Rassemblement à Bastia : #Iwas, le hashtag qui libère la parole, dans une société taiseuse

300 personnes, essentiellement des jeunes filles, ont défilé en fin de journée, ce dimanche 21 juin, du palais de justice de Bastia à la préfecture pour protester contre les violences sexuelles.

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En tête de cortège, un immense drap blanc, sur lequel on peut lire, "Protégeons nos filles" en lettres rouges et en dessous, "Éduquons nos fils", en lettres noires. Les mains qui tiennent cette banderole improvisée ont entre 17 et 22 ans, pour la plupart, c’est la première fois qu’elles manifestent.

Il y a 10 jours, elles s’étaient retrouvées spontanément sur les réseaux sociaux, pour raconter l’insoutenable. Ce que l’on nomme pudiquement agression sexuelle, comme s’il fallait habiller la réalité avec des circonlocutions et des périphrases. Parmi ces "gamines", plusieurs ont été violées et elles portent en plus des souffrances physiques, un poids moral devenu insoutenable. C’est ce qu’elles sont venues dire ce dimanche 21 juin après-midi dans les rues de Bastia, avec leurs mots et leurs pancartes.

Il y aussi les slogans, comme "Prenez nos plaintes", qui visent l’institution judiciaire et les services de police et de gendarmerie

Les larmes roulent sur les joues, au fur et à mesure que le cortège progresse et que les slogans montent. "Nous sommes fortes, nous sommes fières et féministes et radicales et en colère", chantent-elles de leurs voix juvéniles. Il y aussi les slogans, comme "Prenez nos plaintes", qui visent l’institution judiciaire et les services de police et de gendarmerie, accusés par les manifestantes de classer sans suite les plainte pour viol, ou de faire trainer les procédures.

Ou encore "La honte change de camp", référence faite au mouvement #Iwas, ce hashtag, apparu aux États-Unis le 1er juin dernier et relayé en France trois jours plus tard. Plus de 50 000 témoignages ont déjà été publiés sur les réseaux sociaux et en Corse, la vitesse avec laquelle le phénomène s’est propagé a surpris par son ampleur inédite, dans une société taiseuse, qui cultive l’omerta.

#Iwas, accolé à l’âge des victimes, raconte avec des détails parfois insoutenables, les attouchements, les viols, les agressions. Les agresseurs présumés sont souvent des proches, voire des membres de la famille des victimes. L’élan suscité par #Iwas pourrait inciter celles qui n’ont pas osé franchir les portes d’un commissariat à déposer plainte.

Et pour celles qui l’ont déjà fait, à relancer les procédures auprès de la justice, afin que leurs dossiers ne prennent plus la poussière sur les étagères des cabinets d’instruction. #Iwas, un phénomène qui rappelle les hashtags #Metoo et #Balancetonporc après l’affaire Weinstein aux États-Unis.

Anais, 22 ans, deux fois victime de viol à 19 et 20 ans : « On est une génération qui a envie de faire bouger les choses »

"L’élément déclencheur, c’est le hashtag #Iwas sur lequel nous avons reçu énormément de témoignages de jeunes filles et de jeunes garçons corses. On a donc pris l’initiative de faire cette mobilisation car la parole a commencé à se libérer, et cette mobilisation permet d’élargir le public qu’on veut toucher. Les jeunes filles ont peur des agresseurs et de leurs familles, comme la plupart d’entre nous. Mêmes celles qui ont porté plainte, au départ, elles ont eu peur. Il faut leur montrer qu’elles ne sont pas seules.

Avez-vous l’impression d’être entendus face à un gendarme ou un policier ? On n’est pas prises au sérieux. Ils se permettent souvent de nous faire des remarques sur notre tenue ou sur nos photos sur les réseaux sociaux. 

Le viol, ça détruit des vies. Mais on est une génération qui a envie de faire bouger les choses. Tout ce monde qui est venu, aujourd’hui, c’est magnifique. On ne s’attendait pas à voir autant de monde, victimes comme non victimes. Et puis, on ne fait pas de différenciation entre les victimes et les non victimes. (Sur les viols dont elle a été victime) Je n’ai pas déposé plainte par peur et honte, parce que la honte prend le dessus. On culpabilise beaucoup, et c’est difficile de franchir le pas de la justice. Aujourd’hui, je suis prête à le franchir."

Lina, 18 ans, victime de viol à 15 ans : "Le viol est un crime, il faut arrêter de le banaliser"

"C’est important de continuer (à prendre la parole). C’est un ras-le-bol général. Au niveau judiciaire, on n’est pas écoutées. La plupart des plaintes sont mises de côté ou classées sans suite. Il est temps de faire quelque chose et de lever la voix. On fait ça aussi pour que toutes les jeunes qui ne sont pas allées porter plainte sachent qu’elles ne sont pas seules.

Il y a des gens derrière, et la justice doit être rendue pour ces victimes. Le viol est un crime, il faut arrêter de le banaliser. J’ai une plainte en cours, j’ai 18 ans et cela s’est passé lorsque j’avais 15 ans. Ce qui m’a décidé à porter plainte ? Savoir que je ne suis pas seule, on est accompagnées et on veut un vrai changement."

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