En 2017, le Parti Radical de Gauche et le Parti Radical Valoisien fusionnaient, pour donner naissance au Parti Radical Social Libéral. Emile Zuccarelli en est désormais le leader en Corse. Problème, tous les radicaux insulaires pourraient ne pas l'entendre de cette oreille.
Le 3 février dernier, le bureau national du Parti Radical Social Libéral désignait Emile Zuccarelli délégué territorial pour la Corse. Dans la foulée, une fédération territoriale de Corse était constituée, avec les fidèles de toujours, Jean Zuccarelli, Jean-François Paoli, Hélène Salge, Juliette Dominici... Sans surprise, les huit membres-fondateurs ont élu Emile Zuccarelli président.
Un spectaculaire retour sur le devant de la scène pour l'ancien maire de Bastia, mais également ancien député de Haute-Corse et ancien ministre. Emile Zuccarelli avait en effet pris sa retraite en 2014, au terme d'un quart de siècle à la tête de la municipalité. Sa courte réapparition dans le jeu politique, à l'occasion des élections municipales de 2020, n'avait pas échappé à grand monde, mais elle ne laissait rien présager de tel.
Une étape importante de franchie, porteuse d’espoir pour tous les Radicaux et ceux qui partagent nos valeurs. Heureux qu’autour d’E.Zuccarelli soient réunis mes amis JF.Paoli (VP), A.Guidicelli (Trésorier), H.Salge (Secr.Gén), J.Dominici, Eliane Lapadu, et Jean Darius Saliceti. https://t.co/sEhuMXfIX6
— Jean Zuccarelli (@JeanZuccarelli) April 8, 2021
"Je tiens pour un honneur et un devoir de faire revivre dans notre île le plus ancien parti de France, celui de Clémenceau et de Mendès-France. Nombre de Corses s'y sont illustrés tant au plan local que national", écrit Emile Zuccarelli dans le communiqué de presse qui officialise la démarche, et signe son retour.
"Le bureau national s'est dit qu'ils avaient un homme tout trouvé, par son expérience, sa connaissance du terrain, et son engagement", confie Jean-François Paoli, vice-président de la fédération territoriale de Corse.
Celui qui a longtemps été l'une des figures de proue insulaires du PRG, et même au-delà, puisqu'il a été président du mouvement, au plan national, entre 1989 et 1992, redeviendrait donc l'homme fort des radicaux en Corse...
Le Mouvement Radical face au Parti Radical ?
Pas si simple. Malgré ce que laisse imaginer le titre du communiqué de presse, "le radicalisme revit en Corse", ce dernier n'était pas pour autant mort sur l'île.
Pas pour une partie du mouvement, en tout cas. Il y a fort à parier, par exemple, qu'Anthony Alessandrini, président du Parti Radical de Gauche en Haute-Corse depuis 2016, ne partage pas vraiment le diagnostic d'Emile Zuccarelli.
Tentons d'y voir plus clair. Il y aurait désormais deux mouvements se revendiquant des radicaux en Corse :
- Le mouvement Radical, porté par Emile Zuccarelli.
- Le PRG, dont l'homme fort est Anthony Alessandrini.
Tout cela ne semble pas si incohérent. Les deux hommes n'étaient pas vraiment sur la même longueur d'onde depuis des années. Anthony Alessandrini, lors de la campagne au sein du PRG qui l'avait mené à la tête de la fédération de Haute-Corse, n'avait pas épargné la vieille garde radicale. Sur le plateau de Cunstrastu, en mars 2016, le maire d'Antisanti déclarait :
"Nous avons tout gagné pendant des années. Ce qui arrive aujourd'hui est le fruit d'un long processus de décomposition et de destruction. Les divisions puis le choix de remplacer les élus qui portaient des idéaux par d'autres choisis pour leur valeur comptable ont conduit à ce résultat. L'ouverture à droite décidée par Paul Giacobbi lui a été fatale et ceux qui ont fait la gauche ont été progressivement écartés. Émile Zuccarelli a fait présenter son fils à la municipale Bastiaise et on connaît le résultat. Gilles Simeoni s'est emparé de la première marche qui l'a conduit jusqu'à Ajaccio (...). Paul Giacobbi et Emile Zuccarelli ont amené tous les deux leur camp à sa perte et doivent en assumer la responsabilité."
Les deux figures du PRG mises en cause n'avaient même pas fait acte de présence lors des élections du mois de juin au sein du parti. Le divorce semblait consommé. Et le soutien apporté par le PRG insulaire à Jean-Sébastien de Casalta, lors du premier tour des municipales bastiaises de 2020, face à Jean Zuccarelli, n'avait rien fait pour apaiser les tensions.
Déjà, alors que le Mouvement Radical, de Paris, soutenait quant à lui la liste Zuccarelli, on pouvait même voir poindre les prémices de la situation actuelle.
Une scission locale, mais pas uniquement
La guerre fratricide des radicaux n'est pas propre à la Corse. Au plan national, la création du Mouvement Radical ne s'est pas faite sans heurts.
C'est ce que l'on nous explique au siège du nouveau parti, à Paris : "En 2017 le PRG et le Parti Radical Valoisien se sont rapprochés, jusqu'à se réunifier. Mais certains, au PRG, n'ont pas accepté de la fusion, et ont refusé de rejoindre le Mouvement Radical. Et d'autres, qui avaient à l'origine joué le jeu, sont repartis."
A l'image de l'ancienne ministre Sylvia Pinel, qui co-présidait la nouvelle entité, avant de claquer la porte en 2019. Ces dissidents, qui préfèrent se définir comme "reconstructeurs", expliquaient qu'un profond désaccord existait "sur la ligne politique, notamment vis-à-vis de la majorité présidentielle".
Guillaume Lacroix prenait alors la tête de ce PRG reparti comme il était venu, et bien décidé à marquer sa différence avec le Mouvement Radical...
eLa page de la réunification des Radicaux est tournée.Le #PRG se reconstituera le 16 mars pour refonder le centre-gauche et défendre un projet européen fédéraliste, seul capable de réhabiliter l'Europe. #Indépendance pic.twitter.com/vqGK72l8J3
— Guillaume Lacroix (@Lacroix_PRG) March 9, 2019
Au MR, on le reconnaît, avec une certaine perfidie : "il y a donc toujours un Parti Radical de Gauche. Diminué, certes, mais il existe..." C'est dans ce courant que s'inscrirait logiquement, en 2021, Anthony Alessandrini.
Mais nous en sommes réduits à de simples suppositions, n'ayant pas réussi à joindre le président du PRG de Haute-Corse.
Du côté du MR insulaire, en revanche, on affirme clairement ses positions. Les radicaux, en corse, aujourd'hui ce sont eux, comme nous l'explique Jean-François Paoli : "Anthony alessandrini a eu à l'époque des mots très durs mais c'était il y a quelques années. Il est le bienvenu s'il a envie de discuter, et de savoir qu'elle place il peut prendre dans le grand mouvement radical, il n'y a pas d'exclusion, mais on n'est pas là pour forcer la main de quiconque."
Les Territoriales en ligne de mire ?
La gauche corse pourrait néanmoins au cours des prochains mois, être plus pluriel que jamais.
Dans le communiqué de presse d'Emile Zuccarelli, hormis le message envoyé par le titre, rien ne fait allusion à cette rivalité. Il prend soin de rappeler, néanmoins que le mouvement qu'il représente est, "depuis toujours, et le premier dans le temps, le parti de la République", celui de "la Laïcité", celui d'une "Europe garante de paix (...) et d'indépendance."
Mais ce sont les dernières lignes du communiqué qui retiennent le plus l'attention. Et qui ne sont pas, elles, adressées aux Radicaux d'en face, mais à Gilles Simeoni et aux nationalistes.
"Dans notre île en perte de repères, soumise à une gouvernance nationaliste erratique, aux objectifs préoccupants, la parole Radicale est plus que jamais nécessaire".
Voilà qui sonne comme une feuille de route, voire une esquisse de programme, à l'approche des prochaines Territoriales. Et qui laisse entrevoir une possible candidature d'Emile Zuccarelli, alors que les radicaux, en 2017, n'avaient pas présenté de liste.
De là à imaginer, vues les circonstances, une gauche radicale réunie derrière l'ancien député de Haute-Corse en juin prochain, il y a un monde...
Pas vraiment de bon augure quand on se rappelle les modestes résultats enregistrés lors des récentes échéances électorales par le courant radical insulaire. Une division des troupes risque fort de ne pas aider à peser de nouveau, enfin, dans les urnes.