Entreprendre en Corse malgré le Covid19 (épisode 1) : "C'est le saut dans l'inconnu pour tout le monde"

Ouvrir ses portes à Bastia, alors que la moitié de la planète ferme la sienne. Quelles perspectives ? C'est notre série Entreprendre malgré le Covid. Premier épisode, avec Marcu Maria et Antoine, qui créent une brasserie en centre-ville.  

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Tous les jours, les deux trentenaires se donnent rendez-vous, en début d'après-midi. Pas loin du palais de justice de Bastia. Dans le quartier où ils ont prévu d'ouvrir leur brasserie. 
"Les choses avancent lentement, mais on en a besoin. On se projette, on imagine, on discute, et c'est comme cela que l'endroit prend forme, dans nos têtes pour l'instant", confie Marcu Maria. 

Leur projet, brasser, et promouvoir, la première bière bastiaise produite en centre-ville. Un projet ambitieux.
Et qui a un prix. Entre 400 et 500.000 euros. Financés, presqu'entièrement, par la banque et les subventions, à hauteur de 20 %. Le reste, ce sera des crédits, certains à taux zéro, d'autres remboursables avec le taux d'intérêt décidé par la banque. 

500.000 euros de financement nécessaires

Le projet est né il y a deux ans. Marcu Maria tenait un bar à Bastia, et Antoine venait de se lancer dans la production de sa bière, Malacella. Les deux hommes se sont entendus tout de suite, et l'idée de s'associer est née. 

L'année dernière, les choses sont devenues concrètes. Avec le début des démarches financières. "A ce moment-là, tous les interlocuteurs ont été enthousiastes", se rappelle Antoine. 
Et puis est arrivée l'épidémie. "Aujourd'hui, avec le Covid19, on sent les banquiers plus prudents. Ils ne nous l'ont pas caché, et on peut le comprendre. Ils ne savent pas comment les choses vont évoluer. C'est le saut dans l'inconnu pour tout le monde", confie le brasseur.

Marcu Maria acquiesce, mais ne semble pas soucieux. "Le discours n'a pas changé en terme de pertinence du projet, mais on nous a laissé entendre que ce serait plus long et compliqué". 

Des banques plus frileuses

Ils l'assurent, à aucun moment, les deux entrepreneurs n'ont douté. "Je n'ai jamais vendu autant de bières que pendant le premier confinement, s'amuse Antoine. Les gens avaient vraiment soif, vraiment !"

Pendant le confinement, les gens ont soif, apparemment !

Antoine, brasseur

"On a bien pris soin d'expliquer à nos interlocuteurs que notre projet reposait sur la production, et que la partie bar ne représenterait que 20 % du chiffre d'affaire. Et il y aura toujours des moyens d'écouler notre production, même si les restaurants et les bars sont fermés. Il y a les cavistes, bien sûr, et il faudra aussi penser à d'autres moyens de distribution, aller les chercher", complète Marcu Maria. 

Des lenteurs liées au contexte mondial

Le problème c'est que le temps presse. La production de bière a été arrêtée, pour pouvoir la transférer dans la nouvelle brasserie. Mais pour l'heure, de brasserie, il n'y en a pas. Pas plus que de rentrées d'argent. 

"Là, on est à vide, confirme Antoine. Et c'est compliqué. On a mis toutes nos activités en sommeil pour avancer ici. Mais on a tellement la tête dans le guidon, et on croit tellement à notre projet, qu'on se débrouille". 
Les deux hommes ont fait appel à une banque, et à trois organismes pour les financer. La CADEC (Caisse de développement de la Corse), l'ADEC (Agence de développement de la Corse), et la CAPI (Corse Active pour l'Initiative). 

Les retours ont été bons. Reste à attendre la validation de l'ensemble des partenaires pour que la Banque débloque les fonds, et que le projet puisse prendre corps. Et les contextes sanitaire et économique actuels ont singulièrement ralenti les choses.
 
"Sans le Covid, on serait déjà ouverts, aucun doute. On tablait sur le mois de septembre, à l'origine...Aujourd'hui en étant très optimistes, début janvier. Et en étant plus lucides, fin janvier. Ca se joue à pas grand chose. De notre côté, tout est prêt !" promettent Antoine et Marcu Maria. 

Penser autrement, pour entreprendre autrement

Du côté de Corse Active, qui est spécialisée dans l'accompagnement et le financement des projets d'entreprises, et qui a soutenu le projet des deux trentenaires, on le confirme.
Pour l'heure, les dossiers peinent à aboutir. 

"C'est normal, il n'y a aucune visibilité. Les banques, au moment de décaisser, freinent un peu. Ce n'est pas que les projets de plaisent pas, mais le climat reste inquiétant. Alors il faut s'armer de patience." 
Pour autant, du côté des porteurs de projets, la tendance s'est inversée.

"On a eu une baisse de 60 % de notre activité lors du premier confinement. On avait 5, 6 dossiers par mois au lieu des 30 habituels. Mais ça va mieux. En octobre on en a traité 25. On à l'impression que pour ce deuxième confinement, même les plus frileux se disent : "tant pis, j'y vais".

Une chose est sûre, il y a moins de dossiers concernant l'ouverture de cafés, restaurants et bars. Un secteur pour le moins anxiogène en ce moment, alors que le gouvernement pourrait les laisser fermés jusqu'au mois de janvier...Habituellement, c'est 60 % de l'activité de Corse Active qui est consacrée à ce secteur. Aujourd'hui, c'est bien moins. 

Le Do It Yourself a le vent en poupe

"Chez les porteurs de projets il y a un regain d'activités qui étaient un peu délaissées, telles que ramoneur, par exemple. Ou alors la confirmation d'activités qui ont été boostées par le confinement. Beaucoup d'artisanat, d'ateliers créatifs, de textile...".

L'isolement et l'ennui ont fait naître des initiatives, et des vocations. Broderie, fabrication de colliers de bois... Fabriqués pour le plaisir, et maintenant vendus sur internet pour 60 euros.

"Pour certaines catégories il est difficile de se réorienter. Mais d'autres n'ont pas hésité. Plutôt que de se morfondre, ils ont tenté de réfléchir autrememt". 
 
Quelques traces, discrètes mais encourageantes, du monde d'après qu'on nous a tant promis. 
 
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