Moins de touristes, arrêt momentané des marchés, annulation de grands événements comme le salon de l'Agriculture... La pandémie de Covid-19 touche durement le secteur apicole de Corse. Une situation qui contraint les professionnels à s'adapter, en développant, notamment, de nouveaux produits.
"Là, on va ajouter le miel dans la pâte à savon. On l’a fait chauffer avant pour mieux le diluer, sinon ça laisse des traces..."
Les mains gantées pour se préserver de la soude utilisée dans sa solution et les lunettes au bout du nez, Marie Collignon détaille précisément toutes les étapes nécessaires à la préparation de ses savons. Ingrédient spécial de la formule : un miel qu’elle a elle-même récolté. "On en met 5% dans la formule. Au-dessus, le savon devient trop humide, et ça donne du caramel."
Autrefois infirmière libérale, Marie Collignon s’est lancée dans l’apiculture en 2016, lassée des horaires à rallonge et séduite par la perspective d’un mode de vie "plus souple".
Cinq ans plus tard et à la tête de près de trois cent ruches en Balagne, l’apicultrice fabrique désormais et vend, au-delà de son miel, des produits dérivés du précieux nectar : baume à lèvres, bonbons, huiles, et surtout savons.
Et c’est ce dernier produit qui fonctionne le mieux : avec aujourd’hui dix formules à son actif – toutes testées par un toxicologue – et deux en attente de vérification, Marie Collignon se réjouit du succès de la savonnerie.
À un point tel qu’elle compte bientôt agrandir les locaux. "On en arrive à un stade où je vends presque plus de savons au miel que de miel tout court !"
Moitié moins de recettes en 2020
Problème, depuis quelques mois, les recettes sont en berne. La faute à la pandémie de Covid-19 et les conséquences qui en ont découlé. "Déjà, avec les confinements, les couvre-feux et les interdictions de rassemblement, pendant plusieurs mois, il n’y avait plus la possibilité de faire les foires, qui représentent une grosse partie de nos ventes. Ensuite, il y a eu moins de touristes, donc aussi moins de clients." La quarantenaire estime que le Covid-19 a fait baisser ses ventes de 50% en 2020.
"On a aussi commencé cette année avec des stocks restants, ce qui n’a jamais été le cas auparavant."
Dix jours de salon, c’est à peu près 6000 euros de recettes en vente simple, sans compter les prises de contact avec des enseignes ou des particuliers qui pourront plus tard passer commande.
Si les foires ont depuis repris, l’apicultrice se désole de l’annulation cette année de grands événements comme le salon de l’Agriculture, qui devait se tenir à Paris à partir de ce 27 février. "Dix jours de salon, c’est à peu près 6000 euros de recettes en vente simple, sans compter les prises de contact avec des enseignes ou des particuliers qui pourront plus tard passer commande", soupire-t-elle.
Une somme conséquente, qui représente habituellement deux mois de recette en été en écumant les marchés, en excluant les possibles achats directement en magasin.
"Le Covid est en train de nous tuer, tout simplement. Comme j’ai dit à mon banquier à mon dernier rendez-vous, moi, ce virus, j’aurais préféré l’attraper. Ça m’aurait fait moins mal."
Moi, ce virus, j’aurai préféré l’attraper. Ça m’aurait fait moins mal.
"Tirer le positif" de la pandémie
Un peu plus loin, dans la commune de Lama, la pandémie de Covid-19 a aussi impacté l'exploitation apicole d'Anthony et Maeva Ceccaldi. Apiculteurs depuis 7 ans et à la tête de 110 ruches, ils indiquent avoir été touchés dès le printemps 2020 avec la fermeture des boutiques. "La conséquence directe, c'est qu'on n'avait plus de commandes", se souvient la jeune femme.
Mais face à cette situation, elle raconte avoir souhaité tirer, autant que possible, "le positif" des restrictions sanitaires. "Faute d'avoir des commandes, on a pu développer notre service d'expédition, et de nouveaux outils. On a aussi développer plus de produits, comme des bonbons, nougats, gateaux au miel, qui nous ont permis d'augmenter le panier moyen des clients, et ainsi de compenser la baisse des touristes".
Faute d'avoir des commandes, on a pu développer notre service d'expédition, et de nouveaux outils.
Mieux, les commandes perdues en début d'année "se sont plus ou moins rééquilibrées par la suite, ce qui fait qu'on n'a pas constaté de grosses pertes de ventes".
Le couple d'apiculteurs l'admet néanmoins : s'ils tiennent financièrement le coup, c'est aussi parce qu'en plus des 2 tonnes de miel qu'ils produisent chaque année, ils exercent en parallèle d'autres activités agricoles. Ainsi, en dehors de l'apiculture, Anthony et Maeva Ceccaldi sont également à la tête d'une exploitation bovine et de cultures oléicoles. Anthony travaille également sur des vignes situées à Patrimonio.
Les jeunes agriculteurs que je connais sont quasiment tous en polyactivité comme nous, ou font aussi de la transformation.
"Aujourd'hui, on ne dispose pas du tout d'assez de ruches pour se permettre de n'être qu'apiculteur. Ce ne serait pas viable. Et les jeunes agriculteurs que je connais sont quasiment tous en polyactivité comme nous, ou font aussi de la transformation [comme des savons, ndlr]."
Une façon aussi de s'adapter à la crise économique et sanitaire, et survivre en dépit des difficultés.
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