Dans un rapport public annuel publié le 18 mars, la Cour des comptes dénonce le manque de préparation des services de réanimation français face à la pandémie de Covid-19. La Corse est la région métropolitaine la moins bien dotée en lits de soins critiques par rapport à sa population.
À moitié pleins, mis sous forte tension ou encore saturés… Depuis le début de la pandémie de Covid-19, il s’est porté dans tout le pays une attention toute particulière aux services de réanimation des hôpitaux français.
Un phénomène inédit, et un nombre de lits en soins critiques qui conditionne aujourd’hui encore "le fonctionnement des systèmes de santé, mais aussi la vie économique et la vie sociale dans leur ensemble, et même les libertés publiques", rapporte la Cour des comptes.
+21,6% d’entrée en réanimation en Corse en mars-avril 2020 par rapport à 2019
Dans son rapport annuel, publié le 18 mars dernier, l’institution chargée du contrôle des comptes publics pointe un manque de lits en réanimation, et appelle à des réformes structurelles.
Et parmi les régions les plus concernées par une augmentation rapide et brutale des séjours en réanimation : la Corse, avec +21,6% sur la période de mars et avril 2020, comparativement aux mêmes dates en 2019. Il s’agit de la deuxième région la plus touchée sur la période, derrière le Grand Est (+25,7%)
Une situation qui a entraîné de grandes difficultés pour les personnels soignants insulaires, contraints de procéder à l’évacuation de plusieurs patients vers d’autres régions moins impactées : le 22 mars dernier, 12 malades ont ainsi été transférés vers Marseille à bord du Tonnerre, porte-hélicoptère de la marine nationale, faute de place dans les deux hôpitaux de l’île.
Autre point relevé par la Cour des comptes : l’Île de beauté était aussi, à l’orée de la crise de Covid-19, la région métropolitaine qui disposait du nombre de lits de réanimation le plus bas pour 100.000 habitants : 18 pour 100.000. À titre comparatif, la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur comptait alors 35 lits pour 100.000 habitants.
Risque de saturation imminent selon une étude
Des données qu'on peut mettre en relation avec un travail de modélisation publié le 16 mars et mené par l'équipe REPERES (Recherche en Pharmaco-épidémiologie et recours aux soins), située à Rennes. Les chercheurs ont établi trois scénarii qui s'étalent sur la période du 10 mars au 14 avril et prévoient différents taux de reproduction du Covid-19.
Et la Corse apparait comme la région la plus sensible à un risque de saturation de ses capacités de soins en réanimation : même dans la projection la plus optimiste, avec un R0 à 1,5, la région verrait ses hôpitaux saturés à partir du 28 mars.
Il s'agirait, dans ce cadre de figure, de la seule région métropolitaine qui ne serait pas en mesure de faire face à la pandémie. Peut-être la faute au faible nombre de lits en réamination - 18 pour 100.000 habitants - dont dispose l'île, détaillent les chercheurs.
Un manque de lits antérieur à la crise sanitaire
Si le manque de places en service de réanimation a souvent fait l’actualité au cours des derniers mois, le problème ne date pourtant pas d’hier. De 2013 à 2019, "le nombre de lits [en réanimation] n'a progressé que de 0,17 % par an, soit 10 fois moins que les effectifs de personnes âgées qui représentent les deux tiers des malades hospitalisés dans ce secteur" pointe la Cour des comptes.
Plus encore, en 2013, à échelle nationale, on comptait 44 lits de pour 100.00 habitants de plus de 65 ans – les plus à risques de faire des formes graves de Covid-19 –, contre seulement 37 en 2019. Une situation qui pourrait être amenée à empirer sans réaction rapide des pouvoirs publics, alerte la Cour, qui formule 5 recommandations au ministère en charge de la santé :
- Évaluer, en termes de santé publique, les conséquences des déprogrammations chirurgicales et des transferts de patients durant l’épidémie de Covid-19 ;
- Déterminer au niveau national un modèle d’organisation et de coordination des soins critiques et son mode de gouvernance, qui soit en mesure d’inclure les structures publiques et privées ;
- Évaluer l’impact du vieillissement de la population sur les besoins d’hospitalisation en soins critiques à long terme et augmenter l’offre en conséquence, en conservant la logique, initiée par le décret de 2002, de plateaux techniques de grande taille, en corrigeant les inégalités territoriales et en visant un renforcement des effectifs des personnels médicaux selon la double voie d’accès (médecins anesthésistes-réanimateurs et médecins intensivistes-réanimateurs) ;
- Réviser le plan de formation initiale des infirmier(e)s de soins généraux en intégrant des modules spécifiques de formation théorique et pratique aux soins critiques et reconnaître les compétences acquises par une qualification reconnue d’infirmier(e)s en réanimation, non obligatoire pour exercer dans ce secteur ;
- Déterminer un nouveau modèle de financement des soins critiques afin de garantir la neutralité de la tarification à l’activité.
Gestion de la crise #COVID19, évaluation des politiques publiques, action dans les territoires… : retrouvez l'intégralité du rapport public annuel 2021 de la Cour des comptes ➡ https://t.co/VA7yCO4Mhd#RPA2021
— Cour des comptes (@Courdescomptes) March 18, 2021
Les personnels de réanimation salués
L’institution du contrôle des comptes publics profite également de ce rapport pour saluer la mobilisation des personnels des services de réanimation, mis à rude épreuve par la crise. Entre le 18 mars et le 26 mars 2020, le nombre d’entrées quotidiennes dans les services de soins critiques nationaux a progressé de 65,3 % en huit jours. Soit environ 3.200 patients en plus des volumes habituellement relevés en l’espace de deux semaines.
D’autant que cette hausse brutale des entrées s’est accompagnée "de durées moyennes de séjours anormalement longues, ce qui en amplifie les conséquences sur l’organisation des réanimations". La durée moyenne de séjour en réanimation pour un patient atteint du Covid-19 a ainsi été de 12 jours, contre 6,6 jours habituellement constatés (chiffres Santé Publique France).