Parmi les prévenus, les frères Richard et Christophe Guazzelli, fils de Francis Guazzelli, figure de la Brise de Mer, assassiné en 2009. Les débats s'ouvrent lundi 13 juin.
L'affaire concerne un trafic de grande ampleur, entre la Corse, Marseille et Paris, révélé à la suite d'un renseignement anonyme qui parvient à la police judiciaire de Bastia le 11 juillet 2014.
La procédure fait état d'un informateur qui évoque un "trafic de stupéfiants de grande envergure entre le continent et la Corse, et plus particulièrement sur la région bastiaise", monté par une équipe d'individus "parfaitement bien implantés sur l'île, issus de la frange supérieure du banditisme insulaire (...) et disposant de solides relais continentaux pouvant les approvisionner sans limites à la demande".
"Deux Christophe"
L'informateur mentionne "deux Christophe", qui joueraient un rôle central dans ce trafic.
Très vite, les enquêteurs portent leur attention sur deux jeunes hommes bien connus de leurs services : Christophe Guazzelli, l'un des deux fils de Francis Guazzelli, et Christophe Andreani, originaire du même village que lui, La Porta, en Castagniccia.
Une surveillance est mise en place, et des micros et des balises sont placés sur des voitures. Les enquêteurs vont également s'attacher à décrypter les messages chiffrés par un système de PGP, ou Pretty Good Privacy, et échangés par les individus surveillés.
Pensant être en circuit fermé, ces derniers évoqueraient le trafic, à l'image de ce SMS envoyé par Christophe Guazzelli, le frère de Richard, à un présumé client : "Tu vas leur remonter... Et tu verras à combien ils l'ont touchée, la bédo".
Durant les mois suivants, plusieurs épisodes "présentant toutes les caractéristiques d'une livraison volumineuse de produits pouvant être des stupéfiants" sont constatés par les policiers.
Squatteurs
Trois ans plus tard, en octobre 2017, l'enquête va connaître un coup d'accélérateur inattendu. Le propriétaire italien d'une villa à Saint-Florent se plaint aux autorités de la présence de squatteurs chez lui. Les gendarmes, qui se rendent sur place, découvrent 60 kilos de résine de cannabis dans des sacs de supermarché, une grosse somme d'argent en petites coupures, et ce que la procédure désigne comme "la parfaite panoplie du trafiquant de produits stupéfiants" : vêtements, gants et casquettes de couleur noire.
Sur les blocs de résine de cannabis, les enquêteurs identifient l'empreinte génétique de Richard Guazzelli. Sur les liasses de billets, l'ADN de Christophe Andreani.
Double assassinat à Poretta
Quelques semaines plus tard, en décembre 2017, l'affaire va prendre une tout autre tournure.
Les enquêteurs ont retrouvé la trace des suspects, qui se sont réunis dans une petite maison, à Tollare, dans le Cap Corse. Un dispositif de surveillance est mis en place. Le 4 décembre, à 16h04, Les enquêteurs suivent une Golf noire dans laquelle se trouveraient, selon eux, les frères Guazelli et un troisième homme, avant de perdre la trace du véhicule.
Le lendemain matin, alors que les policiers cherchent à retrouver la voiture et ses occupants supposés, ils apprennent qu'une fusillade à eu lieu devant l'aéroport de Bastia-Poretta, faisant deux victimes, Antoine Quilichini et Jean-Luc Codaccioni, fichées au grand banditisme. Les faits ont été commis, selon le procès-verbal de surveillance, par "plusieurs individus circulant à bord d'une Volkswagen Golf noire récente".
En début d'après-midi, à 14h24, le véhicule est retrouvé, calciné, sur la commune de Piedicrocce.
Le 12 décembre 2017, Richard et Christophe Guazzelli sont arrêtés à Porto-Vecchio, et mis en examen. Ce sera également le cas pour Christophe Andreani, et plusieurs autres personnes, au fil des différentes interpellations qui se sont succédé durant plusieurs mois.
Pour les magistrats de la Juridiction Interrégionale Spécialisée (Jirs), en charge du dossier, "les revenus tirés du trafic de stupéfiants devaient notamment permettre le financement de la mise en fuite des personnes concernées par la commission des assassinats passés ou projetés" .
Procédures disjointes
Les deux procédures ont, depuis, été disjointes. C'est les faits de trafic de stupéfiants qui seront jugés à parti du lundi 13 juin devant le tribunal correctionnel de Marseille. 23 personnes sont appelées à comparaître.
En ce qui concerne le double homicide de Bastia-Poretta en 2017, deux juges d’instruction de la JIRS de Marseille ont décidé de renvoyer dix-sept personnes devant la cour d'assises des Bouches-du-Rhône.