Bientôt un demi-siècle que les évenements d'Aleria ont eu lieu. Et pour Femu a Corsica, le temps est désormais venu de construire un espace dédié à "la conservation et la transmission de la mémoire" de cet épisode digne de ce nom. Une position soutenue par les autres mouvances nationalistes.
C'était le 21 août 1975. Des militants autonomistes entament l'occupation d'une cave appartenant à un viticulteur pied-noir d'Aleria, Henri Depeille. À leur tête, Edmond Simeoni, et son frère, Max. Objectif ? Dénoncer des "escroqueries dans le domaine viticole". Et s'opposer au régime fiscal et financier dont bénéficient les nouveaux producteurs de la région, rapatriés d'Afrique du Nord, au détriment de jeunes agriculteurs corses.
L'occupation ne durera que deux jours. Pour déloger les militants, le gouvernement mobilise 1 200 gendarmes, des CRS, 6 hélicoptères, et même des blindés. L'assaut est donné le lendemain. Deux gendarmes sont tués, et un militant de l'ARC est grièvement blessé.
Mémoire
Quarante-quatre ans ont passé, mais l'événement reste encore considéré par beaucoup comme l'un des actes fondateurs du nationalisme corse.
Et pour Femu A Corsica, il est aujourd'hui nécessaire d'assurer "la conservation et la transmission" de la mémoire de cette "date essentielle de l'histoire de la Corse et de son peuple". Dans un communiqué publié ce mercredi 21 août, le parti propose la construction d'un nouvel espace dédié au souvenir de cet épisode, sur le site de l'ancienne cave Depeille.
"Il faut garantir un espace foncier suffisant pour pouvoir à la fois se remémorer l'événement; mais aussi aborder les conséquences qu'il a eues"
Une stèle de verre commémorative a bien été inaugurée, le 22 août 2014, à proximité de l'endroit où s'est déroulé l'assaut meurtrier. Mais elle a depuis été considérablement dégradée.
Surtout que pour Jean-Felix Acquaviva, secrétaire national du parti, une stèle, c'est un bon début, mais il faut dorénavant aller "au-delà de ces mesures conservatoires": "Il faut garantir un espace foncier suffisant pour pouvoir à la fois se remémorer l'événement ; mais aussi aborder les conséquences qu'il a eues, notamment viticoles et culturelles; et le sens du message porté par les protagonistes de l'époque."
Réunion
Femu a Corsica invite donc l'ensemble des partis et mouvements "patriotiques", les acteurs des événements et leurs familles, et "les structures politiques, syndicales, associatives, acteurs culturels et citoyens de cette île attachés à la mémoire de ces évènements" à se réunir, dès septembre, à cette fin.
Il y sera question d'obtenir "au plus vite l'acquisition d'une emprise foncière significative sur le site d'implantation de l'ancienne cave Depeille" - aujourd'hui intégrés dans le périmètre d'une opération d'aménagement menée par la communauté de communes de l'Oriente -, et de "réfléchir au contenu du projet".
Forme architecturale, présence de supports photographiques, de textes, archives, muséographie... Tout sera ouvert à la discussion, tant que le projet finit par voir le jour. Et le plus tôt sera le mieux : le parti espère que "les premières concrétisations effectives de ce lieu de mémoire" pourront être présentées dès l'année prochaine, à l'occasion du 45ème anniversaire des événements d'Aleria.
"Reprendre le flambeau"
Longtemps, les événements d'Aleria ont été au centre de polémiques. Mais le député de Haute-Corse en est convaincu : les plus de quatre décennies qui ont passé se sont chargées d'apaiser les esprits.
"Le souvenir de cet événement est désormais moins clivant. Et à l'aune de grands débats nationaux sur la protection des terres et de l'environnement, les idées ont fait leur chemin."
Des propositions défendues par les militants autonomistes alors, qui aujourd'hui "transcendent les appartenances partisanes" et qui seraient mêmes reprises par "des Corses de tous les horizons".
Ce 44ème anniversaire est d'autant plus symbolique pour le parti autonomiste, qu'il est le premier célébré sans son principal acteur, Edmond Simeoni. Le fondateur de l'action régionaliste Corse est décédé le 14 décembre dernier.
"Les nationalistes à ce moment-là ont représenté le réveil d'une conscience avec une action forte et déterminante qui ensuite aura des conséquences, au-delà de ce qu'avaient prévu ceux qui participaient à cette action."
Pour Jean-Félix Acquaviva, il est du devoir des nationalistes "de reprendre le flambeau". Et de faire en sorte que le combat des "militants et militantes qui, depuis plus d'un demi-siècle se sont engagés, souvent au prix de leur liberté et quelques fois de leur vie pour une Corse émancipée, démocratique, protégée, et maîtresse de ses choix" continue à être transmis aux générations futures.
Aujourd'hui, les autres mouvances du mouvement ont fait connaître leur position, assez clairement. Et sans surprise, ils partagent la position de Femu à Corsica. Pour Eric Simoni, porte-Parole de Corsica Libera, "les nationalistes à ce moment-là ont représenté le réveil d'une conscience avec une action forte et déterminante qui ensuite aura des conséquences, au-delà de ce qu'avaient prévu ceux qui participaient à cette action. Nous sommes tous d'une manière ou d'une autre les enfants d'Aleria".
Même son de cloche chez Saveriu Luciani, membre de l'exécutif du Partitu di a Nazione Corsa, très remonté : "on est devant une profanation d'un lieu qui a motivé des milliers de nationalistes corses à s'engager dans un combat. C'est un terrain d'où partent des sacrifices, des deuils et des années de prison. On doit rendre aux enfants du peuple corse cette mémoire et reconstruire à l'identique la façade de cette cave".