Durant trois jours, la secrétaire d'Etat chargée de l'économie sociale et solidaire et de la vie associative va arpenter la Corse alors que les relations entre la majorité nationaliste et Paris sont au point mort.
"Ecoutez, en tout cas, j'ai eu la permission de l'Elysée et de Matignon de venir en Corse", répond Marlène Schiappa, sourire aux lèvres, alors que la presse lui demande, pour la troisième fois, si l'on doit voir un signe positif dans sa venue sur l'île.
L'insistance des journalistes insulaires est compréhensible. Marlène Schiappa est la première membre du gouvernement à venir en Corse depuis la visite de Gérald Darmanin, en août dernier.
Au cours des six derniers mois, le climat, déjà pas au beau fixe, s'est singulièrement tendu. Le ministre de l'Intérieur, également en charge du dossier corse, a annulé deux visites consécutives, et les réunions parisiennes qui devaient tracer le chemin d'une possible autonomie ont été interrompues.
Gages de bonne volonté ?
La présence de la secrétaire d'Etat en Corse ne suscite pas d'attentes particulières, autant du côté de la presse que de celle de la majorité nationaliste.
Personne ne croit que Marlène Schiappa annoncera la reprise des négociations. Elle est chargée de l'économie sociale et solidaire et de la vie associative.
Et à la salle des fêtes de Borgo, où elle était en début d'après-midi pour remettre des chèques à des associations au nom de la CPAM, elle n'a pas manqué de le rappeler : "je ne suis pas en charge du dialogue institutionnel, mais j'ai toute confiance en Gérald Darmanin et Gilles Simeoni pour mener cette discussion à bien, et parvenir à aboutir à des résultats".
Pour autant, Marlène Schiappa peine à rester totalement sur la réserve. Elle glisse rapidement, pour celles et ceux qui l'ignoreraient encore, qu'elle est d'origine corse, et qu'elle a un lien affectif avec l'île.
Beaucoup, en Corse, défendent leur culture et leurs valeurs de la manière la plus sereine et pacifique possible.
Marlène Schiappa
Elle l'affirme, elle est ici pour "valoriser ce qui s'y fait, et rencontrer des gens incroyables qui méritent d'être soutenus". Et ne manque pas de souligner la manière "théorique" dont Paris, parfois, peut voir les réalités de l'île où beaucoup tentent de "défendre leur culture et leurs valeurs de la manière la plus sereine et pacifique possible".
En cette première journée de visite, la membre du gouvernement se livre à une véritable défense et illustration de la Corse. La prochaine étape de la visite de Marlène Schiappa est le Palazzu Naziunale, à Corte, siège de l'éphémère nation corse au XVIIIe siècle. C'est dire...
'Hors contexte"
Mais Marlène Schiappa n'est pas Emmanuel Macron, ni Gérald Darmanin. Et avoir une possible alliée corso-compatible au gouvernement ne suffira pas à faire pencher la balance.
La ministre est hors contexte, elle trace son propre sillon mais les choses se passeront ailleurs, à un autre niveau.
Michel Castellani, député
Un peu plus tôt, à sa descente d'avion, la secrétaire d'Etat s'était arrêtée au stade Armand Cesari, pour saluer la création de la SCIC du SC Bastia, géré sous forme de coopérative. Et si nombre d'élus nationalistes s'étaient faits excuser, Michel Castellani, supporter de la première heure, avait fait le déplacement.
Et pour lui, les choses sont claires : "la ministre est hors contexte, elle trace son propre sillon mais les choses se passeront ailleurs, à un autre niveau. Le dialogue officiel ne reprendra qu'au moment où Ferrandi et Alessandri seront libérés. Ca c'est clair, c'est formel, c'est dit, c'est signé. On ne demande rien d'autre que l'application de la loi concernant ces deux personnes".
En Corse, en ce moment, le terrain est miné, et Marlène Schiappa le sait bien. Lorsqu'on l'interroge sur le sujet des prisonniers, la secrétaire d'état, en vraie politique, ménage la chèvre et le chou : "il m'a déjà été reproché, par le passé, de me mêler de justice, dans le domaine corse comme dans celui du féminicide. J'ai appris de mes erreurs, je respecte une stricte séparation des pouvoirs, et je ne vais pas me prononcer".
Avant d'ajouter : "mais chacun connaît ma position, je me suis déjà exprimée sur le sujet". Pas vraiment, après vérification.
Si Marlène Schiappa a dit, à plusieurs reprises, qu'elle était attachée à l'idée que les personnes incarcérées puissent avoir accès à leur famille plus facilement, elle n'a pas pris position sur les récentes décisions de justice, et sur la question de la semi-liberté de Ferrandi et Alessandri.
Ce matin, Michel Castellani n'était pas le seul élu nationaliste à avoir fait le déplacement. Marie-Antoinette Maupertuis était également présente à Furiani. La présidente de l'Assemblée de Corse s'est entretenue un long moment avec Marlène Schiappa, à l'écart des micros, après le dépôt d'une gerbe devant la stèle du 5 mai. Rien n'a filtré de ces échanges.
Une nouvelle preuve que les discussions informelles entre Paris et la Corse n'ont pas cessé, comme la majorité nationaliste le souligne régulièrement. Mais il y a encore loin jusqu'à la reprise d'une discussion officielle.