Le seul sujet qui a provoqué quelques remous dans une séance du Conseil municipal par ailleurs très calme n'était pas à l'ordre du jour : les manifestations violentes des derniers jours.
Le vote du budget primitif, c'est toujours un moment fort de la vie du Conseil municipal. Mais à Bastia, hier soir, ce ne sont pas les finances de la ville qui ont donné lieu à des éclats de voix.
Dès la session ouverte, Jean-Martin Mondoloni, l'un des rares élus d'opposition présents, interpelle Pierre Savelli au sujet du principal sujet de conversation du moment à Bastia: les manifestations violentes qui éclatent, à intervalle régulier, dans les rues de la ville.
"Le silence dans lequel vous vous murez n'est pas de bon aloi. Il faut que l'on sache comment le premier des Bastiais se positionne par rapport aux violences urbaines qui émaillent la vie de nos concitoyens, à tort ou à raison, depuis des semaines."
Hashtags
La question a le don d'agacer Pierre Savelli. "Je crois avoir communiqué assez régulièrement sur les réseaux, et sur les médias nationaux. J'ai appelé à la manifestation, en nombre, mais dans la tranquillité". Et le maire d'attraper son téléphone portable, pour lire un SMS que lui a envoyé le préfet de Haute-Corse, François Ravier. Le haut fonctionnaire y saluait son "attitude modératrice et apaisante".
Ce dernier conclut en assurant qu'il n'a jamais dit "un mot qui puisse être mal interprété, et qui puisse souffler sur les braises". "Je ne communique pas sur les réseaux à coups de hashtags sensationnels".
Le sujet, au Conseil municipal de Bastia, comme ailleurs, est sensible. Le ton monte. Jean-Martin Mondoloni répond à Pierre Savelli "vous lâcherez plutôt vos meutes sur la twittosphère", soulignant la duplicité supposée du camp nationaliste.
Après un bref échange d'amabilités qui prend des allures de règlements de comptes, l'élu de l'opposition s'enfonce dans son siège, et lance : "vous prenez toute tentative de débat pour une agression". Pierre Savelli lève les yeux au ciel : "ça fait longtemps qu'on ne vous voyait plus au Conseil municipal, alors vous avez raison, profitez-en, parlez..." Avant de conclure "Je suis régulièrement en ville, à discuter avec les Bastiaises et les Bastiais. Et c'est une situation compliquée. Mais je ne vais pas communiquer tous les jours en disant "c'est bien", "c'est pas bien"".
Ratios
L'examen et le vote du budget primitif, en comparaison, ressemblent à un long fleuve tranquille.
Jo Massoni, adjoint au maire en charge des finances, présente un budget primitif de 91.194.000 euros pour 2022. En 2021, il s'élevait à 85.358.415,93 euros. Une hausse qui s'explique par "un retour à la normale de l'activité de la Ville à la sortie de la crise sanitaire".
Les recettes réelles de fonctionnement sont en hausse de 7 % (55,8 millions d'euros), et les dépenses réelles affichent une progression de 5 %, à 51,3 millions d'euros.
Durant cette présentation, l'accent est mis :
- sur l'épargne de gestion, qui retrouve quasiment son niveau de 2017, avec 5,5 millions d'euros.
- sur le taux d'épargne brute de 9,6 %, qui affiche une progression le ramenant à proximité de son niveau de 10,7 % en 2017, après un taux bas de 5,9 % en 2019.
- sur le ration de désendettement "qui est passé sous la barre des dix ans, à 8,6 ans contre 13,4 ans en 2019 et 13,1 ans en 2020".
La municipalité prend soin de préciser que le rétablissement de ces ratios s'est fait sans qu'elle n'augmente "à proprement parler" la fiscalité sur la population.
Jo Massoni a également tenu à souligner, après avoir fait le tour des investissements prévus sur la mandature 2020-2026, Théâtre, conservatoire, Puntettu, quais du Vieux Port, Fort Lacroix..., que Bastia était "la ville qui investit le plus, en Corse, après la Collectivité de Corse".
La facture des dépenses d'équipement s'élève à 146 millions d'euros, dont 133 millions propres à la ville.
"Budget de routine"
Des investissements qui ne suffisent pas à convaincre Julien Morganti, présent sur les rangs très clairsemés de l'opposition, où Jean-Sébastien de Casalta, François Tatti ou Jean Zuccarelli étaient absents...
L'élu qualifie ce budget de "budget de routine, où l'on gère les affaires courantes", et juge qu'il "manque une vision pour la ville".
Il pointe également du doigt une augmentation de la fiscalité constante, entre augmentation des parkings, de l'eau, des taxes d'ordures ménagères, les tarifs des bateaux du Vieux Port, et la suppression des navettes gratuites. Autant d'éléments qui grèvent le pouvoir d'achat des Bastiaises et des Bastiais, même s'il reconnaît que ce sont la ville, mais également la communauté d'agglomération, qui en sont responsables.
Julien Morganti insiste enfin sur la hausse des charges de personnel, et sur un "encours à la dette record", avec 14 millions de nouveaux emprunts sur trois ans.
Jo Massoni répond qu'il n'y a "pas de hausse de la fiscalité, il y a une augmentation des bases, qui est une mesure étatique, et n'est pas à l'initiative de la municipalité".
Avant de conclure à l'adresse de Julien Morganti, membre de la majorité durant la dernière mandature d'Emile Zuccarelli : "on emprunte aussi pour boucher les trous laissés par celles et ceux qui étaient avant nous..."
Pour être attractif il faut ne pas avoir une pression fiscale dissuasive.
Jean-Martin Mondoloni
Jean-Martin Mondoloni, de son côté, reconnaît, contrairement à son collègue de l'opposition, qu'il y a "une ambition, même si on peut discuter des choix d'investissement".
Mais l'élu de droite estime que "cette trajectoire n'est pas soutenable". "Vous êtes face à un dilemme. Vous voulez rendre Bastia plus attractif, mais pour être attractif, il ne faut pas avoir une pression fiscale dissuasive. Il ne faut pas que l'emprunt d'aujourd'hui devienne l'impôt de demain".
Jean-Martin Mondoloni propose que "l'on s'interroge pour savoir comment générer d'autres ressources sans peser sur la fiscalité des Bastiais". Jo Massoni salue "un discours très constructif", et propose que soit organisée "une commission des finances, pour mener une réflexion avec l'opposition sur les budgets à venir et sur ce qu'il faut faire pour dégager quelques recettes supplémentaires".
Au final, après un peu plus d'une heure, le budget est voté par le Conseil municipal, à l'exception de Jean-Martin Mondoloni, Hélène Salge et Julien Morganti, qui ont voté contre l'ensemble des points, et adopté, dans un climat bien loin des vifs échanges de l'année dernière, qui avaient duré plus de 4 heures. Et pour lesquels l'opposition s'était déplacée en nombre.
Vagues
Pas vraiment une surprise pour le maire, Pierre Savelli : "Nous sommes sur une trajectoire vertueuse, celle de l'assainissement de notre budget, et de l'amélioration de la vie des Bastiais et des Bastiaises. L'année dernière, la présentation du budget faisait suite à la fuite d'un rapport de la Cour Régionale des Comptes, qui concernait deux mandatures, la précédente et la nôtre. Elle nous donnait des recommandations, nous les avons entendus, et suivis. Certaines d'entre elles avaient même été anticipées. Et c'est pour cela que, cette année, nous avons présenté un budget qui n'a pas suscité beaucoup de vagues du côté de l'opposition".