[Documentaire] "Anni Belli" revient sur l'histoire de la légalisation du divorce en Italie

En 1970, la société italienne va connaître un tournant en adoptant la loi Fortuna-Baslini qui légalise le divorce. Un premier pas vers la modernité qui va marquer profondément l'histoire de l'Italie. Tiziana, Claudia, Maurizio et Luciana ont vécu cette période, où s'aimer pouvait vous condamner à la clandestinité, jusqu'à ce qu'un referendum en 1974 reconnaisse enfin, et une bonne fois pour toutes, le divorce comme un droit. Ils nous racontent leurs souvenirs, évoquent leurs histoires personnelles, mais aussi leurs combats dans le documentaire "Anni Belli", à voir ce mardi 7 octobre à 21h40 sur ViaStella.

1960, une Italie tiraillée entre le modèle de la famille traditionnelle et une envie de modernité

En 1961, dans le film "Divorce à l'italienne" de Pietro Germi, Marcello Mastroianni interprète un mari prêt à tout pour se débarrasser de son épouse, allant même jusqu'à la pousser à l'adultère pour pouvoir légitimement la tuer. Une des plus célèbres comédies du réalisateur, qui s'inspire de l'hypocrisie dans laquelle se trouve l'Italie des années 60. Ce film est en fait un plaidoyer à peine masqué en faveur de la légalisation du divorce. À cette époque, le mariage et la famille sont un pivot de la société italienne, l'Église a une forte influence et le divorce est interdit. Les tribunaux vont même jusqu'à faire preuve d'indulgence pour les maris trompés qui tuent leur femme. Une situation qui oblige les couples, surtout les femmes, à rester ensemble tout au long de leur vie. Issu d'une famille modeste venue de Calabre, Maurizio Lombardo se souvient de l'attitude de ses parents lors des repas dominicaux de son enfance. La figure d'un père qui se faisait servir et d'une mère soumise aux règles du foyer, stigmates d'une société italienne dans laquelle la femme ne devait pas choisir un travail, mais un mari. Un modèle familial qui poussera Maurizio à s'interroger très jeune sur la nécessité du divorce. 

"Ma mère me disait : entretuez-vous, mais ne vous séparez pas, vivez mal mais ne vous séparez pas"

Maurizio Lombardo

À cette époque, de nombreux couples vivent alors dans la clandestinité et sont surnommés "I fuorilegge" (les hors-la-loi). C'est l'histoire de la famille de Tiziana Ricci Biscetti. À 8 ans, elle découvre avec sa soeur, que leur mère a un autre mari, qui 10 jours après leur union est partie s'installer en Australie. Elle tombe amoureuse de leur père biologique, mais comme elle n'est pas divorcée, celui-ci n'a aucune légitimité parentale en Italie. Une souffrance que Tiziana ressentira toute son enfance, à laquelle s'ajoute la honte qu'a dû endurer sa mère.

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Tiziana est une enfant de "Fuorilegge", de parents qui se sont aimés clandestinement dans les années 60. Elle nous raconte comment elle a découvert leur histoire et les conséquences que cette histoire a eu sur sa famille ©France 3 Corse ViaStella / Mareterraniu

La loi Fortuna-Baslini, vers la fin d'une société italienne contradictoire ? 

En 1965, l'évolution des mentalités en Italie permet au député socialiste Loris Fortuna de présenter un projet de loi sur le divorce. Une première étape qui plonge le pays dans une période transitoire, entre une volonté de modernité et le poids des traditions. Claudia Beltramo Ceppi Zevi a été confrontée brutalement à cette ambivalence. Elle a grandi dans une famille catholique stricte et, contre l'avis de son père, elle a choisi d'intégrer un lycée public. En 1966, elle écrit dans "La Zanzara", le journal du lycée, et elle décide de mener une enquête auprès des jeunes filles de son époque. La question est simple : à quoi pensent-elles ? Cet article a fait scandale. À 17 ans, elle a été convoquée par la police et a reçu des appels anonymes. Un procès pour corruption de mineurs et publications obscènes a eu lieu. Claudia sera acquittée, mais cette histoire, devenue un fait politique, a remis en cause l'Italie familialiste.

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En 1966, la jeune Claudia a décidé de faire une enquête sur les préoccupations des jeunes filles de son âge. Elle publie les résultats de son investigation dans le journal de son lycée, "La Zanzara". Le divorce y était évoqué… Ce fut un scandale ! ©France 3 Corse ViaStella / Mareterraniu
Le 1er décembre 1970, la loi Fortuna-Baslini est adoptée et permet de légaliser le divorce. Les parents de Luciana Castellina ont divorcé en 1930. Elle a vécu les moqueries et l'exclusion à l'école. Pour elle, cette loi arrive parce que la société italienne a déjà changé, parce qu'elle a accepté ce que la législation permet désormais. Contrairement aux autres pays européens, le divorce à l'italienne est basé sur la séparation effective. L'annulation du mariage ne peut être prononcée que si les époux prouvent qu'ils ne partagent plus leur vie pendant 7 ans. Un délai qui sera ramené à 5 ans, puis 3 ans en 1987 et qui représente un frein pour bon nombre de couples. Ce processus, long et compliqué, n'a pas engendré une explosion des divorces pour 3 raisons principales. D'une part, la majorité des femmes ne travaillant pas, sans moyens, elles étaient forcées de rester avec leur mari, même si elles étaient battues ou trompées. D'autre part, l'homme et la femme ne sont pas égaux devant la loi. Il faudra attendre la réforme du code de la famille en 1975 pour que les droits de la femme seule soient reconnus et 1981 pour que le délit d'honneur soit aboli. Enfin, les détracteurs de la loi Fortuna-Baslini, l'Italie anti-divorce et catholique portée par le parti démocratie chrétienne, ne se résignent pas et exigent un référendum. 
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Le 1er décembre 1970, la loi Fortuna-Baslini est votée. Luciana, fille de parents divorcés, revient sur les spécificités du divorce à l'italienne et nous rappelle que même après cette loi, le chemin fut encore long pour pouvoir divorcer sans risques en Italie. ©France 3 Corse ViaStella / Mareterraniu

Le premier référendum en Italie, c'était pour légaliser le divorce !

Le 12 mai 1974, 3 ans après le vote de la loi Fortuna-Baslini, le premier référendum de l'histoire de l'Italie est organisé. Les citoyens devaient se prononcer, non pas sur le divorce, mais sur la légitimité du texte législatif. Une complexité sémantique qui aurait pu amener à l'annulation de la loi. Le référendum a été suivi par 87,7 % des Italiens ayant le droit de vote. 59,3% des votants s'opposèrent à l'abrogation en légitimant ainsi de manière définitive le divorce en Italie. Une victoire écrasante, une défaite cinglante pour le cléricalisme et le parti de la démocratie chrétienne. Tiziana se rappelle de cette journée comme un souvenir heureux de son enfance, qui marque le début de belles années. Luciana était présente sur la place Navona pour fêter la victoire. Claudia s'est réjouie, car son engagement a participé à changer le monde. Quant à Maurizio, il a milité pendant la campagne électorale en faveur du divorce et a voté pour la première fois lors du référendum. Il se souvient du poids de l'Église dans les débats et du bonheur de gagner, comme on gagne un championnat de foot !

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Maurizio s'est engagé politiquement pour le divorce. Il se rappelle alors le discours de l'Eglise pendant la campagne électorale du référendum en 1974. Après cet événement, le vote est resté longtemps pour lui un acte indispensable. ©France 3 Corse ViaStella / Mareterraniu

Les témoignages actuels de Tiziana, Claudia, Maurizio et Luciana sont entrecoupés par des films de famille amateurs tournées au Super 8 et nous plongent avec nostalgie dans l'Italie des années 60/70.  Leurs histoires se croisent et tissent ensemble une fresque sur l'histoire de la légalisation du divorce en Italie. On découvre alors une société à la fois tendre, touchante et bouillonnante d'affirmer son besoin de modernité et de liberté.

📲💻📺 "Anni Belli", un documentaire écrit et réalisé par Anna-Francesca Leccia, coproduction France 3 Corse ViaStella / Mareterraniu, à voir mardi 7 octobre à 21h40 sur ViaStella. 
Disponible en replay sur France.tv

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