni, président du conseil exécutif de Corse, qui entend ainsi demander à l'Etat de financer les 300 millions restants.

Problème, selon les dires du président de l'exécutif de Corse qui a dévoilé, lundi, ses échanges avec le gouvernement aux élus de l'assemblée, le dialogue est au point mort. Pire, la ministre de la Cohésion des territoires, Jacqueline Gourault, parlerait même d'une "situation sous contrôle. Il n'y a pas d'éléments d'inquiétude particulière à avoir au niveau économique et social " dans l'île.

"On ne peut pas penser que le fait que je sois prêt à aller en permanence au bout de la recherche des points d'équilibre. Que je sois prêt en permanence à privilégier la voix du dialogue, car c'est, je le pense, notre responsabilité historique. Que personne n'imagine que cette attitude-là peut se confondre avec le renoncement", a déclaré Gilles Simeoni dans l'hémicycle de l'Assemblée. 

L'opposition change de ton

À l'issue des discours, l'opposition appelle d'abord chaque parti à faire un pas en direction de l'autre. "Je ne crois pas qu'il y ait de chasse aux nationalistes. Je ne crois pas non plus que les nationalistes souhaitent durablement entretenir ce rapport de force avec l'État. Je crois davantage à la force des rapports qu'au rapport de force", déclare Jean-Martin Mondoloni, président du groupe Andà per l'avvene.

Mais après une longue explication en conférence de présidents, le ton change. "Notre volonté sera toujours la même : mettre de l'huile dans les rouages entre Paris et la Corse, même si c'est difficile, même s'il peut y avoir, de la part de l'État des maladresses, voire des erreurs sur des dossiers importants comme la question du gaz à Ajaccio ou la question de la fongibilité où on ne peut pas donner tort à l'exécutif de Corse", estime Jean-Charles Orsucci, président du groupe Andà per Dumane. 

Parmi les autres griefs des élus insulaires : le désengagement en matière d'énergie, la remise en cause de la déspécialisation de l'enveloppe de continuité territoriale ou encore la polémique sur le soutien aux Arméniens.

"L'État vient de nous offrir sa plus affreuse grimace"

Mardi, les crispations s'exacerbent avec la décision du Premier ministre de maintenir le statut de détenu particulièrement signalé (DSP) pour Pierre Alessandri et Alain Ferrandi.

Si la décision devait être prise par le garde des sceaux, les règles ont changé par décret le 18 décembre dernier. Le document interdit à Éric Dupond-Moretti de se prononcer sur le sort des deux hommes, condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité pour l'assassinat du préfet Claude Erignac et incarcéré sur le continent depuis 1999, et réserve cette charge au Premier ministre.

Présent dans l'hémicycle de l'Assemblée de Corse à l'annonce de cette décision, Gilles Simeoni s'est dit "sous le choc." "Comme nous le craignions, cette décision se fait au mépris du droit et qui exprime une logique de vengeance",  a déclaré le président du conseil exécutif de Corse. Il conclut sa prise de parole en citant François Mauriac : "La vengeance déguisée en Justice c'est la plus affreuse grimace." "L'État vient de nous offrir, à nous Corses, sa plus affreuse grimace", lance le président du conseil exécutif de Corse.

Au 1er août 2018, on recensait 273 DPS en France. Selon l’administration pénitentiaire, la prison de Borgo n’est pas apte à recevoir des transferts de prisonniers inscrits au répertoire DPS.

Mardi, suite à la décision du Premier ministre, l'Assemblée de Corse a suspendu la session en cours en milieu d'après-midi. Sur les six groupes que compte l'institution, seul celui présidé par Jean-Martin Mondoloni, Andà per l'avvene, s'est opposé au fait de voter les rapport restants sans débat et de renvoyer les motions. 

 

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