En Bretagne comme en Corse, la recrudescence des incendies contre les résidences secondaires

Des résidences secondaires incendiées, des voitures immatriculées dans une autre région endommagées voire détruites, et des tags régulièrement découverts à proximité des lieux des sinistres : en Bretagne comme en Corse, les actes hostiles "anti-visiteurs" se multiplient depuis maintenant plus d'un an.

La façade d'une maison située sur l'île d'Ouessant, dans le Finistère, taguée "PNB, la Bretagne aux Bretons, dehors les Français", le 8 mai dernier. Quelques jours plus tôt, dans la nuit du 4 au 5 mai, une voiture immatriculée 92 incendiée à Concarneau, avec cette fois les lettres "FLB" retrouvées dessinées sur la route. 

Un même sigle également retrouvé bombé sur plusieurs maisons incendiées, comme en janvier, sur la route touristique de Landunvez, dans le Finestère, en mai 2022, à Caurel, ou en mars 2022 à Perros-Guirec...

Depuis maintenant plus d'un an, et à l'image du nombre grandissant d'attentats contre des résidences secondaires en Corse, ces actions se multiplient en Bretagne.

Certaines cibles peuvent surprendre : la résidence à Ouessant, bien que secondaire, appartient à une famille de Bretons, propriétaires depuis des années sans en faire un usage locatif saisonnier. Tout comme la propriétaire de la voiture brûlée, nommée enseignante dans les Hauts-de-Seine, mais faisant régulièrement le trajet dans sa région d'origine.

Les polémiques résidences secondaires

En Bretagne, le sujet des résidences secondaires fait de plus en plus polémique. Selon une récente étude Insee, elles représentent 12% de l'ensemble des logements dans la région, soit 233.600 au total. Une proportion qui grimpe à 16% dans le Morbihan, et 14% dans les Côtes-D'Armor, contre 9% en moyenne pour la France métropolitaine. 

La Bretagne est de fait la 4e au rang des régions françaises dans ce domaine, derrière la Corse - avec plus de 30% de résidences secondaires sur l'ensemble de son parc immobilier -, la Provence-Alpes-Côtes-d'-Azur et l'Occitanie.

Si la plus grande partie des propriétaires de ces résidences secondaires sont Bretons (43%), 30% sont domiciliés en Ile-de-France, et 7% sont étrangers. Les ménages propriétaires de résidences secondaires bretonnes sont par ailleurs souvent nettement plus aisés que la moyenne, révèle cette étude Insee : 22% d'entre eux ont un revenu disponible annuel supérieur à 80.000 euros. À titre de comparaison, le revenu disponible médian des ménages français en 2018 était de 30.620 euros.

Enfin, ces villas sont souvent bien situées : plus de deux tiers des résidences secondaires se trouvent à moins de deux kilomètres des rivages, la proportion la plus élevée de France. Une situation qui peut attiser le mécontentement, dans une région au parc immobilier, qui plus est, souvent en tension.

Le Front de Libération de la Bretagne, quarante années d'activisme

Selon Ouest-France, le sigle "PNB" retrouvé le 8 mai sur la résidence île d'Ouessant serait vraisemblablement le sigle du Parti National Breton, un mouvement collaborationniste pendant la Seconde Guerre mondiale.

L'inscription "FLB", pour Front de Libération de la Bretagne, découverte sur les murs de maisons, engins de chantiers, ou à proximité de voitures incendiées, fait elle partie intégrante de l'histoire des mouvements clandestins régionaux.

Né sous l'impulsion de nationalistes bretons en 1963 et inspirée de l'IRA (Armée républicaine irlandaise), organisation autonomiste d'Irlande du Nord, le FLB annonce en 1966 dans un communiqué reprendre "le combat progressiste et révolutionnaire" pour la "liberté de la Bretagne et pour le droit des Bretons à rejeter le statut colonial afin de se gouverner lui-même".

Officiellement actif jusqu'en 1981, le mouvement enregistre pour son compte plus de 200 attentats contre des symboles de l'Etat. Le mouvement revendique ainsi, entre autres et sur la période, l'explosion qui a détruit une statue symbolisant "le rattachement de la Bretagne à la France", installée sur l'hôtel de ville de Rennes, rappelle l'INA, mais également l'incendie du Palais de justice de Saint-Brieuc, ou de celui des domiciles de deux parlementaires bretons, et l'explosion de divers émetteurs télévisés.

En 1972, onze militants du FLB, interpellés lors d'un attentat à l'explosif d'une villa appartenant à l'entrepreneur Francis Bouygues, près de Saint-Malo, comparaissent devant la Cour de sûreté de l'Etat. Tous sont condamnés à des peines de prison avec sursis et relâchés dans la foulée. En 1978, à la suite d'un attentat au château de Versailles, une nouvelle vague d'arrestations est organisée.

En 1981, dans une volonté d'apaisement, François Mitterrand décide à son arrivée à l'Elysée d'amnistier les dix-neuf militants indépendantistes bretons encore emprisonnés, donnant lieu à une période de trêve.

À partir de 1985, émerge alors ce qui semble être une filiale du FLB, le FLB-Armée révolutionnaire bretonne.

Quelques actions reprennent sporadiquement jusqu'au drame du 19 avril 2000  : une employée d'un restaurant est tuée par une bombe.

Bien que non revendiqué, les soupçons des commanditaires de cet attentat se portent immédiatement vers le milieu indépendantiste breton. Les procès n'ont toujours permis d'identifier le ou les poseurs de bombe. Mais les actions des organisations clandestines deviennent dès lors très épisodiques. 

Cela jusqu'au 23 novembre 2021, et la revendication par un groupe assurant être le FLB, par le biais d'un courrier transmis à France Bleu, de quinze incendies de résidences secondaires, entre 2017 et 2021. Puis en 21 mars 2022, avec la publication par le quotidien Ouest-France d'une lettre d'un groupe se présentant cette fois comme le FLB-ARB.

Nous concevons la lutte armée comme un complément à la lutte politique.

Un courrier dans lequel est exigée la tenue de deux référendums : l'un portant sur la réunification de la Loire-Atlantique à la Bretagne, l'autre sur "l'autonomie ou l'indépendance de la Bretagne réunifiée".

Communiqué dans lequel il est par ailleurs fait mention que "l'Armée révolutionnaire bretonne prend acte que le peuple corse n’est écouté par le gouvernement qu’à la suite d’actions violentes." "Nous concevons la lutte armée comme un complément à la lutte politique, continue le courrier. Ces référendums devront être réalisés avant le 31 décembre 2022, sans quoi l’ARB passera à l’action."

Vers un retour des violences clandestines ?

Faut-il voir dans ces actions, taguées ou non, revendiquées ou non, le retour d'un activisme breton ? Sans trancher sur le sujet, ces attaques ciblées font ressortir qu'au-delà de la Corse, la difficulté d'accès au logement et le sentiment de dépossession préoccupent dans plusieurs autres régions de France, notamment les zones en tensions. 

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