Selon le député et président de la commission parlementaire chargée d'enquêter sur les conditions de l'assassinat d'Yvan Colonna, Jean-Félix Acquaviva, des préfets en activités se seraient félicités dans des échanges privés du décès du détenu corse. Des conversations qui seraient retranscrites dans le rapport de la commission, et dénoncés par les deux partis nationalistes.
Après six mois de travaux et plus de 70 auditions, la commission parlementaire chargée d'enquêter sur les "dysfonctionnements au sein de l’administration pénitentiaire et de l’appareil judiciaire" ayant conduit à l’assassinat d'Yvan Colonna le 2 mars 2022 à la maison centrale d'Arles a rendu son rapport, ce mardi 30 mai.
Sur les 218 pages que contient le document, deux en particulier, situées en toute fin, dans les annexes, ont fait réagir : la publication des échanges qui auraient été tenus entre deux préfets en activité après l'agression mortelle du détenu corse.
Ces correspondances étaient particulièrement attendues. Le 8 mars dernier, à l'occasion de l'audition de Jean Castex en commission parlementaire, Jean-Félix Acquaviva les avait évoquées pour la première fois. Des accusations prises très au sérieux par le ministre de l'Intérieur, qui avait alors demandé que lui soit transmis "les éléments de toute nature". Une demande rejetée par le député Acquaviva, insistant que les preuves des échanges seraient versées au rapport, et donc disponibles dès sa parution ce 30 mai.
Des propos "odieux", un ordre "mortifère"
Des messages désormais révélés - l'identité des préfets qui seraient concernés a néanmoins été masquée - et dénoncés, au sein des nationalistes insulaires, comme particulièrement choquants.
Dans un communiqué, le PNC voit ainsi dans ces propos "irrespectueux et odieux" le témoignage "de la considération que certains hauts responsables ont pour notre peuple. Demander que la peine de mort soit de nouveau promulguée, se réjouir de l’assassinat perpétré par un détenu islamiste, tout en comparant les patriotes corses à des nazis est, pour nous, insupportable."
"Si dans leur esprit, le Nationalisme Corse a été plus dangereux que l’islamisme ou le nazisme, nous les invitons à la relecture de leur Histoire", poursuit le parti, qui indique condamner sans réserve ces propos.
"Demander que la peine de mort soit de nouveau promulguée, se réjouir de l’assassinat perpétré par un détenu islamiste, tout en comparant les patriotes corses à des nazis est, pour nous, insupportable"
Même condamnation et même courroux du côté de Core in Fronte : pour le mouvement indépendantiste, ces échanges sont "à vomir", et ancrés dans un scénario d'une "vengeance d'Etat".
"Au-delà de la légitime réaction de colère et de rejet que cela suscite, il est juste de rappeler, ici, le rôle et la place du corps préfectoral dans le dispositif autoritaire de centralisme, de maintien de l'ordre d'exception, de domination et de soumission de la France en Corse", souligne Core in Fronte.
Qui continue : "Du préfet Riolacci au préfet Bonnet, des barbouzes du SAC et de FRANCIA aux gendarmes incendiaires du GPS, les exemples ne manquent pas pour rappeler la vocation réelle de cet organisme étatique français : un ténébreux repaire du système coercitif et répressif".
"Ces préfets ne seront pas sanctionnés pour leurs propos. Au pire, ils seront nommés préfets hors cadre avec leur salaire important."
"Les répugnants propos, rendus publics, des préfets en exercice sont la traduction des tenants de cet ordre mortifère; pour lesquels briser ou tuer du corse nationaliste ne relève pas de la chimère. Leur caution morale, à l'exécution d'un patriote, qui a toujours clamé son innocence, des mains d'un terroriste islamiste au coeur d'une centrale d'arrêt pourtant rigoureusement surveillée, accrédite la dimension politique de ce geste meurtrier."
Alors que l'enquête judiciaire sur l'assassinat d'Yvan Colonna suit son cours, il reste désormais à savoir si cet échange anonymisé semblera suffisant - ou non - au ministre de tutelle des préfets pour élargir le cadre des investigations engagées. Et si tel est le cas, quelles pourront être les conséquences pour les préfets concernés.
Le PNC appelle à des suites "à la hauteur de l'insulte". Mais Core in Fronte en est par avance convaincu : "Ces préfets ne seront pas sanctionnés pour leurs propos. Au pire, ils seront nommés préfets hors cadre avec leur salaire important."