Moins de 48 heures après que trois bateaux - dont deux appartenant à des institutions publiques – ont été ravagés par les flammes dans le port de Saint-Florent, l’enquête ne fait que commencer. Ce vendredi, le Parc naturel marin du Cap Corse et de l’Agriate, dont l’embarcation a brûlé, a déposé plainte. Ces derniers mois, le port du Nebbiu a été le théâtre de plusieurs incendies.
À Saint-Florent, les trois bateaux détruits par les flammes mercredi 3 janvier sont toujours dans le port. Mises sous scellés par la Gendarmerie, les embarcations sont entourées de feuilles absorbantes faisant partie du dispositif antipollution, rapidement déployé par les personnels du port après le sinistre.
"Quand nous sommes arrivés sur les lieux mercredi soir, il y avait de la fumée noire, ça sentait très fort, explique Andrea Louis, grutier au port. Nous avons surtout été choqués de la scène. On ne sait pas quel bateau a brûlé en premier. On va laisser les gendarmes s’occuper de cela."
Ce sont ceux de Saint-Florent et de la section de recherches qui sont chargés des investigations. Depuis 48 heures, peu d’éléments ont filtré.
Jeudi, le procureur de la République de Bastia a ouvert une enquête "pour dégradations et destructions par moyens dangereux", précisant "qu'à ce stade des investigations, l’origine du feu n’est pas déterminée".
Pour l’heure, si aucune piste n‘est privilégiée par les enquêteurs, "l’acte criminel serait sérieusement envisagé", glisse une source proche du dossier.
Plainte déposée
Sur les trois bateaux ravagés par les flammes, l’un appartient à un particulier. Selon nos informations, l'embarcation avait été prise en charge cet été à la suite de problèmes mécaniques et devait regagner son port d’attache dans les prochains jours.
Les deux autres vedettes sont quant à elles la propriété d’institutions publiques : la Direction du littoral et de la mer et le Parc naturel marin du Cap Corse et de l’Agriate.
Acheté 280 000 euros il y a 3 ans, le semi-rigide du Parc Marin "n’est plus utilisable", dixit Anne-Laure Santucci, vice-présidente de l’institution. "Il servait à faire de la sensibilisation, des missions scientifiques et de la police. Mais d’ores et déjà, un deuxième bateau est en cours de commande. Il sera bientôt à l’eau. Le travail continue, plus que jamais."
Et Anne-Laure Santucci d’ajouter : "ce matin, la directrice du Parc Marin (Madeleine Cancemi, ndlr) a porté plainte à la gendarmerie de Montesoro. L’enquête va suivre et nous allons attendre ses conclusions. C’est la première fois qu’un tel incident nous arrive et c’est la première fois que nous portons plainte."
Plusieurs incendies
Depuis l'an dernier, dans la région du Nebbiu, les incendies criminels ne sont pas rares. Notamment sur le port de Saint-Florent, où des bateaux ont déjà brûlé.
"C’est déjà arrivé il y a un an (le 30 janvier 2023, ndlr) et il y a quelques mois (le 21 juin), fait remarquer Claudy Olmeta, le maire de la commune. On découvre après si c’est accidentel ou pas, mais cela arrive. On ne sait pas ce qui se passe à chaque fois. On n’a pas connaissance du résultat des expertises et autres."
En juin dernier, plusieurs bateaux avaient été aspergés d’essence sur le quai réservé aux vedettes des promenades en mer. L’une des embarcations avait pris feu. Le parquet de Bastia avait ouvert une enquête pour "destruction par moyen dangereux pour les personnes et violences aggravées".
Le 17 juillet dernier, c’est cette fois un bâtiment public qui était la cible des incendiaires sur la commune voisine de Santo-Pietro-di-Tenda. La guérite d'accès à la plage de Saleccia, mise en place pour contrôler et réguler les flux, avait été détruite par les flammes. L’acte criminel laissait peu de doute et visait, là aussi, des institutions publiques, à savoir le Conservatoire du littoral et la mairie.
Pourrait-on établir un lien formel entre ces différents incendies qui s’inscrivent dans un contexte de régulation de la fréquentation touristique dans le golfe de Saint-Florent, voulue par le Parc Marin ?
"Les enquêtes sont en cours et il n’est pas, à ce stade, établi de relation entre ces faits", répond le procureur de la République de Bastia.
Concernant les bateaux détruits par le feu mercredi soir, celui des Affaires maritimes appartient aux services de l'État :
"Il y a une enquête judiciaire en cours, indique le préfet de Haute-Corse, Michel Prosic. C’est elle qui nous permettra de définir d’où part exactement l’incendie, ce qui permettra ensuite d’avoir les bonnes hypothèses de travail."
Charge désormais aux gendarmes de définir laquelle des trois embarcations aurait pu être visée en premier lieu.
"Tout le port est couvert de caméras, indique le maire, Claudy Olmeta. Les vidéos seront dès lundi à la disposition des services concernés. On verra si on en saura plus."
Pour le moment, les investigations se poursuivent autour des épaves des trois bateaux calcinés. "Après l’enquête, ça sera à nous de jouer et de les sortir de l’eau grâce à notre grue, précise Andrea Louis. On va essayer de tout nettoyer pour que le port reste propre."
Le reportage d'Élise Regaud et de Typhaine Urtizverea :