Boris Cyrulnik était l'invité du Corsica Sera samedi. Le neuropsychiatre a abordé les conséquences psychologiques et politiques de la crise du coronavirus.
Boris Cyrulnik est spécialiste de la résilience. En psychologie, cette notion désigne la capacité d'un individu à surmonter les moments douloureux de l'existence et à se développer, en dépit de l'adversité.
Le neuropsychiatre était l'invité du Corsica Sera, samedi. Il est notamment revenu sur les conséquences psychologiques de la crise du coronavirus sur les populations.
- Nous parlons beaucoup des conséquences sanitaires et économiques du coronavirus, mais peu du risque psychologique, quels sont les risques pour les individus ?
Ceux qui, avant le confinement, avaient acquis des facteurs de protection : l'aptitude à la parole, une famille stable, un diplôme, ceux-là vont sortir du confinement apaisés, parfois même améliorés par le confinement.
À l'inverse, ceux qui avant le confinement avaient acquis des facteurs de vulnérabilité : famille instable, faible accès au langage, petit diplôme donc petit salaire, donc petit logement, ceux-là vont vivre le confinement comme un trauma et vont sortir du confinement aggravés.
- Donc cela a accru les inégalités sociales ?
- On voit monter une très grande méfiance de la population vis-à-vis des gouvernements, des stratégies mises en place : les chiffres sont contestés, les tensions s'exacerbent, comment sort-on de cette situation de tension ?
On voit apparaître des sectes, on voit apparaître des idées invraisemblables, complotistes actuellement. Mais c'est ce qui se passe dans toutes les guerres ou dans toutes les situations de précarité sociale.
- Donc cette crise sanitaire et économique pourrait avoir des conséquences politiques très graves ?
La deuxième solution, c'est quand on est désemparé, après des périodes de KO social, presque toujours arrive un sauveur qui dit : "Moi, je sais où est la vérité, votez pour moi, je vais vous sauver." On voit qu'actuellement dans tous les pays en KO social, beaucoup de dictateurs sont actuellement démocratiquement élus.
- Vous êtes le spécialiste de la résilience, quelles sont les clefs pour sortir de cette crise de façon un peu moins sombre que ce que vous venez de nous décrire ?
Si ces 1.000 premiers jours sont réussis, ce n'est pas gagné pour la vie, mais au moins il est bien parti. S'il y a des blessures à ce moment-là, ce n'est pas perdu pour la vie, mais il faudra les compenser et là, c'est le processus de résilience.
Plus l'enfant est petit, plus la résilience est facile, mais plus les traumas sont faciles aussi. Ça veut dire que l'on peut apprendre à un bébé le plaisir de parler, le plaisir de rencontrer et dans ce cas-là, on lui donne des facteurs de protection.