Procès d’un vol avec séquestration devant les assises de Haute-Corse : la Défense plaide un verdict "juste" et "mesuré"

Le procès du cambriolage d’un couple de septuagénaires à leur domicile de Corbara, en mai 2017, a débuté lundi 29 novembre devant la cour d’assises de la Haute-Corse. La Défense fustige des peines excessives requises par l'avocat général. Le verdict devrait tomber en début de soirée.

Dernier jour du procès pour le cambriolage avec violences et séquestration survenu le 26 mai 2017 à Corbara, devant les assises de Haute-Corse. "Vous n’êtes pas que le glaive, vous êtes aussi la balance !" A l’instar de Me Joelle Acquaviva, conseil de Jean-Baptiste Gaffory, la Défense a exhorté les jurés à prononcer un jugement "juste", "mesuré"- réfutant la circonstance aggravante de "bande organisée" -, et adapté aux personnalités des accusés.

Pour l’ensemble des conseils des accusés, les peines requises par le Ministère public sont excessives : 4 ans pour Jean-Gabriel Del Piero, 6 ans pour Maxime D’Oriano, 8 ans pour Jean-Baptiste Gaffory, Anthony Rutily, et Andréa Gagliano.

"Jean-Gabriel Del Piero a été capable du pire, maintenant, la seule chose qui lui reste à reconstruire, c’est le meilleur"

Des plaidoiries débutées le mardi 7 décembre après midi, avec les conseils, en premier lieu, de Jean-Gabriel Del Piero, accusé d’être le chauffeur de l’équipe. Dans ce procès, l’accusé "a fait un pas vers les victimes", et les victimes l’ont fait en retour, estime Me Anna Livia Guerrini, qui salue "le courage et la dignité" des Romani.

"C’est un mélange d’immaturité et d’inconscience et l’envie d’avoir de l’argent facile" qui l’ont mené à commettre pareil acte, insiste l’avocate, lui qui est "un bon garçon", bien élevé et inséré socialement. "Il a été capable du pire, maintenant, la seule chose qui lui reste à reconstruire, c’est le meilleur."

Jean-Gabriel Del Piero, poursuit son second conseil, Me Marc-Antoine Luca, "a fait preuve d’une grande culpabilité", et rendu l’argent qu'il indique avoir touché aux victimes, "quand il s’est rendu compte que le « cambriolage » était bien pire que cela". "Il n’est pas un danger pour la société."

Maxime D’Oriano, un "gamin en proie à la culpabilité"

La défense de Maxime D’Oriano, portée par Me Nathalie Aïrola, s’émeut d’un "garçon gentil, généreux" qui a "commis un acte qu’il reconnaît lui-même d’inhumain : deux ou trois coups de pied portés à monsieur Romani." Un "gamin" en proie à une telle culpabilité, qu’il a accepté de livrer ses amis aux gendarmes, "ce qui n’a pas été simple pour lui, il l’a dit ici les larmes aux yeux".

Les faits, déplore l’avocate, "n’auraient jamais dû arriver. Cela ne ressemble pas à ces jeunes. Cela ne ressemble pas à Maxime D’Oriano."

Vous devez tenter de comprendre ce qui a poussé ce gamin ordinaire. Et comprendre, cela ne veut pas dire excuser.

Me Nathalie Aïrola, avocate de Maxime D'Oriano

Avant de solliciter les jurés : "Vous devez tenter de comprendre ce qui a poussé ce gamin ordinaire. Et comprendre, cela ne veut pas dire excuser. Vous tenez l’existence et les promesses de ce gamin entre vos mains. Jugez avec humanité."

Jean-Baptiste Gaffory "ne doit pas être renvoyé dans le séminaire de la délinquance"

Me Joelle Acquaviva voit elle en Jean-Baptiste Gaffory, son client, "un jeune qui voulait et attendait simplement d’être guidé, et a subi la pauvreté, la maladie de sa mère, le bizutage à l’école". 

Représentation, estime-t-elle, "d’une jeunesse corse en déshérence, sous l’emprise d’une société du superficiel, de l’instantanéité, et confronté à la banalisation sans vergogne du commerce de la drogue", Jean-Baptiste Gaffory a fait "un travail colossal au cours de sa détention provisoire", s’est inséré socialement, contribue au tissu associatif. 

"Jean-Baptiste Gaffory ne demande pas l’absolution, souffle Me Joelle Acquaviva, mais il ne doit pas être renvoyé dans le séminaire de la délinquance, derrière les barreaux, où le vice est la force". Elle encourage les jurés à prendre une décision "sage, utile et vecteur d’espérance".

Anthony Rutily, "un jeune homme tourmenté par le dégoût que lui inspire ses actes"

Dernier conseil à se présenter à la barre, mardi 7 décembre, Me Pierre Bruno, conseil d’Anthony Rutily. "C’est un jeune qui n’a jamais emprunté le chemin du monde de la délinquance jusque-là", assure l’avocat, qui regrette que la piste du commanditaire, largement débattue tout au long du procès, n’ait pas été plus creusée par les enquêteurs. Lui en est convaincu : "Il y a quelqu’un au-dessus, quelqu’un qui a fait que ces jeunes dans la normalité ont commis ce cambriolage". 

Un point de vue repris à la reprise d’audience, ce mercredi 8 décembre, à 9h, par Me Jean-Sébastien de Casalta, second avocat d’Anthony Rutily. 

Dans cette affaire, il constate "une délinquance aguerrie, professionnelle, qui exerce sa pression sur des proies faciles, des esprits immatures, influençables qu’elle recrute". "Cette affaire, c’est celle d’une instrumentalisation. « Il nous a envouté », disait Anthony Rutily, ce garçon solaire, éblouissant, sensible au sein de la jeunesse Ile-Roussienne."

Cette affaire, c’est celle d’une instrumentalisation.

Me Jean-Sébastien De Casalta, avocat d'Anthony Rutily

"Je plaide pour un jeune homme qui avait 21 ans [au moment des faits, ndlr], rongé par la culpabilité et tourmenté par le dégoût que lui inspire ses actes."

"Ces hommes ne sont que des bras maladroits de cette entreprise minable, alors que la tête responsable de cette affaire aura échappé aux foudres de la loi que eux seuls seront amenés à supporter". Dans ce cadre, la proposition de peine de l’avocat général ne semble "pas en concordance" avec les faits et les débats, tranche Me Jean-Sébastien De Casalta.

"Si Andréa Gagliano n’a pas parlé, c’est parce qu’il n’a rien fait"

Vient enfin le tour des conseils d’Andréa Gagliano, seul des cinq accusés à nier depuis les prémices de l’enquête les accusations portées à son encontre.

Andréa Gagliano, entame Me Celine Pianelli-Coque, "est innocent". "Est-ce que c’est parce qu’il est seul que vous allez devoir douter de lui ? Est-ce que c’est parce qu’il n’a rien à dire que vous aller douter de son geste ?"

"La seule chose que vous avez, tonne-t-elle aux jurés, c’est un nom balancé par Maxime D’Oriano, celui qui perd patience, est violent [ Maxime D'Oriano a admis avoir donné plusieurs coups de pied à Jean-Pierre Romani, ndlr], un nom donné par une balance ! Et ce serait au nom de ça et seulement ça que vous iriez condamner ?" Le nom d’Andréa Gagliano, s’interroge-t-elle, n’a-t-il pas pu être avancé "pour protéger une autre personne ?"

"Est-ce que c’est parce qu’il est seul que vous allez devoir douter de lui ? Est-ce que c’est parce qu’il n’a rien à dire que vous aller douter de son geste ?

Me Céline Pianelli-Coque, conseil d'Andréa Gagliano

S’il Andréa Gagliano n'a rien à dire, et n’a été que peu loquace tout au long du procès, insiste son conseil, "c’est parce qu’il n’a rien fait". Me Celine Pianelli-Coque fusille une accusation "faiblarde, défaillante, absente" qui s’est raccrochée aux déclarations de Maxime D’Oriano, sans apporter "la charge de la preuve".

Des critiques à l’encontre de l’avocat général reprises, avec une plus grande violence, par Me Caroline Peres-Canaletti. Le réquisitoire de Frédéric Metzger, assène-t-elle, était "rempli avec du vide". "Vous vous êtes contenté, s'emporte-t-elle, tournée vers le représentant du Ministère public, de balayer avec quelques mots les auteurs qui ont reconnu les faits, et vous êtes consacré à Andréa Gagliano", sans apporter de preuve décisive de son implication. "Vous avez salué « le courage » de Maxime D’Oriano. Mais être une balance, ce n’est pas du courage ! Maxime D’Oriano n’a pas parlé pour soulager sa conscience, mais parce qu’on a trouvé son ADN."

"On nous dit, reprend-t-elle, toujours au sujet de Maxime D'Oriano, qu'il a aidé à apporter la vérité. Mais c'est faux, c'est un menteur !"

On ne peut décemment pas le condamner à 8 ans parce qu'il s'est tu.

Me Caroline Peres-Canaletti, conseil d'Andréa Gagliano

Défendre Andréa Gagliano n’a pas été une tâche facile, déclare-t-elle. Lui qui n’est pas apparu sympathique, a été décrit comme manquant d’empathie lors d’une enquête psychiatrique, est paru désinvolte lors de ses passages à la barre. Mais "on ne peut décemment pas le condamner à 8 ans parce qu'il s'est tu".

"Je sais que vous ne m'aimez pas, conclut Me Caroline Peres-Canaletti face aux jurés. J'ai le verbe haut, et vous n'attendez que de me contredire. Mais moi je vous demande de me contredire, parce que je fais confiance à la cuisine de mon pays mais pas à la justice. Contredisez-moi, et pour cela, je vous demande de dire non à la culpabilité d'Andréa Gagliano !"

Les conseils d’Andréa Gagliano demandent l’acquittement.

Les magistrats et jurés se sont retirés pour délibérer sur les coups de 12h30. Le verdict est attendu en fin d'après-midi, voire en début de soirée.

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